I - LE ROYAUME DE FRANCE

7 . LA GUERRE DE CENT ANS (1339 à 1453)

7 .10 . Gilles de Rais, un « serial killer » du XVe s. 

« Barbe-Bleue » est une légende d'origine bretonne (reprise au XVIIe siècle sous forme de conte par Charles Perrault) qui emprunte des traits à l'histoire de Gilles de Rais, maréchal de France et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Le personnage de Perrault est un féroce seigneur du Moyen Âge qui tuait ses épouses successives. L’authentique Gilles de Montmorency-Laval (1404-1440), baron de Rais ou Retz, préférait les garçonnets. « Plus grand tueur en série de l’histoire de France », ce Breton fut d’abord un héros de la guerre de Cent Ans et l’un des plus riches barons du royaume. Son échec, avec Jeanne d’Arc lors du siège de Paris, entraîne son discrédit auprès de la cour et l’incite à se retirer sur ses terres, dans son château de Tiffauges en Vendée, où il s’adonne à l’alchimie, à la magie et aux pratiques sado-pédérastiques en égorgeant des enfants, des crève-la-faim de la région (« seulement pour son plaisir et sa délectation charnelle », avouera-t-il). Un conflit territorial entre Gilles et l’Église entraîne parallèlement une enquête du tribunal ecclésiastique sur les rumeurs de débauche qui courent à son encontre. Emprisonnés au château de Nantes, Gilles de Rais et ses acolytes sont condamnés en octobre 1440 à être pendus puis brûlés « pour sorcellerie, sodomie, et meurtre de trente petits enfants » (l’étendue exacte de ses crimes reste sujette à caution, on mentionne le chiffre de 140 victimes). Plus d’une cinquantaine d’ouvrages lui ont été consacrés, dont "Là-bas" de Joris-Karl Huysmans (1891), "Le Procès de Gilles de Rais" de Georges Bataille (1965), "Gilles et Jeanne" de Michel Tournier (1983) et la pièce "Sang et Roses. Le Chant de Jeanne et Gilles" de Tom Lanoye (2011).
Nota bene : l’opéra bouffe "Barbe-Bleue" de Jacques Offenbach (1866) n’est pas pris en considération.
1897/98Barbe-Bleue (FR) de Georges Hatot (?)
Établissements Frères Lumière (Lyon), 17 m. – Barbe-Bleue s’apprête à décapiter son épouse qui a découvert son secret, mais deux hommes l’en empêchent. – Ce premier conte de Perrault à bénéficier d’une adaptation à l’écran, dans la catégorie « Vues historiques et scènes reconstituées », est tourné à Paris en 1897 devant un décor en toile peinte de Marcel Jambon, mais ne sort qu’en novembre de l’année suivante à Lyon.
1901Barbe-Bleue (FR) de Georges Méliès
Star Film no. 361-370, 210 m. (12 tableaux) / 9 min. – av. Georges Méliès (Barbe-Bleue/un aide-cuisinier/le diable), Jeanne d’Alcy (la nouvelle épouse), Bluette Bernon (la fée). – « Grand drame féerique avec tableaux spectaculaires » d’après Perrault, filmé au studio de Montreuil. Facétieux, Méliès ajoute au conte deux personnages de son crû, une fée tentatrice qui apporte la clé fatale, et un diable attisant la curiosité de l’épouse. Le cinéaste (affublé d’une barbe postiche et d’un faux ventre particulièrement proéminent) épouvante son public en montrant les cadavres alignés des sept épouses pendues, mais dans un dernier tableau, les victimes trucidées du monstre ressuscitent et s’en vont aux bras de leurs cavaliers respectifs.
Tableaux : 1. « Les fiançailles de Barbe-Bleue » – 2. « Préparatifs du repas de noces » – 3. « Le mariage » – 4. « Départ de Barbe-Bleue en voyage » – 5. « La chambre interdite » – 6. « Un rêve troublant » – 7. « La découverte de Barbe-Bleue et la condamnation » – 8. « Sœur Anne sur la tour » – 9. « Les préparatifs de l’exécution » – 10. « Arrivée des sauveteurs » – 11. « Mort de Barbe-Bleue » – 12. « Apothéose : les huit femmes sur le cadavre de Barbe-Bleue ».
1906Barbe Bleue (FR)
Pathé Frères S.A. (Paris) no. 1962 (« Scènes, féeries et contes »), 225 m./10 min. – Synopsis : Barbe-Bleue feint de partir en voyage et confie à sa septième épouse, dont il veut mettre la curiosité à l’épreuve, la clé d’un cabinet noir où sont suspendus les cadavres sanglants des six autres femmes qu’il a égorgées successivement, avec défense expresse d’y pénétrer. La femme ne peut résister à la tentation, mais à la vue des cadavres, la clé lui tombe des mains et roule dans le sang : la tache est indélébile. Barbe-Bleue surgit et s’apprête à tuer son épouse, mais Anne, la sœur de la malheureuse, et ses deux frères interviennent à temps pour trancher la tête du bourreau. – Tourné en partie en décors naturels au château de Pierrefonds (Oise), au nord de Paris et à Joinville. – IT : Barbablù, DE : Ritter Blaubart.
1907Barbe-Bleue (FR) d’Etienne Arnaud
Etablissement Gaumont S.A. (Paris), no. 1695, 235 m. (22 tableaux). – Synopsis : Barbe-Bleue séduit Muguette, la fille de l’aubergiste, et l’enlève. Aidé par la baguette magique d’une fée qu’il avait secourue alors qu’elle avait l’apparence d’une vieille femme, Jasmin, le commis épris de Muguette, s’introduit dans le château et sauve la donzelle du sort que le terrible seigneur aurait réservé à ses six premières femmes. Celles-ci ne sont toutefois pas mortes mais seulement séquestrées dans une armoire, et elles dansent autour des amoureux. – Arnaud tourne ses extérieurs presque entièrement en décors naturels, dans l’enceinte du château de Rambouillet (Yvelines), à Dourdan (Essonne), à Pierrefonds (Oise) et à Saint-Fargeau (Seine-et-Marne). Violences et allusions sexuelles sont gommées au profit d’un happy-end pour familles. – Notons qu’en 1913, la Gaumont annonce « *Le véritable Barbe-Bleue » (projet vraisemblablement jamais réalisé) qui restitue sans détours les méfaits sulfureux de Gilles de Rais.

1909 – Bluebeard (US) de James Searle Dawley
Thomas A. Edison Manufactoring Co., 395 ft. – av. Charles Ogle (Barbe-Bleue), Mary Fuller (sa dernière épouse). – Un récit horrifique fabriqué dans le Bronx à New York par le team qui présentera, l’année suivante, le tout premier « Frankenstein » du cinéma.
1938[Barbe Bleue (FR) de Jean Painlevé, René Bertrand, 13 min.
« Féerie en sculpture animée », court métrage d’animation tourné au Luxembourg en Gasparcolor, sur une musique de Maurice Jaubert, avec 300 personnages modelés.]
Gilles de Rais (Philippe Hériat) lit les exploits de la Pucelle, dans « La Merveilleuse Vie de Jeanne d’Arc » de Marco de Gastyne (1929).
1929® La Merveilleuse Vie de Jeanne d'Arc, fille de Lorraine (FR) de Marco de Gastyne. – av. Philippe Hériat (Gilles de Rais). – Le seul film sur la Pucelle qui concède une place non négligeable au personnage et évoque son penchant pour la débauche.
1948® Joan of Arc (Jeanne d'Arc) (US) de Victor Fleming. – av. Henry Brandon (Gilles de Rais).
1951® (tv) Saint Joan (GB) de Val Henry Gielgud, Kevin Sheldon. – av. Bryan Johnson (Gilles de Rais).
Pierre Brasseur (g.) et Hans Albers (dr.) avec Cécile Aubry dans les deux versions de « Barbe-Bleue » (1951).
1951Barbe-Bleue / Blaubart (FR/DE/CH) de Christian-Jaque
Paul-Edmond Decharme/Alcina (Paris)-Union Film (Zürich)-Como Film GmbH/Aura Filmproduktion GmbH (München), 1h39 min. – av. Pierre Brasseur/Hans Albers (le comte Amédée de Salfère, dit Barbe-Bleue), Cécile Aubry (Aline), Jean Debucourt/Fritz Kortner (le majordome), Jeanne Morlet/Lina Carstens (la nourrice), Robert Arnoux/Arno Paulsen (l’aubergiste Mathieu, dit Mathu-les-grands-pieds/Matthes), Jacques Sernas (Giglio/Florian), Ina Halley (Anne), Henri Rollan (le comte d’Étioles), Fernand Rauzéna (Giuseppe), Georges Chamarat (le chapelain), Made Siame (la nourrice), Carl Wery (le duc), Denise Corman (Valentine d’Étioles), Fernand Fabre (l’envoyé de l’empereur), Reggie Nalder (le capitaine des gardes), Elli Norden (Kunigunde von Kronberg Meinsnichtgonfried, l’épouse allemande), Diane Lefort (Lucrezia, l’épouse italienne), Espanita Cortez (Mercedes, l’épouse espagnole), Geneviève Gerard (Lady Anny Fling, l’épouse écossaise), Phung Thi Nghiep (Tchoo Ming Kuang, l’épouse chinoise), Laïla Fouad (Fatme, l’épouse arabe).
Synopsis : Veuf pour la sixième fois, le comte Amédée de Salfère, dit Barbe-Bleue, est en quête de sa septième femme. Mais les filles à marier redoutent le châtelain, précédé d’une réputation de tyran et d’assassin. Seule Aline, la fille de l’aubergiste, ne le craint pas et prend la place d’une invitée transie au bal donné par le comte. Barbe-Bleue la fait saisir, mais, charmé, demande la main de la jolie roturière dès le lendemain. Pendant la nuit de noces, il tente de la terroriser en lui décrivant les meurtres des six malheureuses qui l’ont précédée, mais face à la naïveté apparente d’Aline, il finit par s’endormir. Le lendemain, tandis que le barbu est à la chasse, Aline découvre dans un appartement secret du château les six épouses séquestrées, de criardes et méchantes créatures vivant entre elles en bonne compagnie. Afin de sauvegarder sa légende, le comte décide de se débarrasser de ses épouses sur conseil de son majordome, en commençant par la dernière en date. Aline est délivrée à temps par sa sœur Anne et par un commando de villageois que dirige Giglio, un jeune forgeron amoureux et averti du danger qu’elle court. Les soldats de l’empereur arrêtent le comte, mais personne n’étant mort, ce dernier est condamné au bannissement, le majordome est pendu tandis qu’Aline épouse Giglio.
L’annonce de la mise en chantier suscite quelque espoir : Christian-Jaque, valeur sûre des années de guerre, capable de jongler efficacement avec gros budgets, costumes et figurants (« Boule de Suif », « La Chartreuse de Parme », la légende scandinave « Singoalla ») tourne un conte comico-horrifique en double version franco-allemande, avec un casting binational – tantôt Pierre Brasseur, tantôt Hans Albers ; c’est la première fois depuis 1945 que les deux anciens ennemis collaborent pour le cinéma. Christian-Jaque plante ses caméras en Autriche, dans les extérieurs enneigés du Tyrol (Thiersee, Kufstein), et laisse Georges Wakhévitch créer d’impressionnants décors style Viollet-le-Duc aux studios Franstudio de Joinville-le-Pont. « Barbe-Bleue » est le premier film français qui s’applique à utiliser la couleur selon un parti-pris esthétique, cherchant des équivalences chromatiques aux toiles d’un Breughel, avec sa prédominance du rouge, du gris, du noir, du brun et du blanc. Hélas, Christian Matras tourne en Gévacolor, un dérivé belge de l’Agfacolor allemand dont les chatoyances et nuances tant admirées en 1951 (on fit des comparaisons élogieuses avec le « Henry V » de Laurence Olivier) n’ont pas résisté à l’épreuve du temps.
C’est le troisième et dernier film marquant de Cécile Aubry, la femme-enfant révélée avec le « Manon » de H.-G. Clouzot (1947) et la fresque médiévale « The Black Rose » de Henry Hathaway (1950) ; mariée un temps au fils du pacha de Marrakech, elle publiera des livres d’enfants et œuvrera pour la télévision en tant que scénariste et réalisatrice (1960/70). Ses minauderies embobinent un Brasseur gesticulant, grimaçant et truculent à souhait, dans le rôle du barbon grandiloquent tout occupé à tisser sa propre légende. Le scénario prévisible du vétéran André-Paul Antoine (« Le Miracle des loups », 1924) est alourdi de dialogues inutilement alambiqués d’Henri Jeanson (« les derniers outrages sont les premiers égards que tout homme bien né se doit de faire subir aux vierges qui se respectent… »). Ce sont là les défauts majeurs de ce « Barbe-Bleue » réduit à une banalité, un divertissement aujourd’hui gentiment démodé que ni les jolis tableautins (parfois influencés par Gustave Doré), ni la caméra virevoltante, ni les angles précieux du réalisateur ne parviennent à rehausser. La version française est sélectionnée pour le festival de Venise 1951 et fait un joli score au box office de l’Hexagone avec 2,5 millions de spectateurs. L’allemande n’attire pas les foules, malgré le si populaire Hans Albers, enjoué et autoparodique (dont la carrière sous la croix gammée handicape toute percée internationale). Film également présenté au festival international de Punta del Este 1952, en Uruguay. – IT : Barbablù, ES : Barba Azul.
Enfin, signalons qu’au lendemain de « La Tour de Nesle », en 1955/56, Abel Gance et Nelly Kaplan vont travailler pendant deux ans à un projet d’une autre trempe, hélas inabouti, « *Le Royaume de la Terre », illustrant les rapports entre Jeanne d’Arc et Gilles de Rais. Les interprètes pressentis en sont Gérard Philippe et Pierre Brasseur (en Gilles de Rais, bien sûr). Mais aucun producteur ne veut se mouiller.
1957® Saint Joan (Sainte Jeanne) (US) d’Otto Preminger. – av. David Oxley (Gilles de Rais).
1964(tv) Herzog Blaubarts Burg / Bluebeard’s Castle (Le Château de Barbe-Bleue) (DE) de Michael Powell
Norman Foster Prod.-Süddeutscher Rundfunk (SDR) (ARD 15.2.63 / BBC 9.11.78), 60 min. – av. Norman Foster (Barbe-Bleue), Anna Raquel Sartre (Judith). – Michael Powell, mis au ban de la production britannique après le scandale de « Peeping Tom » en 1960, retrouve l’inspiration visuelle de ses fameux films-ballets en portant à l’écran pour la télévision ouest-allemande un opéra en un acte de Béla Bartók (A kékszakállú herceg vára, 1918), d’après un livret de Béla Bálasz, lui-même inspiré du conte Ariane et Barbe-Bleue de Maurice Maeterlinck. Judith, l’héroïne, a quitté fiancé, parents, frères et sœurs par amour pour Barbe-Bleue et exige de sa part qu’il lui révèle ce que cachent les sept portes de son château. Le maître des lieux est un homme d’un goût raffiné, un esthète qui tue ses épouses adorées pour les transformer en statues ; quant à Judith, ce n’est pas une victime, mais une manipulatrice entêtée qui lui arrache ses secrets monstrueux un par un, jusqu’à sa propre perte. Powell fait appel à Hein Heckroth, son génial collaborateur de « The Red Shoes » et « The Tales of Hoffmann », pour créer dans les Dürer Film-Ateliers de Salzbourg les décors de la salle du château où surgissent gargouilles de glace, statues expressionnistes, un vaste lit nuptial pourpre et une profusion de fleurs artificielles aux couleurs vénéneuses. Le film, produit par le baryton américain Norman Foster, est le premier téléfilm allemand tourné en couleur (Technicolor), quoique diffusé en noir et blanc, la couleur s’imposant sur les petits écrans qu’à partir de 1967. Une œuvre expérimentale d’une grande beauté, mais difficile d’accès.
1967® (tv) Santa Giovanna (IT) de Franco Enriquez. – av. Ezio Marano (Gilles de Rais).
1968® (tv) Saint Joan (GB) de Waris Hussein. – av. Philip Bond (Gilles de Rais).
1969® (tv) Sainte Jeanne (FR) de Claude Loursais. – av. François Maistre (Gilles de Rais).
1971® (tv) Die heilige Johanna (DE/AT) de Franz Josef Wild. – av. Hermann Schmid (Gilles de Rais).
1973® (tv) Jeanne d'Arc (FR) de Yves-André Hubert. – av. Yvan Varco (Gilles de Rais).
Paul Naschy en Gilles de Rais dans « El mariscal del infierno » de Leon Klimovsky (1974).
1974El mariscal del infierno / Los poseídos de Satán (ES/AR) de Leon Klimovsky
Profilmes-Orbe Producciones, 1h35 min. – av. Paul Naschy [=Jacinto Molina] (Gilles de Lancre/Gilles de Rais), Norma Sebre (Norma Sebre), Guillermo Bredeston (Gaston de Malebranche), Mariano Vidal Molina (Sillé), Eduardo Calvo (Simon de Braqueville), Luis Induni (Paul), José Luis Chinchilla (Daniel), Graciela Nilson, Cesar De Barona, Javier de Rivera, Germán Kraus, Fernando Rubio.
Synopsis : Après avoir combattu l’Anglais en Bretagne et été ignoré par Charles VII, Gilles de Lancre se retire dépité sur ses terres, conspire contre la couronne, s’adonne à la sorcellerie et cherche à découvrir la Pierre philosophale avec l’aide de l’alchimiste Simon de Braqueville. Ambitieux, sadique, épileptique, il terrorise ses sujets, torturant et massacrant les jeunes filles du pays. Gaston de Malebranche, son ancien compagnon d’armes, soulève la population et tue le tyran.
Un « maréchal de l’enfer » qui s’inspire directement des crimes de Gilles de Rais, le film ayant été annoncé comme illustrant les méfaits atroces de l’ancien maréchal de France. Emule de Jess Franco, Paul Maschy, cinéaste-culte pour amateur de gore hispanique et de cinoche de terreur à bon marché, en est l’interprète principal et le scénariste, dirigé ici par le vétéran argentin Klimovsky. Son ogre périt transpercé de flèches, en hommage au Macbeth d’Akira Kurosawa (« Le Trône de sang », 1957). Le film est un mélange souvent soporifique de bande d’aventures et de sadisme (sans trop de nudité) en Technicolor, tourné à Madrid (Aldea del Fresno, Pelayos de la Presa, Talamanca del Jarama), à Belmonte et à Tolède (Seseña). On ne peut que regretter que l’unique production qui aborde (par la bande) le personnage historique, et non son avatar fictif de conte de fée ou une transposition au XXe siècle (les « Bluebeard » d’Edgar Ulmer en 1944, et d’Edward Dmytryk en 1972), se résume à cette grand-guignolerie fauchée. Rappelons que Pier-Paolo Pasolini envisageait de réaliser un film sur Gilles de Rais peu avant son assassinat en 1975. – US : The Devil’s Possessed.
1967® (tv) Saint Joan (US) de George Schaefer. – av. Ted Van Griethuysen (Gilles de Rais).
1975Images à propos de : Enluminures autour des minutes du procès de Gilles de Rais (FR) de Martine Lancelot
Capital Films, 1h05 min. – av. Gilles Millinaire (Gilles de Rais), Daniel Abjean (le duc Jean de Bretagne), Thierry Chauvières (Malestroit), Emmanuel Franval (Poitou), Emmanuel Dessablet (Prelati), Sylvie Lafontaine (la femme en noir), Jean-Paul Carré, Dominique Chagnaud, Luce Eekman, François Siener, Francis Sourbié. – Un reportage-fiction sur les répétitions de la pièce Enluminures autour des minutes du procès de Gilles de Rais, mis en scène par Francis Sourbié (ancien décorateur-costumier à l’ORTF) au Théâtre d’Essaion, dans le Marais à Paris. Le metteur en scène s’interroge sur la manière de représenter le grand criminel et utilise entre autres des textes de Georges Bataille.
1978® (tv) Heilige Jeanne (NL) de John Van de Rest. – av. Erik Plooyer (Gilles de Rais).
1979® (tv) Saint Joan / Die heilige Johanna (GB/DE) de Jane Howell. – av. James Aubrey (Gilles de Rais).
1985® (tv) Catherine – Il suffit d’un amour (FR) de Marion Serrault. – av. Benoît Brionne (Gilles de Rais), cf. Charles VI (7.4).
1985/86(tv) La Barbe Bleue (FR) d’Alain Ferrari
ORTF (TF1 1.1.86), 1h35 min. – av. Sami Frey (Barbe-Bleue), Sabine Haudepin (Blanche), Anne-Marie Philipe (Anne, sa sœur), Philippe Lebas (le page), Rosine Rosette (Béatrix), Lorella Di Dicco (Ariane), Virginie Lacroix (Ophélie), Emmanuelle Debever (Mélisande), Annick Brard (Agnès), Marie Rivière (Héloïse), Elisabeth Kasa (Orlamonde), David Gabison (le père), Claude Merlin (Martin), Claude Buchwald (Martine), Tristan Calvez (Poucet), Hervé Rey (Pierrot), Jacques Allwright (Pélléas).
Une réécriture enluminée du conte de Perrault filmée en couleurs aux Buttes-Chaumont, dans laquelle la dernière épouse de Barbe-Bleue, veuve inconsolable, se fait représenter les grandes scènes de la vie du cher disparu et, fidèle à son mari jusque dans la malédiction, perpétue son souvenir en devenant à son tour criminelle, friande de chair masculine. Le superbe Barbe-Bleue de Sami Frey, qui aurait eu une enfance malheureuse et une septième épouse redoutable, est au centre de cette « histoire d’amour fou comme les rêves d’un prince tourmenté, fort comme l’entêtement d’une jeune fille » (Télérama, 25.12.85). La féerie des tableaux y évacue l’épouvante du conte.
1991(tv-mus) A kékszakállú herceg vara / Bluebeard’s Castle (Le Château de Barbe-Bleue) (HU/GB) de Miklós Szinetár
Anikó Kovács-László Steiner-Magyar Televízió-UNITEL (MTV), 57 min. – av. Kolos Kováts (Barbe-Bleue), Sylvia Sass (Judith). – Captation de l’opéra de Béla Bártok et Béla Balász (cf. 1964), avec le London Philharmonic Orchestra sous la direction de Georg Solti
1990® (tv) Jeanne d'Arc ou Le Pouvoir et l'Innocence (FR) de Pierre Badel. – av. Vincent Gauthier (Gilles de Rais).
1994® Jeanne la Pucelle (FR) de Jacques Rivette. – av. Didier Agostini (Gilles de Rais).
1999® Jeanne d’Arc / The Messenger : The Story of Joan of Arc (FR) de Luc Besson. – av. Vincent Cassel (Gilles de Rais).
L’innocence fascinée par le mal : Marie-Catherine (Lola Créton) caresse la tête du monstre, dans « Barbe-Bleue » (2009).
2009(tv) Barbe-Bleue (FR) de Catherine Breillat
Jean-François Lepetit-Sylvette Frydman Prod.-Flach Film-CB Films-Arte France (Arte 6.10.09), 1h18 min. – av. Dominique Thomas (Barbe-Bleue), Lola Créton (Marie-Catherine), Daphné Baïwir (Anne), Marilou Lopes-Benites (Catherine), Lola Giovannetti (Marie-Anne), Farida Khelfa (la mère supérieure), Isabelle Lapouge (la mère), Suzanne Foulquier (Sœur Barbe), Laure Lapeyre (Ida), Jacques Triau (l’évêque).
A la fois une interprétation totalement fidèle à l’esprit du conte trouble et troublant de Perrault, avec toute sa cruauté, et un téléfilm personnel, nourri des obsessions de la réalisatrice Catherine Breillat : la violence faite aux femmes, l’omniprésence du désir, les relations d’amour-haine entre sœurs, le choc entre la faiblesse apparente et la force fragile, etc. L’histoire de Marie-Catherine, la pauvre orpheline, encore adolescente, que le décès de son père contraint à quitter le cloître avec sa sœur Anne et à épouser le riche Barbe-Bleue malgré sa terrifiante réputation est racontée par une fillette du XXe siècle qui décrit avec volupté le conte de ce « premier serial killer de la littérature » à sa sœur aînée jusqu’à ce que cette dernière pleure de terreur et se tue accidentellement en tombant du grenier. Les deux récits s’entremêlent et s’éclairent mutuellement. La cinéaste, marginale et facilement provocatrice (« Anatomie de l’enfer », 2004), s’étonne du reste que la société ait pu permettre aux petites filles de lire une histoire « où on leur apprend à aimer l’homme qui les tue, et à aller vers lui en toute connaissance de cause » (Télérama, 30.9.09).
Marie-Catherine, c’est l’innocence fascinée par le mal (« le délice enfantin de la peur »), sur fond de métaphore sexuelle. Plus émouvant que repoussant, Barbe-Bleue s’interdit de la toucher tant qu’elle n’aura pas grandi. En réalisant que son épouse désobéissante a découvert le cabinet secret avec ses cadavres suspendus au-dessus d’une immense flaque de sang, l’ogre ressent moins de la colère que de la tristesse et de l’accablement. Breillat a choisi l’imposant Dominique Thomas pour sa voix d’une douceur douloureuse et sa stature de colosse (une silhouette dominatrice qui n’est pas sans rappeler celle d’Ivan le Terrible chez Eisenstein). Alors qu’il la menace de son cimeterre, Marie-Catherine émet l’ultime souhait de mourir en tenue de noces, pour gagner du temps. Le dernier plan la montre caressant rêveusement la tête tranchée de Barbe-Bleue offerte sur un plat, un renvoi iconique à Judith et Holopherne ou à Salomé et Jean-Baptiste tels que représentés par les peintres de la Renaissance et du baroque. La mise en scène joue la carte de l’austérité, hésitant entre une approche cérébrale un peu agaçante et, ça et là, la tentation de composer des tableaux somptueusement éclairés que rehaussent garde-robe, parures et accessoires des XVIe-XVIIe siècles. Tournage à Chénérailles et au château voisin de Villemonteix, dans le Limousin. – US : Bluebeard, DE : Blaubarts jüngste Frau.
2011(tv) L’Affaire Gilles de Rais (FR) de Ghislain Vidal
série « Les Procès de l’Histoire », Marc Andréani/Injam Productions-Cinaps Télévision-Toute l’Histoire (Toute l’Histoire 12.10.11), 52 min. – av. Laurent Desponds (Gilles de Rais), Olivier Achard (Jean de Malestoit, évêque de Nantes), Eric Naudet (Jean V, duc de Bretagne), Jonathan Max Bernard (Francesco Prelati, alchimiste et devin). – Docu-fiction : onze ans après la mort de Jeanne d’Arc, Gilles de Rais, accusé de crimes abominables, est appréhendé à Machecoul par des hommes du duc de Bretagne. Le psychopathe n’oppose aucune résistance, malgré son légendaire tempérament belliqueux. L’Inquisition et l’Église se trouvent face à un héros de la Guerre de Cent Ans et maréchal de France, avec pour enjeu historique, une révolution juridique : pour la première fois, un baron du royaume doit faire face à ses juges.