V - LE SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE

7. ENTRE FANTAISIE, FANTASTIQUE ET HISTOIRE

7.3. La légende de Geneviève de Brabant

Un récit figurant dans la Légende dorée de Jacques de Voragine (Jacopo da Varazze) au XIIIe siècle et dans l’ouvrage latin de Matthias Emich (1472), évêque de Mayence. - Vers 1100, pendant les Croisades, dans le duché de Lotharingie (Lothringen). Siegfried, comte de Trèves, est le mari de Geneviève (Genoveva), la ravissante fille du duc de Brabant qu’il délaisse pour combattre en Terre Sainte. Enceinte, laissée sous la garde de Golo, l’écuyer et homme de confiance du comte, elle refuse les avances de ce dernier. Golo la fait emprisonner, assassine le messager du comte et fait accuser Geneviève d’adultère. Il ordonne à ses hommes de la tuer en forêt, mais ces derniers lui laissent la vie sauve et elle peut se réfugier dans une grotte où – miracle ! - une biche lui permet de survivre pendant des années avec son enfant en la nourrissant de son lait. Enfin de retour, le comte la retrouve après avoir fait exécuter Golo. Cette légende apocryphe (dont versions, époques, lieux et noms propres diffèrent) est probablement inspirée par le destin de Marie de Brabant, injustement accusée d’adultère et décapitée en 1266 par son époux Louis II de Bavière. Le sujet a également inspiré Ludwig Tieck (Leben und Tod der heiligen Genoveva, 1799), Christoph von Schmid (Genofeva von Brabant, 1810), Friedrich Hebbel (Genoveva, 1843), etc. Opéras de Joseph Haydn (1777), Robert Schumann (1847) et Jacques Offenbach (opéra-bouffe, 1859). Le récit est parfois situé au VIIIe s., du temps des luttes de Charles Martel contre les Maures.
1907Geneviève de Brabant (FR)
Pathé Frères S.A. (Paris), no. 1756, 200 m./11 min. – Scènes de la série « féeries et contes », une suite de 12 tableaux dont les derniers montrent comment, après la pendaison de Golo, la fidèle Geneviève meurt d’épuisement et la biche qui fut si salutaire pour elle et son enfant vient brouter sur sa tombe.
1922Genoveva (Das hohe Lied der Frauentreue) (AT) de Friedrich Rosenthal
Allianz-Film GmbH (Wien), 5 actes/1837 m. - av. Lilly Marischka (Geneviève de Brabant), Tini Senders, Franz Höbling, Werner Schott. - Tournage aux studios Belga-Film à Machelen. – ES : Genoveva de Brabante (La que fue madre, mártir y santa).
1932Genoveffa / Genoveva (US) de Giulio Amauli
Jersey Italo America Phonofilm Co. (Stella Film, New Jersey), 8 bob. – av. Giulio Amauli (le comte Siegfried), Dina Lanza (Geneviève de Brabant). – Une production parlée italien, destinée en priorité aux Américains italophones. Inspirée par la version de Jacques Offenbach, l’action est transposée au VIIIe s. Le tournage se déroule au Newark Motion Picture Studio et les extérieurs à Lambert’s Castle à Paterson, NJ. Quant aux batailles, elles sont empruntées à un film muet italien plus ancien, non identifié.
1947Genoveffa di Brabante (IT) de Primo Zeglio
Vittorio Vassarotti/Vi-Va Film, 90 min. - av. Gar Moore (le comte Siegfried), Harriet White [=Harriet Medin] (Geneviève de Brabant), Enrico Glori (Golo), Oretta Fiume (Berta), Guido Notari (le duc de Brabant), Nerio Bernardi (l’ambassadeur), Chicco Glori (le fils de Geneviève), Ugo Sasso (Corrado).
Un film fauché, entièrement tourné en intérieurs dans les studios Titanus à Rome avec deux obscurs acteurs américains dans les rôles principaux (la bataille est racontée par une voix off sur fond de surimpression). - ES: Genoveva de Brabante.
1951/52* La leggenda di Genoveffa / La vendetta di Brabante (Le Chevalier des Croisades) (IT) d’Arthur Maria Rabenalt
Produzione Venturini (Milano)-Cinecentro, 90 min./84 miné - av. Anne Vernon (Geneviève de Brabant), Rossano Brazzi (le comte Siegfried von Trier), Gianni Santuccio (Golo), Enzo Fiermonte (le baron Drago), Edmea Lari (l’aubergiste), Elena Borgo (Berta), Pietro Tordi (Orso), Arrigo Peri, Domenico Viglione Borghese, Pino Vidale, Piero Carnabuci, Emilio Baldanello, Raf Pindi, Jeanette Wiegandt, Franco Fabrizi, Jolanda Blasi, Anna Carena, Carolo Dale, Martina, Gianni.
Une production réalisée par l’intéressant vétéran viennois Arthur Maria Rabenalt, metteur en scène de théâtre et d’opéra avant-gardiste, érotomane et musicologue, puis réalisateur auto-proclamé « apolitique » dès 1934, alignant quelques grands succès publics dans le Reich. Tournage dans les studios I.C.E.T. à Milan, en extérieurs au château de Fénis et dans la vallée d’Aoste (photo : Massimo Dallamano). Sans doute le plus réussi des films sur le sujet, où Rabenalt insiste sur les attraits séducteurs de Geneviève et rajoute des « scènes d’orgies et d’exhibitionnisme » parmi les soudards du pervers Golo, images qui, en France, choquent la Centrale catholique du cinéma. A la fin, Golo se suicide dans son cachot. Cette même année, Rabenalt signera en Allemagne l’étrange conte érotico-fantastique Alraune (Mandragore, la fille sans âme), autre plongée dans le légendaire germanique « démoniaque » interprétée par Hildegard Knef et Erich von Stroheim. - GB : The Mistress of Treves, DE : Genoveva, ES: La leyenda de Genoveva / Genoveva de Brabante.
1953Genoveffa di Brabante, épisode de I Cavalieri dell'illusione (Femmina) / The Love of Three Queens (IT/FR) d’Edgar G. Ulmer [et Marc Allégret]
Hedy Lamarr, Victor Pahlen/Hedy Lamarr Productions-Cino Del Duca Produzioni Cinematografice Europee (P.C.E.)-Antares Film (Amato Pennesilico), 97 min. - av. Hedy Lamarr (Geneviève de Brabant), Terence Morgan (Golo), Cesare Danova (le comte Siegfried von Trier), Richard O’Sullivan (Benoni), John Fraser (Drago).
Une désastreuse coproduction à épisodes, financée par la star hollywoodienne Hedy Lamarr et réalisée en Technicolor en Italie, à Cinecittà et à Montegelato (été-automne 1953), dans laquelle la vedette austro-américaine interprète tour à tour Geneviève de Brabant, Joséphine de Beauharnais et Hélène de Troie. Hedy Lamarr a engagé son compatriote Edgar Ulmer, roi souvent original du nanar fauché et de la série Z, pour relancer sa carrière, mais ce dernier ne réalise que l’épisode moyenâgeux, puis se querelle avec l’actrice ; Marc Allégret reprend les rênes pour les épisodes restants. Musique de Nino Rota. Le film ne fait qu’une mini-carrière en Europe, puis à la télévision américaine. Hélas rien de mémorable.
1964* Genoveffa di Brabante – La lancia della vendetta / Genoveva de Brabante (Geneviève de Brabant [titre dvd]) (IT/ES) de Riccardo Freda [et José Luis Monter]
Gustavo Lombardo/Imprecine (Roma)-Hispamer Film (Madrid), 89 min. - av. Maria José Alfonso (Geneviève de Brabant), Alberto Lupo (le comte Siegfrid), Angela Rhu (Berta), Stephen Forsyth (Golo), Antonella Della Porta, Franco Balducci (Rambald), Andrea Bosic (le duc de Brabant), Beni Deus (Raiberto), Bruno Scipioni, Loris Loddi (le fils de Siegfrid), Umberto Raho, Rosita Yarza.
En Espagne, le film est abusivement signé par José Luis Monter seul, l’épatant Riccardo Freda, champion du cinéma populaire italien et de la mise en scène vigoureuse et efficace, quoique effectuée en quatrième vitesse (entre péplums, cape et épée et films d’horreur), ne figure pas au générique madrilène … sinon pour le sujet et le scénario ; pourtant, Freda a toujours affirmé en être le seul réalisateur (cf. Eric Poindron, Riccardo Freda, un pirate à la caméra, Actes Sud, 1994, p. 323-24) - ce qui se voit immédiatement -, alors que l’obscur Monter était déjà son assistant pour Giulietta e Romeo, film également produit en 1964 par le même consortium italo-ibérique. Un tournage en Eastmancolor et Cimemascope de deux semaines en Italie et d’une semaine en Espagne (au château de Manzanares el Real et dans le Parc national de la Sierra de Guadarrama) ; uns petite bande sans moyens ni acteurs connus, mais plutôt sympathique. Anticlérical, Freda a évacué toute trace de religion du récit. L’échec du film en Italie pousse le cinéaste à s’installer provisoirement et à travailler en France. - US : The Revenge of the Crusader.
1989[(tv) Geneviève de Brabant (GB) de John Wright (Channel Four 14.1.90), 38 min. – av. les voix d’Yvonne Barclay (Geneviève), Omar Ebrahim (Golo), Tilda Swinton (narration). – L’opéra pour marionettes d’Éric Satie (1899).]