IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

La grande cité maya et ses pyramides à degrés dans « Apocalypto » de Mel Gibson (2006).

7. L’ÂGE DES CONQUISTADORS (XVe-XVIe s.)

Le TRAITÉ DE TORDESILLAS, établi le 7 juin 1494 à Tordesillas en Castille, partage le Nouveau Monde, considéré comme terra nullus (territoire sans maître), entre les deux puissances coloniales émergentes d’Europe, l’Espagne et le Portugal. Le texte est conçu sous l’égide du pape d’origine espagnole Alexandre VI Borgia (ancien sujet du roi d’Aragon), bien sûr en échange d’avantages substantiels. Il définit comme ligne de partage le méridien situé à 46o 37’, à l’ouest des îles du Cap-Vert. Ratifié par les Rois Catholiques et João II de Portugal, le traité place le Brésil, découvert peu de temps après, sous souveraineté portugaise et attribue le reste des Amériques à l’Espagne. D’après ce traité, le royaume de Castille (l’Espagne) ainsi que les îles Canaries sont acquis à la couronne castillane, tandis que Madère, Porto Santo, les Açores et les îles du Cap-Vert, ainsi que le droit de conquête du royaume du Maroc (royaume de Fès) et le droit de navigation au sud du parallèle des Canaries sont acquis au royaume du Portugal. Les autres puissances maritimes européennes se voient refuser tout droit sur ces nouvelles terres et doivent (avant le rejet de l’autorité pontificale par les protestants) recourir à la piraterie et à la contrebande pour profiter des richesses du Nouveau Monde. Ainsi, sous prétexte d’évangélisation, les conquêtes, le pillage et la colonisation hispano-portugaise des Amériques peuvent commencer, entrainant la naîssance de l’exploitation capitaliste moderne. C’est le premier acte de la globalisation.
Au XVIe-XVIIe siècle, 500'000 Espagnols vont se lancer dans l’aventure transatlantique poussés par trois passions, dans l’ordre d’importance : la prédation des richesses, le goût des armes, l’aspiration au salut. Entre 1500 et 1650, l’or des Amériques augmentera le volume du trésor européen d’au-moins cent quatre-vingts à deux cents tonnes. Le Nouveau Monde perdra environ neuf-dixième de sa population originelle après la conquête. Selon Bartolomé de Las Casas, il y avait 1’100'000 d’autochtones en 1492 et il en reste 16'000 en 1516.


Ce constat, aussi accablant soit-il, ne doit pas pour autant pousser à une idéalisation aveugle de la période précolombienne, en particulier des civilisations indo-américaines aztèques ou incas. Lorsque les Espagnols débarquent au début du XVIe siècle, certains empires locaux ont atteint un stade de dégénérescence avancé: l'état de guerre y est constant, bien des peuples de la région sont soumis à un travail servile et à un tribut. Au Mexique au particulier, la capture des esclaves a eu semble-t-il pour principale destination le sacrifice humain, ce qui explique pourquoi diverses tribus se sont imprudemment alliées aux envahisseurs blancs pour vaincre leurs oppresseurs, facilitant ainsi considérablement le travail d'un Cortès ou d'un Pizarre.


NOTA BENE :
Contrairement à certaines idées reçues assez tenaces, le fait que la Terre soit ronde était bien connu durant tout le Moyen Âge occidental. Au IIIe siècle av. J.-C. déjà, le Grec Ératosthène en avait mesuré la circonférence avec une exactitude remarquable et ses mesures furent abondement diffusées dans les siècles suivants, entre autres par Platon, Aristote, Ptolémée, Origène, saint Grégoire de Nysse, le fondateur de l’encyclopédisme médiéval Isidore de Séville (VIIe s.), Johannes de Sacrobosco (Traité de la sphère, 1224), Albert le Grand et son disciple saint Thomas d’Aquin (XIIIe s.), le cardinal Pierre d’Ailly (XVe s.), etc. ; leurs écrits furent divulgués dans tous les cercles savants sans que l’Église, qui en faisait partie (étant au cœur de l’université), y trouvât à redire. Le premier globe terrestre connu, c’est-à-dire le plus ancien conservé, est celui réalisé à Nuremberg par Martin Behaim en 1492 – soit l’année même où Colomb fit sa première traversée. Le projet de ce dernier comme celui de Magellan en 1519 n’était donc absolument pas de démontrer la sphéricité de la Terre – comme l’affirment une légion d’ignares - mais de vérifier la faisabilité du parcours. En réalité, la soi-disant « Terre plate » du Moyen Âge est une légende pérenne de l’obscurantisme post-Renaissance, une fake news propagée notamment par Voltaire, Washington Irving, les milieux progressistes et l’anticléricalisme qui ont accompagné la laïcisation des sociétés européennes à partir du XIXe siècle.

7.1. Aztèques, Mayas, Incas, Amazoniens et les peuples du Pacifique avant la « Conquista »

1914Tiempos Mayas (MX) de Carlos Martínez de Arredondo et Manuel Cirerol Sansores
Carlos Martinez Arredondo Producciones. - av. Elsa Calderón, Manuel Ciberol. – Court métrage filmé à Mérida (Yucatán).
Montezuma II (Robert McKim, à g.) et Chiapa (William S. Hart, à dr.) dans « The Captive God ».
1916The Captive God (Le Dieu captif) (US) de Charles Swickard
Thomas H. Ince/New York Motion Picture Corp.-Kay-Bee Pictures, 5 bob./50 min. - av. William S. Hart (Chiapa), Enid Markey (Lolomi), Robert McKim (Moctezuma II), P. Dempsey Tabler (Mexitli), Dorothy Dalton (Tecolote), Dorcas Matthews (Maya), Herbert Farjeon (Cocama), Robert Kortman (Tuyos), Robert Kroc (Chiapa enfant), Walt Whitman (le Grand Prêtre), William Desmond.
Au début du XVIe siècle, un petit garçon espagnol atteint les côtes du Mexique à la nage, seul survivant du naufrage d’un galion. N’ayant jamais vu un homme blanc, les caciques Tehuans le prennent pour un dieu, l’adoptent et lui donnent le nom de Chiapa. Une fois adulte, il devient le chef entreprenant et efficace de la tribu mésoaméricaine et flirte avec la prêtresse Tecolote. Mais lorsque les Aztèques, seigneurs du pays, apprennent la prospérité soudaine des Tehuans, l’armée de l’empereur Moctezuma II commandée par le redoutable général Mexitli (vainqueur des Mayas) envahit leur pays, et ce dernier fait de Tecolote son esclave. Femmes, enfants et richesses sont emmenés par l’ennemi, tandis que Chiapa et une poignée de guerriers se réfugient dans les montagnes. Chiapa suit secrètement les envahisseurs pour les espionner, mais il est blessé dans les jardins impériaux. Lolomi, fille de Moctezuma, le soigne et tombe amoureuse. Lassé de sa prêtresse, Mexitli demande la main de Lolomi, que son géniteur lui accorde mais, impatient, il tente de la violer et découvre Chiapa dans ses appartements. Chiapa est condamné à mort, il sera exécuté sur l’autel des sacrifices dans douze mois, après une année de captivité. Ne pouvant faire plier son père, Lolomi alerte les Tehuans du sort qui attend leur dieu captif et ceux-ci envahissent la pyramide aztèque au dernier moment. Chiapa tue Mexitli en combat singulier et repart avec la fille de Moctezuma.
Une grande fresque produite par Thomas H. Ince avec, pour vedette dans un rôle inattendu, William S. Hart, un des premiers cowboys de l’écran, et de loin le plus populaire (« Rio Jim » en France), le visage impassible, taillé dans le roc. Le film est tourné entre février et avril 1916 - titre de travail : The Castilian - pour la somme alors coquette de 50'000 $ aux studios d’Inceville (Culver City), à Chatsworth, au Balboa Park à El Prado (dans les villages des Indiens Pueblos et des décors de la Panama-California Exposition, San Diego), avec 2500 figurants. L’accueil public et critique est très chaleureux et on salue en particulier la qualité de la photo ; celle-ci est en effet signée Clyde de Vinna (le futur chef-opérateur des aventures exotiques de W. S. Van Dyke, White Shadows in the South Seas, The Pagan, Trader Horn, Eskimo, 1928-1933) et Joseph H. August (collaborateur de Hawks, de Ford et de Borzage pour Man’s Castle). Remonté et raccourci par Pathé baby en 9,5 mm pour le cinéma de famille, il porte le titre de Rival Tribes, et on a coupé les scènes embarrassantes du début impliquant que le grand guide des Indiens est un Blanc qui ignore ses origines.
1917[inachevé :] Chapultepec (MX) de Joaquín Coss, Efrén Rebolledo
Azteca Films. – Chronique de l’histoire ancienne du Mexique : la colline de Chapultepec fut le premier lieu où les Aztèques se fixèrent après leur migration semi-légendaire depuis Atzlan. Moctezuma Ier et d’autres souverains y firent graver leur image en relief sur des rochers.
1925Tlahuicole (MX) de Manuel Gamio
Manuel Gamio Producciones, court métrage. – Les exploits héroïques d’un guerrier tlaxcalteca qui parvient à résister à huit guerriers aztèques de Moctezuma Xocoyotzin et en blesser une vingtaine d’autres. Un film de l’anthropologue Manuel Gamio projeté à l’Exposition mexicaine de Los Angeles.
1934Nezahualcóyotl, el rey poeta (MX) de Manuel Sánchez Valtierra
Manuel Sánchez Valtierra/Anáhuac Productora Cinematográficas (Ciudad de México). – av. Antonio Garay Gudiño (Nezahualcóyotl, roi du peuple acolhua), Rosa Fuentes, Max Langler, Manuel Dondé. – Biographie d’un monarque aztèque du XVe siècle, Nezahualcóyotl Acolmitzli, surnommé Yoyontzin, qui naquit et mourut à Texcoco (vallée de México) où il règna de 1431 à 1432 ; il fut également poète, architecte et philosophe reconnu. Un biopic filmé d’août à octobre 1934 mais jamais sorti en salle, le négatif ayant été détruit dans un incendie à la veille de son exploitation.
1948The Angry God / La pasión de un dios (US/MX) de Van Campen Heilner
Edward J. Peskay/Carlyle Productions, Inc., 57 min. - Alicia Parla (Mapoli), Casimiro Ortega (le dieu Colima), Mario Forastieri (Nezatl).
Zateco, le dieu de tous les dieux, a créé la Terre et une entité divine vivante, Colima, le dieu du feu ; ce dernier a créé à son tour l’homme et la femme à partir de balles de maïs séchées. Prenant parfois l’apparence d’un humain au fil des siècles, le dieu s’éprend un jour de la jeune Mapoli, alors qu’elle chante en se baignant. Mais la jeune fille est fiancée à Nezatl et refuse obstinément ses avances. Il prend alors la forme d’un hibou, puis d’un vieux sage bienveillant, enfin s’en prend à Nezatl, l’étourdissant par une potion, puis lui faisant perdre la mémoire. Mapoli démasque la stratégie du dieu que les villageois chassent avec des pierres. Pour se venger, Colima suscite un immense orage et une éruption volcanique qui détruit le village. Mapoli se rend alors auprès de Colima et offre sa vie en échange de celles des villageois. C’est alors que le dieu des dieux intervient et enferme Colima pour toute éternité dans le volcan. Nezatl et Mapoli peuvent se marier et la paix se rétablit sur la Terre. - Un conte tiré de la mythologie aztèque, tourné en couleurs (Fullcolor) par une compagnie indépendante et avec des non-professionnels au Mexique, à Michoacán et sur le volcan de Paricutín (qui a fait une éruption en février 1943). Du travail d’amateurs.
1957[épisode :] La momia azteca (MX) de Rafael E. Portillo
Guillermo Calderón Stell/Cinematográfica Calderón S.A. (Ciudad de México), 80 min. - av. Ramón Gay (Dr. Eduardo Almada), Rosita Arenas (Flor/Xochitl), Angel Di Stefani (Popoca, le guerrier aztèque), Estela Inda (une chanteuse aztèque), Crox Alvarado, Luis Aceves Castañeda. - Au cours d’une expérience en hypnose pour retracer les vies antérieures, le Dr. Almada découvre que sa fiancée Flor est la réincarnation de la prêtresse aztèque Xochitl, condamnée jadis à mort pour avoir aimé le guerrier Popoca. Son corps momifié a été placé à l’entrée d’une chambre secrète de la grande pyramide de Chichén Itzá au Yucatán où sont cachés les trésors du royaume, tandis que son amant, également momifié, est condamné à garder le trésor à travers les siècles... Le reste de l’intrigue se déroule au XXe siècle et s’avère une copie carbone de celle de The Mummy/La Momie (1932) de Karl Freund où Boris Karloff en bandelettes semait la terreur parmi les profanateurs de tombes égyptiennes. – Filmé aux Estudios CLASA à Ciudad de México et à Chichén Itzá. Comme de bien entendu, la malédiction de cette momie aztêque engendre une légion d’autres nanars d’épouvante du même acabit, tels que La maldición de la momia azteca ou La momia azteca contra el robot humano (R. Portillo, 1957/58), etc. – GB/US : The Aztec Mummy, IT : Il risveglio della mummia.
1963Maciste contro i cacciatori di teste (Tarzan chez les coupeurs de tête / Le Gladiateur contre les coupeurs de tête) (IT) de Guido Malatesta
Giorgio Marzelli, Kirk Morris/R.M.C. Produzione Cinematografica (Roma)-Alta Vista (Roma), 80 min. - av. Kirk Morris [=Adriano Bellini] (Maciste), Laura Brown (la princesse Amoha), Demeter Bitenc (Ariel, fils du roi Olibana), Frank Leroy (Kermes), Ines Holder (Asmyn), Letizia Stephan (Moana), Luigi Esposito (Aris), Alessandro Pregars (Olibana, roi des Urias), Alfredo Zammi (Tyran), Giovanni Pazzafini (Gunk).
Fuyant leur île anéantie par le volcan, Maciste, le prince Ariel et une poignée de ses sujets pénètrent dans le pays des Urias, en Amazonie, ravagé par la guerre. La princesse Amoha révèle à Maciste que Kermes a trahi son père, le roi Olibana, et introduit le peuple de coupeurs de tête dans leur Cité d’Or, à présent réduite en ruines. Amoha est enlevée par l’affreux Gunk qui l’offre en épouse à Kermes, mais fort heureusement, le gentil Maciste et sa musculature mettent de l’ordre dans ce salmigondis de routine. Filmé en Eastmancolor et Dyaliscope à l’Interstudio de Grottaferrata et en Slovénie, dans la région de Ljubljana. – DE : Maciste gegen die Kopfjäger, PT : Maciste contro os Caçadores de Cabeças, GB/US : Colossus and the Headhunters.
1963Kings of the Sun / The Mound Builders / Maya (Les Rois du soleil) (US) de Jack Lee Thompson [et John Flynn]
Lewis R. Rachmil, Sandy Whitelaw, Walter Mirisch/The Mirisch Corporation-United Artists, 108 min. - av. Yul Brynner (le chef Black Eagle/Aigle Noir), George Chakiris (le roi Balam IX dit « le Jaguar »), Shirley Anne Field (Ixchel), Richard Basehart (Ah Min), Brad Dexter (Ah Haleb), Barry Morse (Ah Zok), Armando Sylvestre (Isatai), Leo Gordon (Hunac Ceel), Victoria Vettri (Ixzubin), Rudy Solari (Pitz), José Torvay (l’Ancien maya), Angel Di Steffano (le vieux roi Balam VIII), James Coburn (narration).
Au Yucatan au XIe siècle. Le royaume maya dirigé par Balam VIII est attaqué par l’invincible armée toltèque du cruel Hunac Ceel, qui possède des armes en fer forgé. Le roi est tué, les rescapés se réfugient à l’intérieur de l’immense pyramide de Chichén Itzá, puis s’échappent par un couloir secret vers la mer. Succédant à son père, le jeune Balam IX, brave mais pacifique, décide de s’exiler avec ses fidèles, accompagnés de toute la population d’un village de pêcheurs, dont la belle Ixchel, fille du chef local. Les Mayas traversent le golfe du Mexique en barques et s’installent au nord, dans une terre inconnue où ils bâtissent une cité fortifiée avec palissades de rondins et huttes de bois ainsi qu’une modeste pyramide à degrés pour leurs rituels, et construisent un barrage pour la culture de la terre. Le chef indien Black Eagle qui les espionnait avec stupéfaction est capturé. Promis à un sacrifice humain pour attirer la bénédiction des dieux, l’Indien est gracié au dernier moment par Balam que cette tradition rebute et qui veut surtout que les hommes se montrent solidaires ; le grand-prêtre se sacrifie à sa place. Une cohabitation entre les deux cultures, l’une sédentaire avec son temple de pierre, l’autre migrante avec ses wigwams, s’établit au fil des jours. Les deux chefs s’affrontent toutefois pour la troublante Ixchel, séduite par la nature de panthère de l’Indien alors qu’elle est promise au timide et maladroit Balam. L’arrivée de la flotte d’invasion des sanguinaires Toltecs les contraint à s’assister mutuellement. Hunac Ceel est tué dans la bataille, son armée rejetée à la mer. Black Eagle meurt à son tour après avoir sauvé la vie de Balam et l’avoir exhorté de réunir leurs deux peuples et de ne plus jamais tolérer de sacrifices humains.
C’est la toute première fois que le cinéma nord-américain se penche sur l’univers précolombien avant l’arrivée de Cortez, et ce constat constitue le principal, sinon l’unique mérite de Kings of the Sun, grand spectacle qui offre en tête d’affiche un ombrageux Yul Brynner, crâne chauve, agilité de félin et torse bombé, face au jeune danseur gréco-américain George Chakiris (révélation oscarisée de West Side Story en 1961), bien trop falot pour son rôle. La réalisation incombe au Britannique Jack Lee Thompson, habile technicien accoutumé au cinéma d’aventure, à la logistique compliquée et aux gros budgets (The Guns of Navarone, Cape Fear, Tarass Boulba avec Yul Brynner), mais peu regardant sur le plan artistique ou imaginatif. Le producteur Walter Mirisch (qui avait déjà attiré Brynner au Mexique pour The Magnificent Seven) élabore avec l’écrivain Elliott Arnold un script autour des Amérindiens appelés Mound Builders (bâtisseurs de cumulus ou tertres), soit les ancêtres des Creeks installés dans le delta du Mississippi mais disparus avant l’arrivée des Européens, et un hypothétique échange de technologie entre ces Indiens et des communautés maya après la fuite de ces dernières vers l’actuel Texas. Or Arnold est l’auteur du roman qui a inspiré le fameux Broken Arrow de Delmer Daves (1950), western pacifiste qui prônait pour la première fois à l’écran la réconciliation des Blancs avec les redoutables Apaches de Cochise ; quant à Jack Lee Thompson, il voit surtout dans la matière – i.e. les sacrifices humains - un plaidoyer déguisé contre la peine de mort (sujet qu’il aborda dans son premier film, Yield to the Night/Peine capitale, 1956). Hélas, si la trame de Kings of the Sun est aussi faiblarde que prévisible, les dialogues (en anglais) dont on l’affuble lui donnent le coup de grâce. Car si l’on sait comment parlait Cochise en 1872, on n’a aucune idée des discours mayas, et les propos grandiloquents ou philosophiques de l’aristocratie indigène débités par des Anglo-saxons emplumés, peinturlurés et si proprement coiffés pataugent dans le ridicule. (Surprise supplémentaire : Mayas et Indiens parlent la même langue !) La production n’a pourtant lésiné ni sur les frais (4 millions de $), ni sur les déplacements compliqués ni sur un décorum témoignant d’une réelle recherche archéologique. L’ensemble a été filmé en Panavision et DeLuxe Color de janvier à avril 1963 dans la péninsule du Yucatán, sur la côte ouest du Mexique ; les ruines mayas et l’iconique pyramide à degrés de Chichén Itzá ont servi de décor, complétés par ceux établis dans la baie de Mazatlán (Sinaloa), à Mérida, dans la région de Querétaro et, en intérieurs, dans les studios de Churubusco Azteca à Ciudad de México. À la caméra, le légendaire Joseph McDonald, chef-opérateur de John Ford, Elia Kazan, Samuel Fuller ; le futur cinéaste John Flynn, encore assistant et plus amusé que convaincu par ce qu’il appelle « a popcorn script », a dirigé la seconde équipe pour la très impressionnante bataille finale - quoi qu’on puisse se demander où ces centaines d’Indiens ont acquis une pareille discipline militaire, digne des légions romaines, alors qu’on ne les voit pas une seule fois s’exercer au métier d’armes... Cette kitschissime restitution « historique » trafiquée par Hollywood laisse le public indifférent et fait un bide total au box-office. Elle est aussi fort mal accueillie en Europe, tout s’y déroulant « en fonction des critères moraux de la civilisation américaine actuelle » (Cinéma 64, no. 84). - ES : Los reyes del sol, DE/AT : Könige der Sonne, IT : I re del sole, PT : Os reis do sol.
1964(tv) The Aztecs (GB) mini-série de John Crockett
Série « Doctor Who » no. 6, Verity Lambert (BBC1 23.5.-13.6.64), 4 x 25 min. - av. Keith Pyot (Autloc), John Ringham (Tlotoxl), Ian Cullen (Ixta), Margot Van der Burgh (Cameca), David Anderson (capitaine aztèque), Walter Randall (Tonila), Tom Booth et André Boulay (des victimes), William Hartnell (Doctor), Carole Ann Ford (Susan Foreman), Jacqueline Hill (Barbara Wright), William Russell (Ian Chesterton).
Série pour la jeunesse : au cours de leur voyage dans le temps, l’équipe du docteur Who atterrit au Mexique vers 1450, dans le royaume aztèque. Barbara Wright, collaboratrice du docteur, est prise pour la réincarnation de l’ancien grand-prêtre Yetaxa, rôle prestigieux qu’elle assume dans le vain espoir de pouvoir abolir ainsi les sacrifices humains sur place et éviter l’arrivée des Espagnols. Elle est soutenue par Autloc, grand-prêtre de la sagesse et contrée par Tlotoxl, grand-prêtre du sacrifice, mais ne peut changer le cours de l’Histoire... Filmée aux studios Ealing en avril-mai 1964, la mini-série attire 7,9 millions de téléspectateurs. - Episodes : 1. « The Temple of Evil » – 2. « The Warriors of Death » – 3. « The Bride of Sacrifice » – 4. « The Day of Darkness ».
1964Ercole contro i figli del sole / Hercules contra los hijos del sol (Hercule contre les fils du soleil) (IT/ES) d’Osvaldo Civirani
Osvaldo Civirani/Wonder Film (Roma)-Hispamer Film (Madrid), 88 min. - av. Mark Forest [=Lou Degni] (Hercule), Anna Maria Pace (Yamara), Giuliano Gemma (le prince Maytha), Giulio Donnini (Atahualpa), José Riesgo (le roi Huascar), Carlo Latimer (Chaco), Franco Fantasia.
Seul survivant d’un naufrage sur les rives du Pacifique, Hercule est sauvé par Maytha, un jeune prince Inca qui se terre dans la forêt en attendant de renverser l’usurpateur Atahualpa et de remettre son propre père Huascar sur le trône. Un messager leur apprend que Yamara, sœur du prince, va être immolée au dieu Soleil sur l’ordre du tyran. Hercule la sauve, terrasse l’usurpateur et épouse Yamara, tandis que le prince devient roi, son père s’étant suicidé. – Film fauché (cinq lamas remplacent les moutons pour faire couleur locale), tourné en quatre semaines en Totalscope et Eastmancolor dans les studios IN.CI.R.-De Paolis, Vides Cinematografica et Elios à Rome, en extérieurs dans le Latium et sur la plage de Tor Caldara à Anzio. Pour petits enfants et intellectuels fatigués. – DE : Huasca – Wie tödliche Geier, US : Hercules against the Sons of the Sun.
1965Il vendicatore dei Mayas / Ercole contro il gigante Golia / Maciste, il vendicatore dei Mayas (tv) (Maciste, le vengeur du dieu maya) (IT) de Guido Malatesta
Giorgio Marzelli/Urias Films (Roma), 82 min. - av. Kirk Morris [=Adriano Bellini] (Hercule), Barbara Loy [=Maria Teresa Gentilini] (la reine Aloa), Luciano Marin (Donar), Andrea Aureli (Manur), Demeter Bitenc (Gruno), Antonio Casale (Berac), Koloss (Golia), Luciana Paoli, Lucy Bomez, Mimmo Maggio.
Un produit de fin de série : Hercule sauve la reine maya Aloa que Manur, souverain du Peuple des Cavernes, a promise au titanesque Golia. S’ensuit un long affrontement entre Hercule-Maciste et un vilain géant de 2m20, le tout nourri de lancers de rochers en polystyrène et de séquences entières piquées à deux autres « péplums exotico-préhistoriques » de l’amusant Guido Malatesta, Maciste contro i mostri/Maciste contre les monstres (1962) et Maciste contro i cacciatori di teste/Tarzan (!) chez les coupeurs de tête (1963, cf. supra), ce dernier aussi avec Kirk Morris alias Adriano Bellini. On retrouve ainsi les monstres du premier et le tremblement de terre, la blessure de Maciste et l’assaut du village du deuxième film, les paysages slovènes en prime. De l’ouvrage de récupération joyeusement bricolé en Eastmancolor et Totalscope aux studios IN.CI.R.-De Paolis à Rome, dans le Latium et l’Ombrie, au grand plaisir des salles de quartiers. – DE : Rächer der Mayas – Abenteuer in den Anden, ES: El vengador de los Mayas, US: Maciste, Avenger of the Mayans.
1975A lenda de Ubirajara [La Légende d’Ubirajara] (BR) d’André Luiz Oliveira
Jesus Chediak, Paulo Mauricio Oliveira/ALO Produções Cinematográficas-Grupo Filmes-Maltro Filmes (Rio de Janeiro), 100 min. – av. Tatau (Jaguarê, devenu Ubirajara), Ana Maria Miranda (Araci), Taíse Costa, Roberto Bonfim, Antonio Carnera, Jesus Chediak, Jorge Anápolis, Tep Kahok.
Pour mériter son nom de guerrier, Jaguarê, fils d’un chef Araguaia, s’enfonce dans la forêt amazonienne, s’éprend de la princesse Araci (« étoile du jour ») de la tribu Tocantins et défait Pojucâ, leur guerrier le plus redoutable, en combat rituel. Lorsqu’on découvre sa véritable identité, il propose aux Tocantins de combattre leuts ennemis Tapuias, puis épouse sa bien-aimée et fonde la nation Ubirajara d’après le nouveau nom qu’il reçoit au terme de ses exploits. – Le film (parlé carajá), une adaptation libre de la romance Ubirajara de l’écrivain brésilien José de Alencar (1874), est primé au Festival de Brasilia 1975 (scénario, film) et obtient le Prix de la critique brésilienne 1977 (Troféu APCA). – US : The Legend of Ubirajara.
1990/91Retorno a Aztlán / I necuepaliztli in Aztlan (Retour à Aztlan) (MX) de Juan Roberto Mora Catlett
Juan Mora Catlett, Jaime Langarica, Jorge Prior/Producciones Volcan S.A. de C.V.-Cooperativa José Revueltas-Dirección de Actividades Cinematográficas de la UNAM-Fondo de Fomento a la Calidad Cinematográfica (Ciudad de México)-IMCINE-John Simon Guggenheim Foundation, 95 min. – av. Rodrigo Puebla (Moctezuma / Motecuzoma), Rafael Cortes (Ollin), María Luisa Avalos (Yohaili, sa femme), Jairo Marqués Padilla (leur fils), Amado Sumaya (Tlacaelel, le Grand Prêtre), Socorro Avelar / Soledad Ruiz (la déesse Coatlicue), José Chávez (Cuauhcoatl), Policarp Padilla (l’aîné des villageois), Felipe Solis (Calpiqui), Martín Palomares (le prêtre), Soledad Ruiz, Tonatiuh Alonso, José Avilez, Juan Diego Del Clero, Damián Delgado, Rodrigo Franco, Agustín Gallardo, Enrique Guarro, Ramiro Huerta, Jonathan Kano, Antonio Zamano.
À Mexico-Tenochtitlan en 1468, alors que Moctezuma l’Ancien vient de décéder, le Grand Prêtre et conseiller royal Tlacaelel se souvient d’un événement particulier survenu sous son règne : Ollin, un humble paysan ainsi que des émissaires du monarque précolombien entreprennent parallèlement un voyage « magique » vers Aztlán, lieu mythique de la naissance du premier Aztèque. Le but de leurs pèlerinages respectifs est de conjurer la déesse Coatlicue de faire cesser la sécheresse qui dure depuis quatre ans déjà et menace la stabilité de l’Empire : l’apocalypse menace, représentée symboliquement par la mort du Cinquième Soleil. Ollin trouve la déesse et celle-ci accepte d’aider le peuple aztèque malgré ses nombreuses désobéissances. L’eau et la pluie reviennent, mais, prophétise-t-elle, « le Grand Guerrier sera défait et humilié », une allusion sans doute à l’arrivée dévastatrice des Conquistadors. Sur son chemin de retour, Ollin constate que sa famille a disparu et que son village est dévasté. Afin d’éviter que le contenu de son voyage soit révélé publiquement, Ollin est capturé et exécuté sur ordre royal de Tlacaelel : ainsi, l’annonce de la fin du monde aztèque disparaît des registres officiels.
Tourné dans les parages d’Hidalgo et de Ciudad de México, parlé náhuatl (l’ancienne langue du Mexique) et accompagné musicalement par des instruments précolombiens, le film tente de décrire un monde où mythe et magie se confondent avec la réalité, sans pour autant enjoliver le passé : la société mésoaméricaine connaissait et pratiquait, elle-aussi, l’oppression d’autres peuples et s’affairait selon les cas à manipuler l’Histoire, comme le feront plus tard les missionnaires catholiques en brûlant les manuscrits des vaincus. Le cinéaste (un documentariste dont c’est le premier long métrage) souhaite faire partager ces images d’une civilisation disparue en développant une esthétique à mi-chemin entre le théâtre, la reconstitution d’archives et la fiction. Il réinvente une culture disparue en s’écartant complètement des styles narratifs et cinématographiques utilisés par Hollywood comme par le cinéma commercial local, une suite d’images où s’enchaînent action dramatique et peintures aztèques relatant les deux récits. Retorno a Aztlán procède ainsi d’un double objet : un film sur l’Histoire et un film sur la manière de représenter les faits historiques. Quoiqu’étant assez difficile à suivre pour le grand public, il reste à l’affiche pendant plus de six semaines à México, fierté identitaire oblige, et aurait influencé Mel Gibson pour son Apocalypto (cf. infra, 2006) ; le cinéaste entamera vainement contre Gibson une action en justice pour « plagiat » de certaines scènes, ce qui est abusif : Gibson aurait surtout décidé de ne pas faire parler ses acteurs en anglais ! Prix du Jury au Festival de Trieste 1992, présenté aux festivals de Berlin, de Toronto et de Biarritz Amérique Latine (1991).
Le transport des moaïs dans « Rapa-Nui » (1994) de Kevin Reynolds.
1993/94* Rapa Nui (US) de Kevin Reynolds
Kevin Costner, Jim Wilson, Guy East, Barrie M. Osborne/Majestic Films International-Tig Productions-Newcomm-RCS, 107 min. – av. Jason Scott Lee (Noroinia), Esai Morales (Make), Sandrine Holt (Ramana), George Henare (Tupa), Gordon Hatfield (Riro), Eru Potaka-Dewes (Ariki-mau), Lawrence Makoare (Atta), Frenxa Reuben (Heke), Rawiri Paratene et Pete Smith (les prêtres).
Au XVIe siècle sur l’île de Pâques, dite Rapa Nui Grande Rapa ») ou Te Pito Te Henua le nombril du monde »), la population maorie des Pascuans est divisée en deux castes antagonistes : d’un côté les Longues Oreilles dirigés par le vieux seigneur Ariki-mau, qui détiennent le pouvoir, et de l’autre les Courtes Oreilles qui détiennent le secret de la fabrication des moaï, ces statues géantes destinées à honorer la mémoire des ancêtres. Poussé par son grand-prêtre, le cruel Tupa, Ariki-mau exige des moaï toujours plus hauts. Or son petit-fils Noroinia, désigné pour participer à la course de l’Homme-Oiseau, veut épouser Ramana, de la tribu des Courtes Oreilles. Le tabou de cette mésalliance ne peut être transgressé que si la jeune femme est purifiée par un séjour de six mois dans une grotte obscure. En attendant, Noroinia s’entraîne sous la houlette de son futur beau-père Haoa. Responsable de la sculpture du nouveau moaï, Make est le champion des Courtes Oreilles à la course ; également amoureux de Ramana, il exige de pouvoir épouser celle-ci s’il gagne, le vainqueur obtenant le droit de régner sur l’île pendant une année. La course consiste à s’emparer sur un îlot voisin du premier œuf d’hirondelle de mer et, bravant les embûches des adversaires, de le ramener intact au sommet de la falaise. Mako glisse, casse l’œuf, Noroina l’emporte. Ariki-mau étant décédé, le grand-prêtre Tupa s’empare du pouvoir et provoque une révolte sur toute l’île, bain de sang qui lui coûte la vie. Les Longues Oreilles sont massacrés, mais Make épargne son rival et lui permet de s’enfuir vers une autre île avec sa femme et leur petite fille.
Abordée pour la première fois par des Européens le jour de Pâques 1722, l’île de Pâques – située à 3800 km des côtes chiliennes - a d’emblée intrigué les visiteurs par ses immenses statues de divinités trouvées renversées au sol mais non détruites, conséquence probable d’un changement religieux plus que d’une guerre civile. L’île était désertifiée, ses habitants mouraient de faim. Des spéculations abondent à ce sujet et il est question de conflits intenses, de famines et de tragédie écologique (forêts disparues). Dans les années cinquante, l’anthropologue norvégien Thor Heyerdahl, constructeur du « Kon Tiki », affirma que les Longues Oreilles étaient originaires des Andes tandis que les Courtes Oreilles venaient de Polynésie, une théorie depuis lors réfutée. En 1770, l’île fut annexée par le vice-roi du Pérou pour le compte de la Couronne d’Espagne. Réalisé par le Texan Kevin Reynolds et produit par l’acteur-réalisateur Kevin Costner (son compère de Robin Hood, Prince of Thieves en 1991) pour Tig Productions, Rapa Nui est tourné de mars à juin 1993 sur place à Orongo, au cratère de Rano Rau, à Poike Ditch et dans la carrière de Rano Raraku avec des moaïs en résine, quelques acteurs maoris tatoués et une importante figuration pascuane, puis aux studios de Killalea à Shellharbour (Australie). Plein de bonnes intentions, Costner espère retrouver l’esprit de Dance with Wolves, sa plongée oscarisée chez les Sioux (1990). Le script de Reynolds s’inspire des travaux du géographe Jared Diamond sur l’effondrement de la civilisation de l’île (auteur de Collapse : How Societies Choose to Fall or Survive, paru en 2005) ; il dramatise toutefois excessivement la traditionnelle course à la nage – exécutée en réalité à l’aide d’une gerbe de roseaux - depuis la falaise d’Orongo jusqu’à l’îlot de Motu Nui, course non-violente, à haute teneur symbolique, dont l’issue était tout sauf dramatique et ne changeait en rien l’ordre social préexistant. Célébrant l’Homme-Oiseau, cette course fut d’ailleurs instituée longtemps après l’abandon des moaï... Certes, les clichés sont au rendez-vous et le ridicule guette, mais la matière, jamais traitée auparavant, est pour le moins originale, l’ensemble ne comporte (selon les spécialistes) aucune faute grave tant historique qu’archéologique et la fabrication puis le transport des statues de pierre ne manque visuellement pas d’allure. Cependant, la presse (qui n’y connaît rien) ricane, le public est largement indifférent à ces querelles de « sauvages » et les rentrées sont catastrophiques : la production a investi 20 millions de $, les recettes mondiales atteignent à peine 305'000 $. – DE : Rapa Nui – Rebellion im Paradies.
2005(tv-df) La reina roja. Un misterio maya (MX) de Carlos Carrera
Bettina Hatami, Daniel Birman Ripstein, Alfredo Ripstein jr./Alameda Films-Ollin Studio VFX-Prado Sur-Discovery Latin America/Iberia (Discovery Channel 4.12.05), 92 min. – av. Mayra Serbulo, Gerardo Taracena, José Carlos Islas, Huitzillin Martínez, Carlos Guadarrame, Victor Manuel Montes, María del Rosario Rodríguez López. - Docu-fiction avec reconstitutions et comédiens muets : la découverte en 1994 de la tombe de la Reine Rouge, souveraine prestigieuse de Palenque (Chiapas) ou Lakam Ha au VIIe siècle, une cité maya qui ne comptait pas moins de 1500 édifices. La Reine Rouge est enterrée dans un complexe près du Temple des Inscriptions oú fut retrouvée aussi la tombe du roi Pakal le Grand. Son corps était enveloppé de cinabre, un lourd minéral rouge composé de mercure, d’oú son nom.
La terrifiante cérémonie des sacrifices humains dans « Apocalypto » (2006).
2006** Apocalypto (US) de Mel Gibson
Mel Gibson, Bruce Davey, Sergio Miranda, Farhad Safinia, Ned Dowd, Vicki Christianson, Judi Bell/Icon Entertainment International-Icon Productions-Touchstone Pictures-Mayan Ruins, 138 min. – av. Rudy Youngblood (Jaguar Paw/Patte de Jaguar), Dalia Hernández (Seven/Sept), Raoul Max Trujillo (Zero Wolf/Zéro Loup), Jonathan Brewer (Blunted/Émoussé), Morris Birdyellowhead (Flint Sky/Ciel de Silex), Carlos Emilio Baez (Turtles Run/Course de Tortues), Ramirez Amilcar (Curl Nose/Nez Courbé), Israel Contreras (Smoke Frog/Crapaud Fumant), Israel Rios (Cocoa Leaf/Feuille de Cacao), Fernando Hernandez (le Grand Prêtre), Ricardo Diaz Mendoza (Cut Rock/Roc Percé), Gerardo Taracena (Middle Eye), Abel Woolrich (Laughing Man), Hiram Soto (Fish Hunter), Rodolfo Palacios (Snake Ink), Ariel Galván (Hanging Moss).
Au début du XVIe siècle (vers 1511) dans la jungle mésoaméricaine. Alors que le chef de tribu maya Jaguar Paw, Blunted et leurs compagnons chassent le tapir, ils aperçoivent une population en fuite. La nuit, ils sont attaqués par des guerriers Holcans que commande Zero Wolf. Le combat est perdu d’avance, Jaguar Paw n’a que le temps de cacher Seven, sa femme enceinte, et leur garçonnet, Turtels Run, dans un puits à sec. Jaguar Paw est fait prisonnier avec d’autres rescapés du massacre après avoir provoqué involontairement l’exécution de son père, le chef Flint Sky. Les victimes de la razzia traversent ligotés des villages anéantis par une épidémie et la famine. Dans la cité maya parsemée de temples imposants, les femmes sont vendues comme esclaves tandis que les hommes, leurs corps peints en bleu, vont être immolés pour apaiser la colère du dieu-soleil Kukulkan qui aurait répandu la maladie et anéanti les récoltes. En passant, ils aperçoivent une carrière où des travailleurs forcés, talqués de poudre blanche, crachent leurs poumons, puis des charniers où pourrissent des têtes humaines. Au pied de la grande pyramide à degrés, une foule frénétique, hurlante, aux parures damasquinées, assiste aux sacrifices sanglants auxquels procède le grand prêtre au sommet de l’édifice. Un malheureux a le temps de contempler avec stupeur son propre cœur encore palpitant qu’un prêtre vient d’arracher rituellement de sa poitrine. Jaguar Paw est sauvé de justesse par une éclipse de soleil, signe que le dieu est apaisé. Les prisonniers peuvent recouvrer leur liberté, pour autant qu’ils échappent au jeu vicieux qu’ont manigancé le cruel Zero Wolf et ses sbires Holcans en leur faisant parcourir une étendue à découvert sous le feu de leurs projectiles. Cible vivante, Blunted périt tandis que Jaguar Paw s’échappe après avoir tué Cut Rock, le fils de Zero Wolf. Poursuivi par les tortionnaires en fureur de ce dernier, il court à perdre haleine dans la jungle pour les semer, puis, enfin arrivé sur son territoire, il les élimine un à un, comme le ferait son totem animal. Le puits où sont cachés Seven, son garçon et son nouveau-né est inondé par un orage torrentiel, mais Jaguar Paw les sauve à temps. Sur la plage voisine, des hommes pâles en cuirasses brillantes, brandissant des crucifix comme des lances, débarquent d’une flotille de caravelles. Salut ou nouveaux prédateurs ? Jaguar Paw se retire prudemment dans la forêt avec sa famille...
Le patibulaire Zero Wolf n’aime pas la contradiction (Apocalyptico de Mel Gibson).
 L’acteur-réalisateur controversé Mel Gibson (star de la série australienne des Mad Max, Braveheart en Écosse) est à l’origine de ce mégaprojet traumatisant à plus d’un titre. D’origine irlandaise, l’homme est connu pour son catholicisme proche de l’intégrisme et ses prises de position ultraconservatrices, mais aussi en raison de son goût malsain pour une violence souvent complaisante. Ce péché - fort peu mignon -, il vient de l’appliquer à The Passion of the Christ (2004), récit détaillé de l’agonie de Jésus, une véritable boucherie de Pâques aux relents antisémites, parlé araméen et récompensé par un succès planétaire : la Bonne Parole du tiroir-caisse. Gibson veut à présent illustrer l’effondrement brutal de la civilisation maya, une « apocalypse » due selon lui au bellicisme, à l’autodestruction, à une religion déviée et au non-respect de l’écologie qui aurait entraîné la ruine du royaume. Son scénario (co-écrit avec Farhad Safinia) s’inspire principalement des descriptions des missionnaires espagnols et du Popol Vuh (Livre du Conseil), l’unique texte mythologique maya ayant survécu, rédigé en quiché à l’époque coloniale. Apocalypto raconte une lutte cauchemardesque pour la survie, dans un univers impitoyablement sanguinaire : les mayas chassent l’esclave avec une rare sauvagerie, sans la moindre pitié, comme les compagnons de Jaguar Paw qui chasse le tapir au début du film (l’animal étant dévoré encore vivant) ou le jaguar noir, le félin le plus craint et le plus respecté de l’univers méso-américain, qui se jette sur sa proie. Néanmoins, les chasseurs-cueilleurs de la forêt, chauds lapins quoique monogames, vivent en paix, eux, et en parfaite symbiose avec leur environnement. Malgré son primitivisme, le film ne se veut pas atemporel : les dérèglements environnementaux et la détérioration des valeurs qui ont condamné les Mayas, affirme Gibson, entretiennent d’étonnantes similitudes avec ce qui se passe aujourd’hui. Placée en exergue, la citation métaphorique de l’historien Will Durant donne le ton : « Il n’est pas de grande civilisation conquise de l’extérieur qui n’ait d’abord pourri de l’intérieur. » La culture de la peur exercée par les dirigeants mayas, accuse-t-il, rappelle la politique interne de George W. Bush, Donald Rumsfeld et leurs acolytes contre lesquels l’ex-républicain Gibson s’est dressé dès l’invasion de l’Irak. L’actuelle politique de la Maison Blanche et sa mystique de la guerre sainte après le 11 septembre l’aurait inspiré pour montrer comment un gouvernement corrompu par l'argent et assoiffé de pouvoir peut utiliser l’insécurité et les peurs de la Nation pour rester aux commandes. « Qu’est-ce d’autre que des sacrifices humains quand on envoie nos garçons en Irak pour rien ? » a-t-il demandé au Festival d’Austin, Texas, lors de la sortie du film (Le Monde, 10.1.07). Difficile à contredire.
 La réalisation d’Apocalypto s’étire sur huit mois. Un tournage aussi exténuant que son contenu, de fin novembre 2005 à juillet 2006, en langue yucatèque sous-titrée, avec des comédiens amateurs du cru (d’origine maya). Secondé par le chef-opérateur Dean Semler (Oscar pour Dance with the Wolves) et le décorateur Tom Sanders (Dracula de Coppola), Gibson filme presque tout au Mexique, à Las Tuxtlas, Catemaco et aux chutes d’Eyipantla (État de Veracruz), à San Andres Chicahuaxtla, à Sierra Madre del Sur vers Oaxaca ainsi qu’à Sierra Madre de Chiapas à la frontière mexicano-gualtematèque ; seule la scène finale est enregistrée en Grande-Bretagne, à Polgaver Beach en Cornouailles (Carylon Bay, Saint Austell). L’archéologue mayaniste Richard Hansen (Université d’Idaho) a veillé sur l’authenticité de l’ensemble. Pour la population des forêts de Veracruz, les retombées économiques de ce long tournage sont considérables (en outre, Gibson donne un million de dollars pour aider les victimes de l’ouragan Stan). Néanmoins, on s’en doute, le film est attaqué par les politiciens amérindiens du Yucatan, du Salvador, du Guatemala (notamment par Rigoberta Menchu, Prix Nobel de la paix en 1992) qui traitent la production de « raciste » et d’« humiliante », critiquent la débauche de tripaille et de sang qui ignore trois millénaires de réalisations scientifiques et de spiritualité (grands astronomes, les mayas connaissaient bien les éclipses de soleil, bonjour Tintin !). Cette « diabolisation de la culture indigène » avec ses emprunts à l’imagerie de l’holocauste nazi suggéreraient que seule la venue des Espagnols fut salvatrice, disent-ils. Enfin, pour les historiens, rien ne prouve que les Mayas se livraient à des sacrifices humains de masse et l’apparition de ces rituels barbares sous une forme ou une autre reste très controversée ; ceux qui l’admettent précisent que les victimes en étaient les rois, les membres des familles royales et autres nobles de haut rang, mais jamais des gens ordinaires : bref, une « offrande humaine » de qualité. Enfin, les sources écrites provenant en priorité du clergé espagnol du XVIe siècle (Bernardino de Sahagún, Diego Durán), l’évocation de ces immolations en série aurait surtout servi à justifier moralement l’intervention catholique. Cela dit, Apocalypto fait sensation : budgété à 40 millions de $, il en rapporte plus de 120. La critique internationale est très partagée, à l’image sans doute du réalisateur, de ses tourments (parfois alcoolisés) et de ses héros forcés de souffrir pour trouver leur rédemption dans un bain d’hémoglobine. Mais force est d’admettre qu’il s’agit d’un film d’action trépidant, d’un thriller haletant, puissant, d’une fresque épique révélant un sens de la narration peu courant. C’est une chasse à l’homme brillamment filmée, saluée avec admiration, malgré ses outrances cauchemardesques dans le réalisme, par de prestigieux confrères réalisateurs comme Martin Scorcese, Quentin Tarantino ou Spike Lee. Bref, âmes sensibles s’abstenir.
2020(tv-df) Söhne der Sonne – 1. Die Maya – 2. Die Inka – 3. Die Azteken (Enfants du Soleil – Les Mayas – 2. Les Incas – 3. Les Aztèques) (DE) télésérie d’Anja Reis (1,3 doc.), Carsten Obländer (1,3, fict.) et Gabriele Wengler (3)
Carsten Obländer (1,3), Jasmin Gravenhorst (2)/StoryHouse (1,3)-DocStation (2)-ZDF-Arte (Arte 27.6.20), 2h36 / 3 x 52 min. - Docu-fiction avec reconstitutions et comédiens anonymes : croyances, édifices et vie quotidienne de trois civilisations disparues. Dans la troisième partie figure l’attaque des Aztèques par Hernan Cortez en 1521.