V - LE SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE

6. LA CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE

Après avoir été occupé par les Burgondes et les Alamans au Ve siècle, le territoire suisse est incorporé successivement aux royaumes de Bourgogne, des Francs, puis à l’Empire carolingien. Au XIe siècle, à la chute du royaume de Bourgogne transjurane, il est rattaché au Saint-Empire romain germanique pendant plus d’un demi-millénaire, mais à un degré d’intégration variable selon les régions. Il devient le théâtre de dures luttes féodales en raison de sa position géostratégique au cœur de l’Europe. La date de 1291 marque le début de l’alliance entre les premiers cantons suisses (Uri, Schwytz, Unterwald), alliance confirmée en 1315 par le pacte de Brunnen conclu après la bataille de Morgarten remportée contre Léopold Ier d’Autriche. Les territoires avoisinants (Lucerne, Zurich, Glaris, Zoug et Berne) se rapprochent des trois premiers cantons et cette première Confédération de cantons helvétique atteint le Rhin et la Suisse romande. Le pays participe à la guerre de Bourgogne (1474 à 1477) et à celle de Souabe, à la suite de quoi la Confédération suisse est reconnue de facto par le Saint-Empire romain germanique en 1499 (traité de Bâle). Déchiré par la Réforme, le pays se divise et devient dès 1529 le théâtre de plusieurs guerres de religion.

6.1. La Suisse du Haut Moyen-Âge (avant 1291)

1924/25Ekkehard, épisode de Das Paradies Europas. Bild vom Schweizer Volk und seinen Bergen / CH : O Schweizerland, mein Heimatland !/Heil Dir Helvetia (La Suisse, ma chère et libre patrie !) (DE/CH) de Walther Zürn
Nicholas Kaufmann, Karl Egghard/Universum-Film AG (UFA Kulturabteilung, Berlin)-Pandora-Film AG (Bern), 2325 m./5 actes. – av. Charles Willy Kayser (le moine Ekkehard), Wilhelm Kaiser-Heyl (l’abbé de Reichenau), Dora Bergner (la duchesse Hedwige de Souabe), Mary Parker (Praxedis, une servante), Otto Gebühr (Ulrich Zwingli), Hermann Leffler (Alois von Reding), Otto Kronburger (Arnold Winkelried).
Ce film kaléidoscopique se veut une promenade touristique, une leçon de géographie, mais aussi d’histoire : les prises de vues documentaires alternent avec la reconstitution d’événements du passé. Ainsi, le chef des Helvètes Divico résiste à l’envahisseur romain et fait passer sous le joug des légionnaires prisonniers (58 av. J.C.), mais on passe sous silence sa défaite contre Jules César ; à l’abbaye de Saint-Gall, le film s’étend en particulier sur un épisode de la vie du moine et écolâtre Ekkehard vers 950, rendu populaire par le roman de Josef Viktor von Scheffel (cf. infra, télésérie de 1989) ; on a ensuite droit à l’incontournable naissance de la Confédération avec le serment du Grütli en 1291, à la bataille de Sempach contre Léopold d’Autriche et au sacrifice héroïque de Winkelried en 1386, aux sermons du réformateur Zwingli à Zurich et à sa mort à la bataille de Kappel en 1531 (cf.. supra, la Réforme), enfin à la mobilisation d’Alois von Reding contre les armées de la Révolution française en 1798. La production est essentiellement allemande (la Pandora-Film bernoise est en fait une filiale suisse de l’UFA) et toutes les scènes reconstituées ont été photographiées dans les studios de la UFA à Neubabelsberg. L’esprit réactionnaire règne des deux côtés de la frontière (Otto Gebühr, qui incarne Zwingli, a interprété dix fois Frédéric le Grand entre 1923 et 1942) : c’est le salut cinématographique encore timide d’un ultranationalisme à l’autre.
Le moine Ekkehard (Gabriel Barylli) de Saint-Gall fait l’apprentissage du monde (série de 1989).
1989(tv+ciné) Ekkehard (DE/CH/PL/HU) de Diethard Klante
André Libik/André-Libik-Filmproduktion (München)-Magyar Televizió Zrt. (MTV Budapest)-Radio Bremen Werbung-SRG DRS Zürich+Das Erste München [ARD] (SRG 14.4.-19.5.89 / Radio Bremen Regional 24.11.89), 6 x 45 min. / cinéma (1990): 90 min. - av. Gabriel Barylli (le moine Ekkehard II), Zdena Studenková (la duchesse Hadwiga de Souabe), Andras Fricsay Kali Son (Spazzo), Patrizia von Fugger (Praxedis), Vladimir Kratina (Moengal), Edith Zalatnay (Hadumoth), Dezsö Garas (Heribald), Mátyás Usztics (Gerold), Jenö Kiss (Benedict), Ellen Umlauf (Wiborada), Róbert Horváth (Audifax), Markus Hering (Wolfram), Lászlo Mensáros (Apat), Frigyes Funtek (Eliak), Uta Sax (Waldfrau, la femme de la forêt), Frigyes Hollösi, Michael Kroecher, Márton Balogh, Pál Hetényi, Judit Jónás, Erzsébet Kútvölgyi, Naum Shopov.
Synopsis : Hadwiga est veuve du duc Burkhart II de Souabe (883-926) et nièce de l’empereur Othon Ier/Otto der Grosse. Belle, jeune, intelligente et capricieuse, elle souhaite inspecter le monastère de Saint-Gall rattaché à sa maison. Comme elle ne peut pénétrer dans la partie cloîtrée et que d’autre part le couvent ne peut refuser sa venue, le jeune Ekkehard est chargé par l’abbé de franchir le seuil critique avec elle en la portant, ce qui le trouble profondément. La réaction du beau garçon, qui vivait jusque-là reclus dans sa cellule, n’échappe pas à la duchesse : elle emprunte à la bibliothèque du monastère l’Énéide de Virgile et exige qu’Ekkehard la rejoigne comme professeur de latin dans son château de Hohentwiel, non loin des rives du Lac de Constance. Il est ainsi confronté de force au monde extérieur où guerres, haine, misère et maladie affectent la vie quotidienne. En route, le moine séjourne au cloître de Reichenau où il surprend et rosse le maître de cave Rudiman, une brute qui devient son ennemi, puis il est enlevé par des hommes de main de la duchesse en représailles farceuses de l’épisode à Saint-Gall. À Hohentwiel, le déchiffrage commun de Virgile éveille les passions, mais l’intellectuel Ekkehard se réfugie derrière la lecture et feint l’indifférence. Lors de l’incursion sauvage des Magyars (descendants des Huns), Ekkehard est chargé de seconder Charles le Gros (Karl der Dicke), dernier monarque carolingien, pour repousser l’envahisseur. Hadwiga honore la vaillance d’Ekkehard en lui remettant l’épée de son défunt époux mais en raison de ses vœux, le moine, le cœur brisé, se voit forcé de refuser sa proposition de mariage. La bataille est gagnée, le roi magyar mord la poussière, tué par le vieux roi carolingien qui périt au cours du combat. Par la suite, la belle duchesse évite Ekkehard et fait semblant de lui préférer son neveu Burkard, arrivé de Saint-Gall. Aussi jaloux qu’imprudent, Ekkehard lui déclare son amour, mais il est exposé par son ennemi de toujours, le moine Rudiman, qui le fait incarcérer. Il parvient à s’échapper grâce à Praxedis, l’esclave byzantine de la duchesse, puis se retire en ermite dans une caverne aux pieds du Säntis où il rédigera les œuvres poétiques qui ont fait sa renommée ; devenu prieur de la cathédrale de Mayence, il mourra en 990, à l’âge de 70 ans.
Le scénario se base sur le roman Ekkehard. Eine Geschichte aus dem zehnten Jahrhundert (1855) de Joseph Victor von Scheffel, auteur très populaire de l’Allemagne wilhelmienne au XIXe s. et l’écrivain favori de Bismarck, défenseur du nationalisme pangermanique. Son ouvrage, réédité plus de 90 fois de son vivant, est aussi jusqu’à la Première Guerre mondiale l’un des livres les plus lus en Suisse (avec une traduction française en 1883) et a même fait l’objet d’une transposition musicale en opéra, Ekkehard (1878) de Johann Joseph Abert. Pour son récit situé aux Xe siècle entre les Alpes et la Forêt Noire, Scheffel a fondu en une seule et même personne Ekkehardus Ier Decanus, l’auteur de la Chanson de Walthari (Walthari-Lied) du cycle des Nibelungen, et son neveu Ekkehardus II Paladinus, tout en s’inspirant de maints détails de la chronique du monastère de Saint-Gall. Le tournage s’est fait d’août 1987 à avril 1988 en France, dans et autour de l’abbaye cistercienne de Fontenay (Bourgogne-Franche-Comté), en Hongrie à Budapest (studio) et sur les rives du Danube (pour celles du lac de Constance), enfin en Bulgarie dans l’oblast de Pleven. À l’arrivée, cela donne un récit dense de passions aux accents mystiques, d’amours mélancoliques et non consommées, de violence armée, de fantastique (la sorcière voyante) et de paysages inédits qui s’avère bien trop érudit pour des spectateurs pop-corn. Le produit est financé à grands frais par Radio Bremen (6,5 millions de DM), mais les autres chaînes le boudent en bloc ; il sortira sous forme d’un long métrage pour être aussi exploité en salle. - Épisodes: 1. « Der Besuch » - 2. « Eine neue Welt » - 3. « Nacht und Träume » - 4. « Es ist Krieg » - 5. « Um Liebe und Tod » - 6. « Hoffnung ».
2000Baschis Vergeltung (La Vengeance de Baschi) (CH) de Luke Gasser
Bruno & Luke Gasser Filmproduktion (Sarnen), 93 min. – av. Bebbi Baggenstos (Baschi), Walter Abächerli, Markus Bayer (Josä), Luke Gasser (Domini), Linard Bardill (le comte Rodolphe de Habsbourg), Norbert Fritscher (le chevalier), Bruno Gasser (Hänsel), Gerhard Halter (le vacher traître), Aysun Kurtulan, Adrian Hossli, Gerhard Dillier, Hans Ottiger, Paul Arnold, José de Nève, Longo Spichtig.
Le comte Rodolphe de Habsbourg, futur souverain du Saint-Empire, se fait conter le récit suivant : Obwald en automne 1247. L’empereur Frédéric II de Hohenstaufen est en lutte avec le pape Innocent IV qui l’a excommunié, et la Suisse centrale a pris son parti. Poussé autant par l’aventure que par l’appât du gain, le berger Baschi descend en Lombardie prêter main forte à l’empereur, accompagné de ses camarades Domini, Hänsel et Josä. Mais le service est monotone et, assoiffés d’action, les mercenaires désœuvrés s’adonnent au brigandage. Lors de l’attaque d’un convoi d’or, ils sont trahis par un compatriote. Baschi périt assassiné. Ses trois amis pourchassent le meurtrier jusqu’en Suisse centrale et l’exécutent. – Les Suisses Bruno et Luke Gasser, médiévistes passionnés, cherchent à créer un « Braveheart alpestre » qui tienne compte des particularités historico-ethniques locales et, financée avec le soutien des commissions artistiques d’Ob- et de Nidwald, cette mini-fresque est enregistrée en 12 jours avec techniciens et 80 figurants bénévoles ; des menuisiers, couturiers et forgerons de la région créent objets, costumes, masques primitifs et armes d’un archaïsme alors inusité. Le tournoi des chevaliers en Lombardie est filmé aux « Ritterfestspiele » de Cologne avec des cascadeurs allemands, le reste en été 2000 à Melchsee-Frutt, Wichelsee, Kernwald, Giswil, Steinibach et au Bruder Klaus-Museum de Sachseln (Obwald). Malgré l’amateurisme de l’ensemble, la presse suisse-alémanique prend plaisir à cette joyeuse marginalité et, contre toute attente, le film fait un tabac en salle.