IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

7. L’ÂGE DES CONQUISTADORS (XVe-XVIe s.)

Magellan et Elcano font le tour du monde par les mers (« Sin límites / Boundless », 2022).

7.3. Magellan, Pigafetta, Núñez de Balboa et Vasco de Gama

Le navigateur-explorateur portugais FERNAND DE MAGELLAN (Portugal : Fernão de Magalhães / Espagne : Fernando de Magallanes) (v.1480-1521) est à l’origine de la première circumnavigation de l’histoire, débutée en 1519 sous ses ordres et achevée en septembre 1522 sous les ordres de Juan Sebastián Elcano, son second après trois ans de voyage. Magellan navigue vers l’ouest pour rejoindre les Moluques (Indonésie), les « îles des Épices », et va découvrir sur son chemin le détroit qui porte aujourd’hui son nom. Financée par la Couronne espagnole – en l’occurrence Charles Quint –, l’expédition compte 237 hommes répartis sur cinq caraques, dont la Trinidad, nef amirale, avec des vivres pour deux ans. L’un des membres de la flotte, l’Italien ANTONIO PIGAFETTA (v. 1491-1534), tient un journal de voyage. La flottille séjourne aux Canaries, longe le Brésil portugais, jette l’ancre dans la baie de Santa Lucia (Rio de Janeiro) et, ne trouvant toujours pas de passage vers l’ouest, hiverne en Patagonie où Magellan doit mater une mutinerie à San Julián. Il met plus d’un mois à traverser la Terre de Feu et ses fjords puis atteint enfin la Mer du Sud, rebaptisée Océan Pacifique. En mars 1521, après une traversée de trois mois et vingt jours, minés par le scorbut et le manque d’eau potable, les navigateurs parviennent à se ravitailler sur l’île de Guam (Mariannes), puis aux Philippines. Sur l’île de Cebu, le rajah Humabon se convertit au christianisme avec son peuple, mais sur Mactan, l’île d’en face, Magellan affronte des guerriers aux boucliers épais qui résistent aux arquebuses ; lui-même périt d’une flèche empoisonnée. Après le viol de femmes indigènes par des marins, Cebu se révolte à son tour, avec la complicité vengeresse d’Enrique de Malacca, esclave-interprète de Magellan (selon Pigafetta). Outré par le comportement prédateur des Espagnols, le sultan de Brunei déloge les intrus avec son armada. Juan Sebastián Elcano (1476-1526) prend le commandement de l’expédition, réduite à deux navires, et gagne Bornéo, enfin les îles Moluques (novembre 1521). Seule la Victoria commandée par Elcano réussit à traverser l’océan Indien, passer le cap de la Bonne-Espérance et rejoindre l’Espagne en septembre 1522 avec les dix-huit membres d’équipage restants, dont le supplétif Pigafetta. Le bilan financier est très négatif. Il faudra attendre 58 ans pour qu’ait lieu une deuxième circumnavigation, réalisée par l’ennemi anglais, Sir Francis Drake.
VASCO NUÑEZ DE BALBOA, conquistador espagnol (v. 1475-1519), est le premier Européen à avoir découvert l’océan Pacifique depuis sa côte orientale en 1513. En 1508, lorsque Ferdinand le Catholique ouvre à la concurrence la conquête de la « Tierra Firme » (isthme du Panama et une partie de la Colombie), où l’on fonde la ville de Santa María la Antigua del Darién, Nuñez de Balboa décroche le titre d’alcalde de la cité, puis de gouverneur du Veragua. Il soumet diverses tribus autochtones en parcourant l’isthme de Panama, réussit à amasser beaucoup d’or sur le dos des indigènes et, ayant entendu que d’immenses richesses se trouvaient à l’ouest, traverse l’isthme et, après diverses batailles contre l’habitant, fait la découverte de la « mer du Sud » (i.e. le Pacifique) et de « l’archipel des Perles ». Il retourne à Santa María en janvier 1515 avec un immense butin. Suite à diverses intrigues, son rival, l’administrateur colonial Pedrarias d’Avila (Pedro Arias de Avila), le fait arrêter par l’aventurier Francisco Pizarro (cf. 7.5) et décapiter en place publique à Acla (Panama) sous prétexte d’avoir tenté de s’emparer des territoires de la Couronne. En livrant Balboa au bourreau, Pizarro obtient l’appui de Pedrarias pour sa propre expédition au Pérou.
VASCO DE GAMA, navigateur portugais (1469-1524), est le premier Européen à arriver aux Indes par voie maritime, en contournant le cap de Bonne-Espérance en 1498 et en échappant ainsi aux impôts et taxes prélevés par le sultanat d’Égypte. Obnubilé par sa haine de l’islam, le roi portugais Dom Manoel Ier a fait appel à lui en 1497 pour trouver le mythique royaume indien du prêtre Jean et conclure avec celui-ci une alliance de revers contre les Ottomans. Partageant ce projet de conquête messianique très confus (soit la création d’un empire portugais des Indes tout en faisant main basse sur les épices), Vasco de Gama longe l’Afrique de l’Est et débarque à Calicut où il essuie un échec, le rajah local (déjà en contact avec des marchands vénitiens, génois, arabes, juifs, tamouls, chrétiens syriaques, etc.) n’étant pas intéressé à commercer avec le Portugal. De retour, Vasco de Gama est néanmoins couvert d’honneurs et nommé « amiral des Indes » (à Lisbonne on pense que les hindous sont des chrétiens à protéger des musulmans) ; dans son poème épique Les Lusiades (1572), Camões remaniera l’épopée de Vasco pour en faire un mythe national. Quant au mégalomane Dom Manoel, il fait ajouter à son titre de roi de Portugal et seigneur de Guinée les titres supplémentaires de « seigneur de la Conquête, de la Navigation et du Commerce, de l’Éthiopie, de l’Arabie, de la Perse et des Indes ». Un deuxième voyage en 1502/03 avec une flotte de 20 navires chargés de l’or des Amériques rapporte un butin substantiel et des privilèges commerciaux importants. Enrichi sans vergogne, « paranoïaque hautain et cruel » selon les chroniqueurs, Vasco de Gama fait chanter le roi de Portugal pour obtenir le titre de comte, menaçant de quitter le Portugal pour se mettre au service de Charles Quint. Mais n’ayant pas pu trouver le légendaire prêtre Jean, il finit par tomber en disgrâce à Lisbonne. En 1524, João III le tire de sa demi-retraite et le nomme vice-roi des Indes pour lutter contre la corruption dans les comptoirs à Cochin. Il y meurt là-bas peu de temps après son arrivée.

1956(tv) Ferdinand Magellan (US) de Dave Butler
Série « Captain Z-RO » (saison 4, épis. 6), Kathleen K. Rawlings/W. A. Palmer Films Inc. (ABC 22.1.56), 26 min. - av. Jack Cahill (Fernand de Magellan), Tom Mulahey (José), Mike Chamberlin (Lombardo), Roy Steffens (Captain Z-RO), Bruce Haynes (Jet). - Série pour la jeunesse : grâce à leur machine à explorer le temps, le capitaine Z-RO et ses assistants scrutent le passé pour préparer le futur. Ici, on voyage jusqu’en avril 1520 pour aider Magellan à mater la mutinerie de San Julián et sauver ainsi son expédition autour du monde.
Vasco Núñez de Balboa (Frank Latimore) découvre les rives ouest du Pacifique (1963).
1963Los conquistadores del Pacifico (Balboa) / La conquista del Pacifico / Les conquérants du Pacifique / Il leggendario conquistatore (ES/FR/IT) de José María Elorrieta
Rafael Marina, H. S. Valdés/Cooperativa Cinematográfica Unión-Capitol Films (Madrid)--, 96 min./83 min. - av. Frank Latimore (Vasco Núñez de Balboa), Pilar Cansino (la princesse indienne Anayensi), Jesús Puente (Francisco Pizarro), Alberto Berco (Valdivia), Carlos Casaravilla (Don Fernández de Enciso), Santiago Rivero (le trésorier des caciques), Tito Garcá (le cacique Yunka), Teófilo Palou (le chef Kemako), Juan Cazalilla (Requen), Pastor Serrador (le gouverneur Don Diego Colón/Colomb, fils de Christophe Colomb), Jorge Martin, Juan Barbara, Mario Morales, Rufino Inglés, Angel Ortiz, Vicente Avila, Juan Cortés, Francisco Camoiras.
Synopsis: En 1519, condamné à mort, en attente de son exécution avec ses camarades d’infortune dans la prison panaméenne d’Acla, Vasco Nùñez de Balboa se remémore sa jeunesse sur l’île d’Hispañola, que gouvernait Don Diego Colòn, le propre fils de Christophe Colomb (flash-back)... Persécuté par ses créanciers, Balboa s’enfuit à bord d’un navire qui fait naufrage sur les rivages panaméens. Le fort y est détruit, les flèches au curare font des ravages. Balboa prend la direction des opérations, enlève Anayensi, la jolie fille du chef cacique Kemako, livre victorieusement bataille et défend Kemako lorsque certains de ses compatriotes sous les ordres du gouverneur Fernández de Enciso veulent le torturer pour trouver de l’or. Balboa est nommé gouverneur à sa place, dirigeant désormais Santa María la Antigua del Darién, première colonie européenne permanente sur le continent américain. Il fait renvoyer Enciso en Espagne, accusé d’usurpation et qui jure de revenir avec l’appui de la Cour. En 1511, l’impatience d’explorer l’ouest du pays et d’y trouver des trésors reprend les conquistadors. Balboa s’allie au chef cacique Careta, qu’il fait baptiser et qui devient son ami. Après des semaines de marche harassantes à travers la forêt vierge des régions encore inconnues de Veragua et une ultime grande bataille contre les Indiens de Torecha, tué au combat, Balboa découvre les rivages de l’océan Pacifique dont il prend possession au nom du roi de Castille, le 29 septembre 1513.
Une sorte de « western hispanique » (quête obsessionnelle de l’or, forts en ruines, indiens hostiles), une bande dessinée plutôt médiocre, bavarde, historiquement souvent farfelue, filmée en Eastmancolor et Techniscope aux studios Ballesteros-C.E.A. à Madrid et – seul intérêt du film - en extérieurs au Panama avec la population indigène. Cela dit, la représentation des caciques locaux et de leurs coutumes traditionnelles feraient hurler de rire un ethnologue ; on peut aussi s’étonner de voir le mot « fin » apparaître avec la prise de possession des « mers du Sud » (i.e. le Pacifique) sans que le scénario ne revienne sur la décapitation programmée du héros de l’autre côté de l’isthme, une explication du jugement ou sa justification, etc. C’est peut-être oublier que le film est encore produit sous la dictature franquiste et que là comme sous les Rois Catholiques, les décisions du pouvoir ne se discutent pas, surtout si elles sont sujettes à caution ou si elles pouvaient remettre en cause l’héroïsation idéologique du sujet. Le film sortira à Madrid avec quatre ans de retard, et jamais à Barcelone. – DE : Eroberer des Pazifik, GB/US: Balboa.
Magellan (Renaud Mary) face à la mutinerie de sa flotte dans « Mer Libre » (1965).
1965(tv) Mer libre : Magellan (FR) de Jean Kerchbron
Série « Hommes de caractère », ORTF (1e Ch. 5.10.65), 83 min. - av. Renaud Mary (Fernand de Magellan), Jean-François Poron (Duarte), Simon Eine (Alvaro de Mesquita), Robert Dalban (Menxeza), Mario Pilar (Gaspar de Quesada), Hubert de Lapparent (Serrao), Clément Bairam (De Coca), Claude Titre (Gomès), Jean Ozenne (rév. Pedro Sanchez), Bernard Dhéran (Juan de Cartagena).
D’après la pièce Mer libre d’Emmanuel Roblès (2 actes et un épilogue, 1985). - En avril 1520, près de la côte de Patagonie. A la recherche d'un passage vers les Indes orientales, Magellan est arrivé, avec sa flotte de 236 hommes et cinq vaisseaux, dans une échancrure inconnue de la côte de Patagonie. Il a envoyé ses deux plus petits navires en reconnaissance, pour savoir si c'est enfin le passage mentionné par les cartes de Martin Benhaim et qui mène de l'Atlantique au Pacifique. Depuis des mois, la flotte descend plein sud, explorant chaque golfe, chaque estuaire. L'entourage de Magellan et les équipages sont excédés car leur capitaine ne veut pas montrer ses cartes. Ses officiers le soupçonnent d'avoir des cartes fausses et de s'en être rendu compte mais de vouloir malgré tout chercher le passage, le futur détroit de Magellan. Un vent de révolte gronde. Les adjoints de l'amiral exigent de voir les mystérieuses cartes. Par une habile manœuvre, Magellan, qui ne veut point tant convaincre que vaincre retourne brutalement en sa faveur une situation désespérée. La mutinerie est étouffée dans le sang, l’expédition est sauvée. - Dans sa pièce, Emmanuel Roblès peint avec une belle maîtrise l’énergie, l’intelligence, mais aussi la ruse et l’orgueil de Magellan à bord du vaisseau amiral, alors que le doute et la révolte de ceux qui doivent lui obéir aveuglément remettent tout en cause. Mais ni l’auteur, ni le téléaste Kerchbron, dont la mise en scène est trop appliquée pour être sobre, indiquent clairement s’il faut accepter la mystique du chef dans la perspective de sa mission historique ou se satisfaire du portrait d’un être orgueilleux et solitaire. Dramatique enregistrée aux studios des Buttes-Chaumont à Paris.
1970(tv-df) Antonio Pigafetta chi era ? (IT) d’Ezio Pecora
RAI, 3 x 30 min. – av. Germano Moratelli (Antonio Pigafetta). - Docu-fiction tournée notamment à Vicenza en collaboration avec l’école Vittor Pisani del Lido à Venise. Pigafetta (v. 1491-1534) est un des dix-huit survivants de l’exploration de Magellan autour du monde. Il en a laissé la chronique la plus complète et la plus célèbre, dont il remet un exemplaire à Charles Quint.
1976(tv) Magellán (HU) de Ferenc András
Magyar Televizio, 60 min. – av. Tibor Szilágyi (Fernão de Magalhães, dit Magellan), János Koltai (Antonio Pigafetta), István Bujtor (Cartagena), Géza Galán (Gaspar de Quesada), István Iglódi, Károly Vogt (Mesquita). – Épisode de la mutinerie de San Julián en Patagonie, en avril 1520.
1976(tv-df) Juan Sebastián Elcano (ES) de Mario Camus
Série « Paisajes con figuras », Radiotelevisión Española (TVE 25.2.76), 31 min. – av. Fréderic de Pasquale (le cpt. Juan Sebastián Elcano). – Docu-fiction sur le navigateur basque (1476-1526) qui accompagna Magellan autour du monde en 1519-1522, lui succéda après la fin tragique du commandant sur l’île de Mactan et revint à Séville à bord de la Victoria avec les derniers survivants de l’expédition. Il mourut en plein océan Pacifique, alors qu’il explorait les Indes orientales pour le compte de la Couronne espagnole.
1988(tv-mus) L’Africaine (US) de Lotfi Mansouri (th) et Brian Large (tv)
RM Arts-San Francisco Opera, 180 min. - av. Plácido Domingo (Vasco da Gama), Shirley Verrett (Sélika), Ruth Ann Swenson (Inès, fille de Don Diego), Justino Díaz (Nélusko), Patria Spence (Anna), Kevin Anderson (Don Alvaro), Michael Devlin (Don Pedro), Joseph Rouleau (le Grand Inquisiteur), Philip Skinner (l’amiral Don Diego).
À la cour royale à Lisbonne en 1497/98, Inès apprend horrifiée que son amoureux Vasco de Gama, parti il y a deux ans pour les mers du sud, aurait fait naufrage et que le roi la destine désormais à Don Pedro. Mais Vasco a survécu et arrive, accompagné de deux esclaves indigènes, la belle Sélika et son amant Nélusko. Il demande à pouvoir repartir pour découvrir des terres au-delà de l’Afrique, lieu d’origine de ses indigènes. Accusé d’hérésie par le Grand Inquisiteur qui refuse d’admettre l’existence de terres dont la Bible ne dit mot, l’explorateur insulte les membres du Conseil et finit en prison avec Sélika et Nélusko. Quoique souveraine de son peuple sur une île paradisiaque de l’océan Indien, Sélika aime secrètement Vasco. Nélusko, jaloux, cherche à le tuer. Inès a offert sa main à Don Pedro en échange de la libération du navigateur. S’étant emparé des plans du navigateur, Don Pedro prend la place de son rival, guidé par Nélusko ; à bord du navire se trouvent Inès, son père Don Alvaro et Sélika. Nélusko planifie en secret la mort des Occidentaux. Ils sont rattrapés par Vasco, qui les a suivis en bateau affronte les marins de Don Pedro, mais Sélika le sauve en menaçant de tuer Inés. Une tempête précipite le navire sur les falaises du continent indien, la population indigène reconnaît Sélika, sa reine. Alors que le grand prêtre de Brahma exige la mort des étrangers, Don Pedro est égorgé, mais Sélika proclame Vasco son époux. Elle affronte Inès, réalise que Vasco de Gama est resté fidèle à cette dernière, organise la fuite des amants portugais et se suicide avec Nélusko, succombant aux effluves empoisonnés des branches de mancenillier, arbre exotique mortifère... L’opéra en cinq actes de Giacomo Meyerbeer, d’après un livret assez délirant d’Eugène Scribe (1865) qui en dit long sur les fantasmes de l’ère coloniale.
2002(tv-df) Durchruch am Kap des Schreckens (En caravelle vers l’inconnu) (DE) de Michael Glawogger et Christian Twente
Série « Mission X » / « L’Aventure humaine » (saison 1, épis. 3), Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF)-Arte (ZDF 26.5.02), 53 min. – av. Wolfgang Hess (narration). – Docu-fiction avec reconstitutions et comédiens anonymes (rôles muets). En 1434, un capitaine du prince portugais Enrique, dit « Henri le Navigateur », franchit le cap Bojador (côte ouest de l’Afrique), ce qui pousse ce dernier à développer un nouveau type de navire, la caravelle, pour explorer secrètement les côtes africaines.
2006(tv-df) Circumnavigation (GB) de Chris Bould
Série « Voyages of Discovery », BBCtv (BBC4 23.11.06), 52 min. – av. Eduardo Duro (Ferdinand de Magellan), Moncho Sanchez (Juan Sebastián Elcano), Tim Hardy (la voix d’Antonio Pigafetta), Paul Rose (présentation).
Docu-fiction avec reconstitutions et acteurs. Le port de Sanlúcar de Barrameda, en Andalousie, le 6 septembre 1522. La caravelle « Victoria », navire délabré, son équipage à moitié mort de faim et ravagé par la maladie, vient d’accomplir le tour du monde, après avoir quitté Séville en 1519. Le navire transporte dix-huit survivants (sur 240 hommes au départ) et quatre indigènes de Tindore dans les Moluques (sur 13 embarqués). Preuve est faite que la terre est ronde. Mais ce n’est pas Magellan (tué en 1521 aux Philippines) qui est le véritable héros du périple, mais un membre de son équipage, le capitaine basque Juan Sebastián Elcano, qui ramène à Séville les derniers survivants de la fabuleuse expédition.
Vasco de Gama (Robin Pratt, dr.) et son fils Estévão, deux forbans en Inde (« Urumi », 2011).
2011* Urumi / Ek Yodha Shoorveer / Urumi : The Warriors Who Wanted to Kill Vasco da Gama (IN) de Santosh Sivan
Shaji Nadesan, Santosh Shivan, Prithviraj Sukumaran/August Cinema-Glamour Still-Muvoz Creations, 172 min. (parlé malayalam) / 110 min. (vers. anglaise). – av. Pritviraj Sukumaran (Kelu Nayanar de Chirakkal), Prabhu Deva (son ami Vavvali), Genelia D’Souza (Ayesha, princesse Arakkal), Robin Pratt (Vasco de Gama âgé), Alexx O’Neil (Estévão de Gama, son fils / Vasco de Gama jeune), Nithya Menen (Bala, princesse de Chirakkal), Vidya Balan (Bhoomi), Ankur Khanna (le prince Bhanu Vikraman de Chirakkal), Amole Gupte (Thampuran, roi de Chirakkal), Jagathi Sreekumar (Chenichery Kurup, le ministre corrompu du Kerala).
Au Kerala à Calicut, Kelu Nayanar, un guerrier de Chirakkal, veut venger son père tué en septembre 1502 lors d’une confrontation atroce avec Vasco de Gama et ses perfides troupes portugaises : Vasco de Gama a capturé un navire de pèlerins musulmans de retour de La Mecque, propriété du sultan mamelouk. Kothuwal, général du royaume de Chirakkal, délègue un brahmane pour négocier et libérer les malheureux, mais plutôt que d’accepter la rançon que les riches marchands musulmans lui proposent, Vasco de Gama fait couper les oreilles de l’envoyé et ordonne de mettre le feu au navire où les pèlerins, femmes, enfants, vieillards brûlent vifs (épisode authentique). En tentant de sauver son jeune fils Kelu, Kothuwal perd la vie. Kelu jure de tuer un jour le navigateur criminel dont l’expédition à Calicut marque les débuts de l’empire colonial portugais. Devenu adulte, en 1524, Kelu apprend à la cour royale que Vasco de Gama est de retour en Inde en tant que vice-roi. Secondé dans son combat contre l’envahisseur par son meilleur ami, le musulman Vavvali de Nagapattinam, et la princesse guerrière Ayesha, Kelu s’introduit dans le Fort Arrakal et capture le fils du navigateur, Estévão de Gama, mutilé au combat, ce qui rend Vasco fou de rage à Cochin. Kelu, Vavvali et Ayesha soulèvent la population et persuadent les chrétiens syriens de Kodungallur de lutter contre les Portugais alors que le ministre félon Chenichery Kurup, lui, conspire avec l’occupant et libère Estévão. Le prince Bhanu Vikraman tue son oncle, le roi, avec un pistolet portugais et, une fois sur le trône, abandonne les partisans de Kelu. Il est abattu à son tour par Estévão, qui s’attaque ensuite aux rebelles ; ceux-ci le repoussent, mais Vavvali le paie de sa vie. Kelu prend d’assaut la forteresse de Chirakkal, ses hommes sont fauchés par les canons portugais et lui-même périt d’un coup de mousquet.
La fable historique s’inscrit dans un récit-cadre au présent où une société minière multinationale tente de s’emparer des terres fertiles qu’un lointain descendant de Kelu cherche à défendre. Alors que son travail se présente sous les abords d’un dynamique film d’aventures à l’indienne, avec les traditionnelles chansons, acrobaties, danses et arts martiaux, le cinéaste Santhos Sivan dénonce en vérité la globalisation qui détruit son pays aujourd’hui. Urumi est tourné pendant sept mois dès août 2010 au Kerala (Palakkad) et au Maharshtra (Pune, forêts de Malshej Ghat). Il fait un malheur au box-office en Inde, lauréat de deux Kerala State Film Awards (musique, son) et primé comme meilleur film et meilleure réalisation au Imagine India Film Festival de Madrid. Film d’ouverture au Goa Film Festival. Inédit à ce jour sous nos latitudes, mais une véritable curiosité. – IN (Hindi) : Ek Yodha Shoorveer, IN (Tamil) : Padhinaitham nootrandu uraivaal.
2014(tv-df) Griff nach der Weltherrschaft : 1. Ferdinand Magellan (A la conquête du monde : 1. Ferdinand Magellan) (ES/PT/GB) de Hannes Schuler, Holger Preusse
Fernsehbüro (Arte 27.9.14), 52 min. – av. Christopher Gaugler (Ferdinand Magellan), Nicolas Bultrago (Gaspar de Quesada), Sven Schmidke (Benito Diaz Bravo), Christian Martin Schäfer (Don Francis Zarate), Ferdi Özten (un marin). – Docu-fiction : l’épopée dramatique de la première circumnavigation.
Magellan est tué par les indigènes des îles Mariannes (« Conquistadores Adventum », 2017).
2017* (tv-df) Conquistadores Adventum (Conquistadors) (ES) télésérie d’Israel del Santo
Belén Gimenez, Ramón Pallicé, Daniel Garibotti/Global Set Spain (Madrid)-Movistar+ (Global Sat 9.10.-27.11.17), 8 x 55 min. – av. Eduardo San Juan (Juan Rodríguez de Fonseca), Nacho Acero (Gonzalo Guerrero), Paco Illescas (Pánfilo de Narváez), Aitana Sànchez-Gijón (la reine Isabelle de Castille), Alejandro Ruíz Rio (Fernando II d’Aragon), Eduardo Ruiz (Ferdinand, duc de Calabre), Paco Manzanedo (Vasco Núñez de Balboa), Erika Sanz (Isabel/Inés de Bobadilla), Bruno Squarcia (Amérigo Vespucci), Mario de la Rosa (Juan de la Cosa), José Sisenando (Francisco Pizarro), Miguel Díaz Espada (Hernán Cortés), Denis Gómez (Fernando de Magallanes/Magellan), Miguel Lago Casal (Christophe Colomb), Roberto Bonacini (Alonso de Ojeda), Mauro Muñiz de Urquiza (Juan Sebastián Elcano), Jon Bermúdez (Luis de Mendoza), Diego Recua (Juan de Cartagena), Pau Carreres (Juan Ponce de León), Aitor Legardon (Alvar Nuñez Cabeza de Vaca), César Díaz Capilla (cpt. Enciso), Alfonso Delgado (Pedrarias Dávila), Rubén Tejerina (Gonzao Gómez de Espinosa), Kike Inchausti (Bernardino de Talavera), Juan Díaz Pardeiro (Antonio Pigafetta), Lucas Palomino (soldat de Magellan), Sandra Peixoto (Anacaona), Urko Aguirre (Peru de Echevarria), Diego Barrero (Gerónimo de Aguilar), Hugo Huerta (Alonso el Negro), Alex Lima (Pankiak), Caroline Nunes (Anauyansi), Gerivaldo Oliveira (Enrique de Malacca, esclave de Magellan), Ramón Pallicé (cpt. Márquez), David Ambit (Nicolás de Ovando), Alejandro Bernardes (Bartolomé Torres), Jorge Cabrera (Urtubia), Ayoub El Hilali (Abu Ben Saif), Alberto Jo Le (Rajah Zuzu), Francisco Ortiz (Hernando de Soto), Anderson Tariano (Caonabó, cacique Taino).
Une série docu-fictionnelle où tout est reconstitution, consacrée aux trente premières années de la « conquista maritime », à partir du lendemain du voyage initial de Christophe Colomb en 1492 à la traversée du Pacifique, le plus grand océan de la planète, par Vasco Núñez de Balboa, jusqu’à la première circumnavigation de Fernand de Magellan et Juan Sebastián Elcano en 1522. Une mise en scène rigoureuse et sans fards (basée sur les lettres, journaux et mémoires des concernés, utilisés comme commentaire en off) qui ne cache ni les ambitions, ni la corruption ni les trahisons ni les génocides. Le réalisme de certaines séquences, proches du documentaire, surprend, et les portraits humains de ces « chiens de guerre » (comme les appelait Isabelle de Castille), désœuvrés depuis la chute de Grenade, puis lancés à la conquête du monde connu révèlent des individus rudes, peu instruits, partis pour faire fortune. La série ne cherche à aucun moment à plaire, et ses divers épisodes, dépourvus de tout pathos, révèlent une amertume d’autant plus inattendue qu’il s’agit d’une production exclusivement hispanique et que sa narration reflète surtout le point de vue des navigateurs conquérants. Démystification et dénonciation sont implicites. Les images sont facilement sombres, peuplées de barbus pas toujours amènes et bardés de métal, peu enclins à apporter le bonheur aux populations indigènes, qui affrontent une nature rude et pleine de dangers (tournage éprouvant en 4K à Burgos, Huelva, Palos, Olite, Almeria, Cantabria, Cadix et au Brésil, en Amazonie avec les indiens Sateré Mawé, à partir de décembre 2016). « Vrai comme un documentaire », proclame la publicité. La série suscite néanmoins une violente réaction de la droite en Espagne qui juge la série « antiespagnole » et certains téléspectateurs regrettent le « pessimisme » du propos.
Épisodes : 1. « Las Llaves del Mar (En route vers un nouveau monde) » – 2. « El Pequeño Capitan (Ojeda, à l’épreuve de la colonisation) » – 3. « La Caprichosa (La Caprichosa) » – 4. « Océanos de oro (Océans d’or) » – 5. « Huérfanos (Orphelins) » – 6. « Gigantes (La Terre des géants) » – 7. « Te llamarás Pacífico (Tu t’appelleras Pacifique) » – 8. « El primero en rodearme (Le Premier Tour du monde) ».
1979-2017(vd) Balikbayan – # 1: Memories of Overdevelopment Redux VI (PH) de Kidlat Tahimik
Voyage Studios (Manila), 159 min. - av. Kidlat Tahimik (Enrique de Malacca, esclave malaysien de Fernand de Magellan), Mitos Benitez, Kabunyan de Guia, Katrin de Guia, Kawayan de Guia, Marita Manzanillo, Danny Orquico, Craig Scharlin, George Steinberg, Wigs Tysman, Marlies von Brevern.
« Balikbayan » est le terme en tagalog pour « guest worker (travailleur immigré) ». Le cinéaste Kidlat Tahimik, un ami proche de Werner Herzog, a choisi ce titre pour parler des premières victimes de la colonisation espagnole, en particulier d’Enrique/Henrique de Malacca (v.1495-1521), originaire de Sumatra, en Indonésie, qui, fait prisonnier après la chute de Malacca en 1511 et réduit en esclavage, fut vendu à Magellan qui l’emmena au Portugal où il reçut le nom chrétien de Enrique. Huit ans plus tard, il est forcé d’accompagner Magellan autour de la terre en tant qu’esclave personnel et interprète à bord de la nef amirale la Trinidad (Pigafetta le mentionne dans son récit) ; le romancier malais Harun Aminurashid le considère comme originaire de la Malaisie et le nomme Panglima Awang dans son roman historique qui se déroule dans le sultanat de Malacca (Panglima Awang, Singapour, 1957). Après l’arrivée de Magellan aux Philippines, Enrique révéla secrètement aux habitants de l’île de Mactan comment mieux résister aux armes à feu des navigateurs occidentaux et Magellan fut tué au combat par une flèche empoisonnée. Il aurait ensuite collaboré au banquet à Cebu qui coûta la vie à une trentaine d’Espagnols ayant refusé de lui accorder la liberté promise selon le testament du capitaine. Enrique, « un traître » selon Pigafetta, est considéré comme un héros national aux Philippines et en Malaisie pour avoir contribué à stopper l’avancée des Européens dans la région ; un mémorial (portrait et statue) lui est dédié depuis 2016 dans l’enceinte de l’Art Museum de Singapour. Le cinéaste malaysien a réuni son matériel pendant 35 ans (depuis 1979) en 16mm puis en vidéo pour les sortir sous forme d’un film « en travail » comprenant images documentaires, fiction et essai personnel. Première mondiale au Festival de Berlin 2015, lauréat du Prix Caligari.
Magellan fait face à la mutinerie de San Julián en 1520 dans « Sin límites » de Simon West (2022).
2022(tv) Sin límites. La expedición que cambió el mundo / Sin límites : hacia los confines del mundo / Boundless. The Expedition that Changed the World (Sans limites) (ES/GB/DE) télésérie de Simon West
Miguel Menéndez de Zubillaga. Rafael Minasbekyan, Heather Greenwood, Leo Pearlman, Patrick Fischer, Richard Kondal/Fulwell 73 (London)-Kilima Media-ZDF Studios GmbH (Mainz)-Mono Films (Madrid)-RTVE.EiTB-Canal Sur (Amazon Prime Video 10.6.22), 6 x 45 min. - av. Rodrigo Santoro (Fernand de Magellan), Alvaro Morte (Juan Sebastián Elcano), Carlos Cuevas (Martino), Sergio Peris-Mencheta (cpt. Juan de Cartagena), Adrián Lastra (cpt. Luis de Mendoza), Carlos Scholz (l’empereur Charles Quint), Bárbara Goenaga (Beatriz), Pepón Nieto (le père Bartolomé), Alvaro de Mezquita (Xosé A. Touriñán), Niccolò Senni (Antonio Pigafetta), Gonçalo Diniz (Duarte Barbosa, beau-frère de Magellan), Manuel Morón (le cardinal Fonseca), Machi Salgado (cpt. Serrano), Raúl Tejón (Gómez de Espinosa), Simon Kirschner (Siegfried), Adrián Viador (le père Pedro Sánchetz de la Reina), Jason Asuncion (le chef Humabon), Armando Alera (le chef Lapulapu), Miguel Mars (Antonio Salomon), Casimiro Aguza (Agustín Ocaña), Pedro Bachura (Omar).
Le réalisateur britannique Simon West, habitué aux bandes d’aventures pas trop exigeantes (Lara Croft : Tomb Raider av. Angelina Jolie, 2001), dirige ce récit fictionnalisé de la circumnavigation de Magellan et Elcano, filmé pour Internet à l’occasion des 500 ans de l’exploit maritime. Un scénario sans surprises de Patxi Amezcua, comprenant tous les épisodes connus, quoique Enrique de Malacca (cf. supra, film de 2017), n’y apparaisse pas : sans doute les épisodes relatifs à l’esclave-interprète de Magellan ne sont-ils pas assez « héroïques ». Le tournage a débuté en avril 2021 au palais royal d’Olite (Navarre), s’est poursuivi à Séville, à Huelva (Andalousie), à la cathédrale de Pampelune, en pays basque (plage de Azkorri à Gebro, Lazkao, Biscaye), en studio à Madrid, aux îles Canaries et en République dominicaine (studios Pinewood de Juan Dolio).
2022[Animation : (tv) L’Incroyable Périple de Magellan (FR) de François de Riberolles (Arte 19.11.22), 4 x 53 min. – Une remarquable série documentaire faite d’images aériennes et d’animation.]