V - LE SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE

4. MOYEN ÂGE TARDIF ET RENAISSANCE (XIVe-XVIe s.)

Werner Krauss dans « Paracelsus » de G. W. Pabst (1943).

4.6. Paracelse, alchimiste et médecin

(Philippus Theophrastus Aureolus Bombast von Hohenheim, alchimiste, philosophe et médecin suisse iconoclaste, né en 1493 à Einsiedeln (Suisse centrale) et décédé en 1541 à Salzbourg. Médecin-chirurgien innovateur en thérapeutique, il est également philosophe de la nature concevant les phénomènes naturels comme des processus alchimiques de transformation, un théoricien des forces surnaturelles et un rebelle s’en prenant avec virulence aux institutions et aux traditions encroûtées de son temps. Quoique profondément chrétien, il conteste l’idolâtrie religieuse de l’Église romaine à Salzbourg (1524/25) et y soutient les révoltes paysannes. Il doit fuir, s’installe à Strasbourg, puis devient médecin municipal à Bâle (1527), capitale de l’humanisme et de l’imprimerie où il fait la connaissance d’Erasme de Rotterdam. Il s’en prend aux anciens tels que Avicenne et Galien, enseigne en dialecte alémanique et non en latin, puis, publiquement humilié, il quitte la ville rhénane pour devenir un savant vagabond (1528 à 1541).
1916Theophrastus Paracelsus (Das ewige Leben) (DE) de Joseph Delmont
Série « Rätselhafte Menschen » no. 2, Joseph Delmont-Film (Berlin)/Decla-Film, 5 actes/1247 m. – av. Guido Herzfeld (Paracelse), Rudolf Essek (Johann Oporinus), Else Roscher (Isolde, sa fiancée), Guido Tielscher. – Un couple découvre les secrets de la nature et de l’immortalité grâce à Paracelse. Tourné à Tangermünde (Saxe-Anhalt).
1942/43* Paracelsus (Paracelse) (DE) de Georg Wilhelm Pabst
Fred Lyssa/Bavaria Filmkunst GmbH (München), 107 min. - av. Werner Krauss (Paracelse), Mathias Wieman (Ulrich von Hutten, 1488-1523), Harald Kreutzberg (le jongleur Fliegenbein), Franz Schafheitlin (Erasme de Rotterdam), Peter Martin Urtel (Famulus Johannes), Harry Langewisch (le riche commerçant Pfefferkorn), Annelies Reinhold (Renata Pfefferkorn, sa fille), Fritz Rasp (Magister), Herbert Hübner (le comte de Hohenried), Josef Sieber (Jakob Bilse, serviteur de Paracelse), Rudolf Blümner (l’imprimeur-éditeur Johann Froben, 1460-1527), Karl Skraup (le chirurgien), Erich Dunskus (l’aubergiste), Victor Janson (le maire), Hilde Sessak (la servante), Egon Vogel (Urias, l’écrivain), Arthur Wiesner (le vétérinaire), Franz Stein (un médecin), Hans von Uritz (le commandant), Joachim Wedekind (un compagnon du maître), Mary Mayrhofen (la bonne de Froben), Egon Herwig (un mendiant).
Synopsis : Le médecin bâlois Paracelse est une épine dans le pied de ses adversaires parce qu’il ne suit pas les enseignements des facultés et applique ses théories personnelles de la médecine pour lesquelles le patient est à considérer dans sa totalité. Il se voit comme le médecin du petit peuple et pense que « la plus haute raison de la médecine est l’amour. » Lorsqu’il réussit à guérir l’imprimeur-éditeur bâlois Johann Froben, abandonné par tous les médecins, son enseignement est soudainement sur toutes les lèvres. Les étudiants affluent tandis que la faculté conservatrice attend une occasion de le discréditer. Lorsque la peste menace, il ordonne la fermeture des portes de la ville, ce qui lui attire l’ire du riche commerçant Pfefferkorn. Son ambitieux famulus Johannes, qui utilise un élixir non testé de son professeur sur un patient qui en meurt, concourt presque à la perte de Paracelse. Ses opposants saisissent l’occasion, hurlent à l’assassinat et exigent que le médecin innocent soit emprisonné. Paracelse parvient à s’échapper avec l’aide du jongleur Fliegenbein qu’il a autrefois guéri et dès lors il mènera une vie modeste mais épanouissante de médecin itinérant. L’empereur souhaite sa présence à la Cour, mais Paracelse décline l’invitation.
On connaît peu de choses de Paracelse, hormis ses écrits et sa fabuleuse renommée. Or plus la guerre empire, plus le cinéma du Troisième Reich mobilise de grands hommes qui, tels le Führer, auraient « défié le destin », à l’instar de Diesel, Robert Koch, Bismarck, Mozart ou Rembrandt qui mettent l’accent sur le génie de l’homo germanicus. Paracelse – il préfère, dit-on, l’allemand au latin - apparaît comme un homme poussé par la pitié humaine, un explorateur dont l’esprit ne connaît pas de limites, en lutte contre « le livre vide des connaissances de son temps », car « le peuple est plein de superstitions comme le chien est plein de puces » et « la vérité engendre la haine ». La ville de Bâle (où se déroule forcément l’action) n’est jamais mentionnée à l’écran, la Suisse de 1943 ne faisant pas partie du Reich... Paracelsus est un des deux seuls films que G. W. Pabst tourne en Allemagne nazie ; le premier est Komödianten, sur le monde du théâtre au XVIIIe siècle avec la star du muet Henny Porten (alors en difficulté, car son mari est juif). Célébré jadis comme le plus grand réalisateur allemand, découvreur de Greta Garbo, Louise Brooks et Brigitte Helm, Pabst, en social-démocrate antimilitariste, n’a jamais caché son horreur du nazisme, et faisant fi aux ponts d’or de Berlin, il a choisi l’exil en France après 1933, quitte à y accepter des projets de plus en plus médiocres. Il est censé s’embarquer pour émigrer aux États-Unis le 8 septembre 1939 quand, lors d’un saut en Autriche afin de prendre congé de sa mère, il est surpris par la guerre et ne peut plus quitter le Reich. Pour subsister, il trouve du travail à la Bavaria munichoise malgré les réticences de Goebbels (la police secrète le juge « politiquement indifférent ») où, évitant tout scénario ouvertement nazi, il se réfugie dans le genre « historique », tout en étouffant tant bien que mal le jeu grandiloquent de Werner Krauss, la supervedette qu’il dirigea jadis dans les classiques du muet Der Schatz (Le Trésor), Die freudlose Gasse (La Rue sans joie) et Geheimnisse einer Seele (Les Mystères d’une âme) entre 1923 et 1926, et qui est devenu la phalange antisémite du nouveau régime (4 rôles dans Le Juif Suss). Paracelsus est mis en chantier à l’occasion du 400ème anniversaire de la mort du médecin et tourné de juillet à octobre 1942 aux Ateliers A.B. Barrandov à Prague (loin des bombes alliées), avec une vaste figuration locale arpentant les terrains du studio où sont érigés des pans entiers d’une cité médiévale. Sorti en mai 1943 à Salzbourg (où est décédé Paracelse), le film fait une carrière honorable, sans plus, et reçoit les indispensables qualificatifs « staatspolitisch und künstlerisch wertvoll (d’importance politique et artistique) ». On sent Pabst emprunté et peu inventif (la collaboration avec la production a été orageuse), hormis une séquence onirique d’anthologie, macabre et grotesque, lorsque Fliegenbein (le danseur Harald Kreutzberg, découverte de Max Reinhardt) mime la panique que provoque la peste en ville. Après la guerre, Pabst reniera le film, mais quoiqu’imposée, sa matière comme sa réalisation n’ont rien de déshonorant.
1988Les Tribulations de Balthasar Kober / Niezwykla podróz Baltazara Kobera (FR/PL) de Wojciech J. Has
Koukou Chanska, Jérôme Clément, Jean-Bernard Fetoux, Jean Peyrusse/Zespol Filmowy « Rondo » (Warszawa)-Jeck Films-La Sept Cinéma (Paris)-P.P. Film Polski (Warszawa), 113 min. - av. Rafal Wieczynski (Balthasar Kober), Michael Lonsdale (Cammerschulze, le Maître), Emmanuelle Riva (la mère), Adrianna Biedrzynska (Rosa), Gabriela Kownacka (Gertrude), Daniel Emilfork (le recteur), Jerzy Bonczak (Flament / Varlet), Zofia Merle (la matrone), Évelyne Dassas (l’aubergiste), Christine Laurent (Marguerite), Andrzej Szczepkowski (le cardinal Nenni), Frédéric Leidgens (Battista Strozzi), Wladyslaw Dewoyno (le pasteur), Bozena Dykiel (Garganella), Andrzej Kopiczynski (Papagello), Henryk Machalica (Sigismund), Jaroslaw Musial (Kasper), Zbigniew Zamachowski (Mathias), Marek Barbasiewicz (l’archange Gabriel), Genowefa Korska (la sorcière).
Synopsis : Fils du médecin Sigismund, un disciple du savant alchimiste Paracelse à Bautzen, le jeune Balthasar Kober, 15 ans, bègue, un peu naïf, et dont la mère vient de mourir, est envoyé étudier la théologie à Dresde sous la tutelle d’un recteur peu rassurant. Il s’enfuit. Au cours d’un voyage plus initiatique que matériel, peuplé de fantômes comme celui de son frère jumeau âgé de cinq ans, à travers l’Allemagne de 1559 secouée par la peste, les guerres de religion et la Sainte Inquisition, Balthasar rencontre l’archange Gabriel qui lui ordonne de traverser un feu purificateur. Les flammes ne lui font aucun mal et l’adolescent cumule les rencontres insolites, notamment dans la société secrète dite des Galopins qui refusent tous les diktats du clergé à la suite de la Réforme et de la Contre-Réforme. Une société de philosophes chrétiens et juifs où règne une jolie joueuse de luth, Rosa. Ces gens du secret lui donnent quelques mots de passe pour survivre dans ces temps de violence et de persécution. Il rencontre enfin le maître alchimiste Cammerschulze qui le prend pour disciple, lui ouvre encore plus le royaume de l’invisible et rassure sa foi : « Tu descendras des sommets arides des spéculations intellectuelles vers les plaines fertiles où dans chaque cours d’eau habite le Créateur. » Balthasar compulse de gros manuscrits interdits par l’Église, découvre les arcanes de la Kabbale, déraisonne aux yeux des bigots de tout poil et, rendu à Venise grâce à son Maître, retrouve sa bien-aimée Rosa sur le fleuve des morts.
Le brillant cinéaste polonais Wojciech J. Has, apolitique, porté sur l’onirique et le baroque, auteur du fabuleux Manuscrit trouvé à Saragosse (1965), adapte ici le roman français de Frédérick Tristan (Les Tribulations héroïques de Balthasar Kober, Grand Prix de la Société des Gens de Lettres 1981), son ultime film qu’il tourne aux studios de Lodz (où il enseigne), dans le village de Klek, en Tchécoslovaquie et à Venise. Ses images somptueuses séduisent la Biennale de Venise mais l’argument décourage le grand public.
1985(vd) The Cruel Summer of Paracelsus (GB) de Douglas Baker
Douglas Baker/Douglas Baker Production-Claregate Films, 73 min. – av. Jeffrey Daunton (Paracelse), Mark Dignam (Dr. Hock), Alan Tilvern (Froben), William Roache, Philip Madoc, Leslie Pitt, Gordon Dulieu, Douglas Baker, Joseph Hayes, Daniel Davis, Lionel Desmond, Malcolm Hughes, Ashley Burns.
Des princes puissants, un évêque dément et un banquier sans scrupules oppriment la paysannerie. Seul un homme leur résiste : le médecin Paracelse. Persécuté, parfois emprisonné, ce dernier soigne les victimes des deux camps et encourage la résistance des paysans (tournage en 16 mm, exploitation vidéo).