V - LE SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE

3. LE SAINT-EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE DU XIe AU XIIIe SIÈCLE

3.2. Vie artistique et spirituelle

1908Der Tannhäuser – Tonbild (DE) de Franz Porten (?)
Alfred Duskes/Duskes Kinematographen- und Film-Fabriken GmbH (Berlin), env. 3 min. – av. Franz Porten (Wolfram von Eschenbach), Henny Porten (Elisabeth de Thuringe). – « Scène sonore (Tonbild) » tiré de l’opéra de Richard Wagner (1845) avec Henny Porten, la toute première star du cinéma allemand, dirigée par son père Franz Porten, un ancien chanteur d’opéra qui utilise le système de synchronisation par disque d’Oskar Messter. – Plusieurs autres « Tonbilder » consacrés à l’opéra de Wagner sont fabriqués à Berlin entre 1907 et 1909 par Jules Greenbaum (Deutsche Bioscope GmbH), l’Internationale Kinematograph-u. Lichtbild-Gesellschaft et la DMB Deutsche Mutoskop- und Biograph GmbH. – Pour l’opéra en question, cf. infra, film de 1913.
Wolfram von Eschenbach, le landgrave et Elisabeth. – Dr. : Tannhäuser (James Cruze) dans le film muet de 1913.
1913Tannhäuser (US) de Lucius J. Henderson
Charles Jackson Hite/Thanhouser Film Corporation (New Rochelle, N.Y.), 3 bob./40 min. - av. James Cruze (le troubadour germanique Tannhäuser, †1270), Marguerite Snow (la princesse Elisabeth de Thuringe), William Russell (Wolfram von Eschenbach, v.1170-v.1220), Burton Law (le landgrave Hermann de Thuringe, son oncle), Florence La Badie (Vénus).
Ce film américain de Thanhouser, tourné dans les studios de Jacksonville en Floride et interprété par le jeune James Cruze, futur réalisateur de renom (la fresque westernienne The Covered Wagon en 1923, Sutter’s Gold d’après Blaise Cendrars en 1936) et son épouse Marguerite Snow se base sur Tannhäuser und der Sängerkrieg auf Wartburg (Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg) de Richard Wagner, un grand opéra romantique en 3 actes (1845). Comme c’est la première œuvre de Wagner ayant été jouée aux États-Unis (New York 1859), elle y est très populaire. Il s’agit bien sûr d’une version raccourcie et fatalement muette (mais accompagnée par la musique du Maître) qui se résume à la trame suivante : Le célèbre poète Wolfram von Eschenbach est sur le point de remporter la grande joute lyrique qui a lieu dans la salle d’apparat du château de Wartburg, à la cour du margrave Hermann de Thuringe. Arrivé en dernier, le jeune Minnesänger (troubadour) Tannhäuser gagne le concours et Elisabeth, la nièce du landgrave, s’éprend de lui. Une idylle naît. L’oncle de la belle a toutefois décidé de donner sa main à Wolfram et Tannhäuser, dépité, quitte les lieux. Perdu dans la nature, il succombe aux charmes magiques de la déesse païenne Vénus et ses nymphes l’entraînent dans le royaume souterrain du « Mont de Vénus » où, captif consentant, il séjourne pendant un an à adorer la déesse. Puis, lassé, empli de remords, il quitte les lieux en demandant la protection de la Vierge. Entretemps, Wolfram a rompu ses fiançailles en apprenant que Tannhäuser et Elisabeth s’aiment toujours. De retour à Wartburg, il avoue la vérité sur sa disparition, les chevaliers scandalisés veulent le tuer, mais Elisabeth prend sa défense et son oncle lui ordonne de se rendre à Rome pour y demander l’absolution du pape Urbain IV. Celui-ci répond que le pardon est impossible - comme le serait de voir fleurir son propre bâton. Trois jours après le départ du chevalier, miracle, le bâton papal reverdit. De retour à Wartburg, Tannhäuser découvre qu’Élisabeth est morte de chagrin en priant pour son salut et il rend l’âme à son tour.
Le compositeur situe l’action vers 1206/07 dans la région d’Eisenach et débute son opéra par le séjour enchanté dans la grotte de Vénus où sont célébrés les rites de l’amour charnel. Pour meubler son propos, il a mobilisé les plus fameux poètes lyriques allemands du Moyen Âge tels que le Minnesänger Tannhäuser (v. 1220-v.1270), créateur d’un Busslied et qui figure dans le Codex Manesse en habits de l’Ordre Teutonique mais n’a en fait pas grand-chose en commun avec le héros wagnérien, enfin Wolfram von Eschenbach (rival germanique de Chrétien de Troyes et auteur du fameux Perceval/Parzifal, v.1170-v.1220), Walther von der Vogelweide (v.1170-v.1230), Heinrich der Schreiber et Reinmar von Zweter. Le concours lyrique imaginé par Wagner se base sur le « Wartburgkrieg » que signalent les chroniques du début du XIIIe siècle, mais à laquelle le compositeur mêle des éléments fantastiques (sinon symboliques, ce qui n’était pas son domaine) de l’ancienne Ballade de Tannhäuser tout en reprenant ses thèmes-clés que sont l’opposition entre l’amour sacré et l’amour profane, ainsi que la rédemption par l’amour. - L’opéra a fait l’objet de plusieurs captations vidéo ou télévisuelles dont nous signalons ici qu’une petite sélection.
1978(vd-mus) Tannhäuser (DE) de Thomas Olofsson (vd) et Götz Friedrich (th)
Festspielhaus Bayreuth-Unitel Classics, 209 min. - av Gwyneth Jones (Elisabeth de Thuringe / Vénus), Spas Wenkoff (Tannhäuser), Bernd Weikl (Wolfram von Eschenbach), Hans Sotin (le landgrave Hermann de Thuringe), Franz Mazura (Biterolf), John Pickering (Heinrich der Schreiber), Robert Schunk (Walther von der Vogelweide), Heinz Feldhoff (Reinmar von Zweter). – Le premier opéra wagnérien faisant l’objet d’une captation filmée à Bayreuth (cf. supra, film de 1913).
1982(tv-mus) Tannhäuser (US) d’Otto Schenk (th) et Brian Large (tv)
Metropolitan Opera (New York)-Pioneer-Paramount (tv 23.3.83), 176 min. – av. Richard Cassilly (Tannhäuser), Eva Marton (Elisabeth de Thuringe), Tatiana Troyanos (Vénus), John Macurdy (le landgrave Hermann de Thuringe), Bernd Weikl (Wolfram von Eschenbach), Richard J. Clark (Biterolf), Robert Nagy (Walther von der Vogelweide), Bill Blaber (le jeune berger). – Captation de l’opéra de Richard Wagner (cf. supra, film de 1913).
1986(tv-df) Aller Bilder ledig – Meister Eckhart und die Mystik des Westens (AT/DE) de Georg Lhotsky
Série « Mystik des Westens », ORF-ZDF-Lhotsky-Film (ORF1), 45 min. - av. Georg Lhotsky (Maître Eckhart), Alexander Lhotsky et Hannes Flaschberger (ses disciples), Konstanze Breitebner (la princesse de Hongrie). – Docu-fiction sur Eckhart von Hochheim dit Maître Eckhart (v.1260-1328), théologien et prestigieux tenant de l’ésotérisme chrétien (mystique rhénane marquée par le néoplatonisme), à partir d’un scénario de Peter Pawlowsky. Maître Eckhart fut expulsé du royaume de France pour s’être opposé à Philippe le Bel, le destructeur du féodalisme et de l'Ordre des Templiers.
1988(tv-df) Die wahrhaftige Schau – Hildegard von Bingen (AT/DE) de Georg Lhotsky
Série « Mystik des Westens », ORF-ZDF-Lhotsky-Film (ORF1), 45 min. - av. Konstanze Breitebner (Hildegard de Bingen), Georg Lhotsky (le bibliothécaire). – Docu-fiction sur la sainte (1098-1179), sur un scénario de Peter Pawlowsky. Cf. aussi les docu-fictions télévisés de 1994, 2010 et le film de 2009.
1989(tv-mus) Tannhäuser oder Der Sängerkrieg auf der Wartburg (US) de Wolfgang Wagner (th) et Brian Large (tv)
UNITEL-Metropolitan Opera, New York, 188 min. – av. Richard Versalle (Tannhäuser), Wolfgang Brendel (Walther von der Vogelweide), Hans Sotin (le landgrave Hermann de Thuringe), Siegfried Vogel (Biterolf), Cheryl Studer (Elisabeth de Thuringe), Ruthild Engert-Ely (Vénus), Clemens Bieber (Heinrich der Schreiber), Sándor Sólyom-Nagy (Reinemar von Zweter). - Captation de l’opéra de Richard Wagner, ici avec des décors signés Wolfgang Wagner (cf. supra, film de 1913).
1992(tv-df) Das fliessende Licht der Gottheit - Mechthild von Magdeburg (AT/DE) de Georg Lhotsky
Série « Mystik des Westens », ORF (Wien)-ZDF (Mainz)-Lhotsky-Film (ORF1 8.12.92), 45 min. - av. Franziska Stavjanik (Mechthilde de Magdebourg), Georg Lhotsky.
Docu-fiction scénarisé par Peter Pawlowsky se basant sur le livre de la religieuse et mystique Mechtilde/Mathilde de Magdebourg (1207-1283), Das fliessende Licht der Gottheit (La Lumière fluante de la Divinité), ouvrage commencé vers 1230 sur lequel la « Minnesängerin Gottes (Ménestrelle de Dieu) » travailla pendant trois décennies : un chant d’amour à la divinité étonnamment érotique, pour lequel elle aurait été condamnée au bûcher deux siècles plus tard. La mise en avant d’une union avec Dieu qui s’opère dans l’anéantissement du moi rejoint les doctrines hindoues et soufies et témoigne d’un authentique ésotérisme chrétien, caché, réservé à une minorité et non reconnu par Rome. Issue de la petite noblesse de la région de Helfta, la sainte eut ses premières visions à l’âge de 12 ans. Elle quitta sa famille vers 1230 pour devenir béguine à Magdebourg (Saxe-Anhalt), une communauté de femmes mariées qui organisent leur propre vie religieuse. - Cf. aussi le docu-fiction de 2015.
1994(tv) Hildegard (GB) de James Runcie
Série « Omnibus », BBCtv (BBC One 29.3.94), 50 min. – av. Patricia Rutledge (Hildegard von Bingen), Michael Byrne (Volmar), Robert Gwilym (un soldat), Amanda Root (Ricardis), Edward Jewesbury (l’archevêque), Tamsin Heatley, Linda Hirst, Loouise Kerr (des soeurs), Janet Suzman (Marchioness), Peter Vaughan (l’abbé). – James Runcie et Nigel Williams retracent la vie de la sainte moniale bénédictine (1098-1179, canonisée en 2012) à Bingen, en Rhénanie-Palatinat. Cf. aussi les docu-fictions télévisés de 1988, 2010 et le long métrage de 2009.
1994(vd-mus) Tannhäuser (DE) de David Alden (th) et Brian Large (tv)
Bayerische Staatsoper (München)-R.M. Arts-Image Entertainment-Arthouse, 201 min. - av. René Kollo (Tannhäuser), Waltraut Meier (Vénus), Bernd Weikl (Wolfram von Eschenbach), Claes H. Ahnsjö (Walther von der Vogelweide), Nadine Secundo (Elisabeth de Thuringe), Jan-Hendrik Rootering (le landgrave Hermann de Thuringe). – Captation de l’opéra de Richard Wagner (cf. supra, film de 1913).
1997(tv-df) Guillaume et Ulrich – Au service des dames (FR/GB) de Ludi Boeken
Série « Les Chevaliers », Planète-Raphaël Film-R&B Pictures-BBCtv-CNC, 50 min. – av. Graham Arnold (Guillaume IX, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, 1071-1127), Matthew Aldridge (Ulrich von Lichtenstein, v. 1200-1275), Louise Brant, Scott Worsfold, Michelle Cassidy, Melissa Howorth. - Docu-fiction sur les premiers troubadours.
1998(vd-mus) Tannhäuser (IT) de Werner Herzog (th) et Favio Sparvoli (vd)
Teatro di San Carlo, Napoli-Image Entertainment, 186 min. – av. Alan Woodrow (Tannhäuser), Ludwig Baumann (Wolfram von Eschenbach), Gertrud Ottenthal (Elisabeth de Thuringe), Andrea Silvestri (le landgrave Hermann de Thuringe), Nikolov Bojidar (Walther von der Vogelweide), Ivan Konsulov (Biterolf), Patrizio Saudelli (Heinrich der Schreiber), Ezio Maria Tisi (Reinmar von Zweter), Marianna Pentcheva (Vénus). – Une curiosité majeure: la mise en scène de l’opéra Richard Wagner signée par l'excentrique cinéaste allemand d’Aguirre (1982), Kaspar Hauser (1974), Nosferatu (1978), Woyzeck (1979) et Fitzcarraldo (1982). Werner Herzog présente également son interprétation wagnérienne à l’Opéra Royal de Wallonie à Liège (1997), au Teatro de la Maestranza à Séville (1997), au Teatro Massimo à Palerme (1998), au Teatro Real à Madrid (1999), à l’opéra de Baltimore (2000) et aux Teatro Municipal de Rio de Janeiro & Houston Grand Opera (2001). – Cf. supra, film de 1913.
2002(tv-df) Elisabeth von Thüringen – Rebellin und Heilige (DE) de Dirk Otto
Série « Geschichte Mitteldeutschlands » (saison 4, épisode 2), Winifred König/Ottonia Media GmbH-Mitteldeutscher Rundfunk (MDR 27.10.02), 45 min. – av. Diana Daneva (Elisabeth de Hongrie), Jörg Malchow (le landgrave Ludwig IV de Thuringe, son époux), Maik Ellinger (le chevalier Vargula), Peter Schulze-Sandow (Konrad von Marburg, directeur de conscience d’Elisabeth).
Docu-fiction sur sainte Elisabeth de Thuringe (1207-1231), comtesse et fille rebelle du roi de Hongrie prise dans la tourmente des Gibelins et des Guelfes et marquée en profondeur par les enseignements de saint François d’Assise. Tournage au château de Creuzburg, à Runneburg, Weissensee, Werra (Thuringe), à Memleben (Saxe-Anhalt) et en Hongrie.
Hildegarde de Bingen (Barbara Sukowa, dr.) dans « Vision » de Margarethe von Trotta (2009).
2008/09* Vision – Aus dem Leben der Hildegard von Bingen (DE/FR) de Margarethe von Trotta
Markus Zimmer, Christian Baute, Hengmeh Panahi, Manfred Thurau/ARD Degeto Film (Frankfurt am Main)-Celluloid Dreams (Paris)-Clasart Film- und Fernsehproduktionsgesellschaft mbH (München), 111 min. - av. Barbara Sukowa (Hildegarde de Bingen), Heino Ferch (le moine/prévôt Volmar), Hannah Herzsprung (Richardis von Stade), Christoph Luser (son frère Hartwig von Stade, archevèque de Brême), Sunnyi Melles (leur mère, la margrave de Stade), Gerald Alexander Held (l’abbé Kuno), Joseph von Westphalen (saint Bernard de Clairvaux), Devid Striesow (l’empereur Frédéric Ier de Hohenstaufen dit Barberousse), Annemarie Düringer (l’abbesse Tengwich), Mareile Blendl (magistra Jutta von Sponheim), Paula Kalenberg (sœur Klara), Nicole Unger (sœur Ursula), Lena Stolze (sœur Jutta), Dagmar Sachse (sœur Gerhild), Katinka Auberger (sœur Bertha), Ruzica Hajdari (sœur Adelgard), Vera Lippisch (sœur Gundhild), Susanne von Medvey (sœur Barbara), Matthias Brenner (l’architecte), Salome Kammer (une chanteuse), Wolfgang Pregler (l’évêque de Mayence), Stella Holzapfel (Hildegard à 8 ans), Julia Littmann (Mechtilde, mère de Hildegarde), Otto Kukla (Hildebert, père de Hildegarde).
Synopsis : En l’an 1106, Hildegarde entre à l’âge de huit ans dans l’abbaye bénédictine de Disibodenberg sur le Rhin où elle est formée par l’abbesse Jutta von Sponheim, qui l’initie à la médecine et à l’herboristerie. Elle reçoit le voile vers 14 ans des mains de l’évêque Othon de Bamberg. Elle devient magistra (prieure enseignante) de la communauté et en 1136, à l’âge de 38 ans, elle est élue abbesse des lieux après le décès de mère Judith. Elle gouverne dès lors la partie réservée aux moniales de ce monastère mixte, où la rejoint Richardis, la fille érudite de la margrave de Stade, éperdue d’admiration et qui va devenir sa préférée, au grand dam d’autres religieuses. L’afflux des vocations et en particulier la proximité hommes/femmes (Klara, une de ses nonnes, tombe enceinte et doit être renvoyée) pousse finalement Hildegarde à quitter les lieux pour fonder l’abbaye de Rupertsberg (entre 1147 et 1150) au confluent du Rhin, près du petit port de Bingen (Hesse), lieu désormais exclusivement réservé aux moniales. Cette rupture avec les moines de Disibodenberg ne va pas sans conflits violents, car l’innovation révolutionnaire prive l’abbé Kuno de la moitié des terres et des riches dons faits par l’aristocratie et les familles influentes du pays. Seul l’appui de l’archevêque de Mayence, puis l’intervention de l’empereur Frédéric Ier de Hohenstaufen, dit Barbarossa, qui accorde aux religieuses de quoi subsister, calme les esprits. Hildegarde doit aussi faire face à la révolte de certaines de ses ouailles d’origine aristocratique dépitées par les épreuves et privations lors de la construction de l’abbaye, voire jalouses des préférences de la sainte abbesse pour certaines d’entre elles. Lorsque Hartwig von Stade, devenu archevêque de Brême, ordonne que sa sœur Richardis devienne abbesse dans un autre cloître, Hildegarde se rebelle violemment mais ne peut empêcher son départ. Quelques mois plus tard, elle tombe dans le coma en apprenant que Richardis est décédée. Une fois remise, elle décide de voyager en Rhénanie comme prédicatrice, flanquée de son fidèle prévôt Volmar.
Bien que Hildegarde de Bingen (1098-1179) soit devenue la sainte médiévale la plus populaire du XXIe siècle – féminisme, naturopathie, médecine alternative et écologie obligent ! –, on reste néanmoins surpris de voir Margarethe von Trotta lui consacrer un long métrage en scope/couleurs dans une coproduction germano-française… restée inédite dans l’Hexagone. Ancienne compagne et scénariste de Volker Schlöndorff (coréalisation de L’Honneur perdu de Katharina Blum, 1975), actrice chez le sulfureux R. W. Fassbinder, puis auteure engagée de films sur la militante communiste Rosa de Luxembourg, sur les sœurs terroristes Ensslin de la Fraction armée rouge (Die bleierne Zeit) ou sur la philosophe antinazie Hannah Arendt. Ses préoccupation politiques ne présagent rien de rassurant quant aux « visions » qu’annonce le titre. Son film s’ouvre du reste sur la prétendue « peur de l’An Mil » (canular bien connu du XIXe siècle) pour illustrer l’invraisemblable crédulité de l’homme médiéval que partageait Hildegarde quand elle était encore fillette ... alors qu’elle est née un siècle plus tard ! Aux yeux de la cinéaste, du temps d’Hildegarde tout phénomène inexplicable relevait automatiquement du « divin », sans autres questionnements. Par conséquent son scénario passe comme chat sur braise sur les écrits mystiques fort complexes et les visions de son héroïne (Liber scivias), sinon brièvement à travers son entêtement à les publier, suivis des encouragements de saint Bernard de Clairvaux (qui les considérait comme des « grâces du Ciel ») et l’autorisation papale. On n’évoque qu’en passant ses impressionnantes recherches médicinales et études des plantes, inspirées par les savants gréco-arabes, voire ses compositions musicales (plus de 70 chants liturgiques et hymnes inspirées) dont la cinéaste ne sait que faire. Car pour Margarethe von Trotta, Hildegarde est d’abord une battante en butte aux préjugés de son temps, dans un monde clérical dominé par les hommes. Une femme de tête, énergique et courageuse, mais aussi une enseignante, une politicienne et une businesswoman qui exerce un véritable pouvoir de séduction parmi ses moniales, la séduisante Richardis en tête, au point où le dernier tiers du récit la révèle particulièrement tourmentée par les tensions psychologiques autour de sa personne (amours exclusives, sororité saphique, lesbianisme refoulé ?). Elle tombe passagèrement dans un état cataleptique (ses ouailles la croient morte) mais refuse de baisser les bras, voire de mourir. Barbara Sukowa (Bayrischer Filmpreis 2009) parvient fort bien à traduire les nuances de certains états d’âme strictement psychologiques, entre sévérité et tendresse, mais on ne peut s’empêcher de penser que le portrait d’Hildegarde en « sainte, rebelle, visionnaire » (publicité dixit) reste plutôt court : une fois le film vu, on n’en sait pas beaucoup plus sur son vécu profond et ses accomplissements spirituels qui sont pourtant à la base de sa béatification, puis de sa canonisation. La cinéaste peut toutefois renvoyer les esprits critiques au titre-même de son film : « Aus dem Leben der… », c’est-à-dire « Extraits de la vie de… » Par ailleurs, la production ne manque pas de tenue et la séquence consacrée à la construction de Rupertsberg dans une clairière est excellence. - Cf. aussi les docu-fictions télévisés de 1988, 1994 et 2010. - Vision est tourné d’octobre à décembre 2008 aux MMC Studios à Hürth (Westphalie), aux monastères d’Eberbach (Eltville am Rhein, Hesse) et de Maulbronn (Bad-Wurttemberg) enfin à Kronwinkel (Bavière), puis présenté aux festivals de Telluride, Toronto, Rome et Göteborg. - ES : Visión. La historia de Hildegard von Bingen.
2010(tv-df) Hildegard von Bingen und die Macht der Frauen (DE)
Série « Die Deutschen » (saison 2, épis. 3), Peter Arens, Guido Knopp/Gruppe 5 Filmproduktion Köln-Castel Film Romania-ZDF (ZDF 21.11.10), 45 min. – av. Deborah Kaufmann (Hildegard von Bingen), Hana Tomásová (Hildegard von Bingen à 14 ans).
Ce docu-fiction tourné à Bucarest (décors du cloître aujourd’hui détruit de Wisigodenberg) exalte Hildegarde et « la puissance des femmes » (titre). L’impertinence de la sainte, son mysticisme peu conventionnel, prenant pour exemple l’amour charnel, faillit se terminer en condamnation pour hérésie, mais le pape Eugenius prit sa défense. Cf. aussi les docu-fictions télévisés de 1988 et 1994 et le film de 2009.
2011(tv-df) Liebe im Mittelalter – Die Skandale des echten Tannhäuser (DE) de Dirk Otto
Série « Geschichte Mitteldeutschlands » (saison 13, épisode 5), Winifred König/Ottonia Media GmbH-Mitteldeutscher Rundfunk (MDR 13.11.11), 45 min. – av. Ulrich Blöcher (Tannhäuser), Thomas Förster (Walther von der Vogelweide), Juliane Baldy (la landgrave Elisabeth), Robin Krakowski (le landgrave Ludwig), Sina Martens (la domestique adorée).
En 1226, le Minnesänger Tannhäuser, encore inconnu, assiste à une grande fête à Wartburg où il fait scandale en décrivant les seins nus de ses maîtresses et chantant l’érotisme des échanges amoureux, tandis que son rival Walther von der Vogelweide, autre invité, plus âgé et à présent fortuné, présente des poèmes sages, pieux et décents. Mais l’insolence des chants de Tannhäuser (à connotation clairement mystique, quoi qu’en pense Richard Wagner) séduit le landgrave de Thuringe, et le troubadour rebelle devient célèbre. - Docu-fiction tourné à Wartburg (Thuringe).
2015(tv-df) Mechthild von Magdeburg – Eine Frau mit Visionen (DE) de Gabriele Rose
Série « Geschichte Mitteldeutschlands » (saison 17, épis. 6), Ottonia Media GmbH-Mitteldeutscher Rundfunk (MDR 30.8.15), 45 min. – av. Natascha Paulick (Mechthild von Magdeburg), Michael Schrodt, Rike Eckermann. - Docu-fiction sur la religieuse Mechtilde/Mathilde de Magdebourg (1207-1283) tourné au cloître Michaelstein et au château de Blankenburg. - Cf. supra, docu-fiction de 1992.