IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

4. PHILIPPE II, PRINCE DE LA CONTRE-RÉFORME

4.5. Miguel de Cervantès et son « Don Quichotte »

La vie du romancier, poète et dramaturge Miguel de Cervantès y Saavédra (1547-1616) est faite de turbulences et d’inconnues. On ignore le lieu (peut-être Alcalá de Henares ?) et le jour de sa naissance, et sa sépulture à Madrid n’a jamais été retrouvée. Ses ascendants sont probablement des juifs convertis au catholicisme et il est le troisième d’une fratrie de cinq. Son père Rodrigo de Cervantès, un chirurgien manqué, fut un temps emprisonné pour dettes à Valladolid. Il n’existe pas non plus de données précises quant à ses études et sa formation (jésuites, université ?) ; installé en 1566 à Madrid, il prend goût au théâtre et à la littérature ; en 1569 paraissent ses premiers poèmes. On le retrouve à Rome (fugue après un duel ?) cette même année où il s’instruit du style et des arts italiens, mais cherche d’abord à faire carrière dans les armes. Intellectuel assoiffé d’action, il s’engage dans une compagnie d’infanterie active dans toute la péninsule, de Parme à Venise, Naples et Messine (1570 à 1574), puis entre comme valet-courtisan-secrétaire (camerier) au service du cardinal Giulio Acquaviva. En 1571, il participe à la grande bataille navale de Lépante contre les Turcs, une victoire militaire où il combat dans l’infanterie à bord d’une galéasse et, sur un coup d’arquebuse, perd l’usage de sa main gauche (d’où le surnom de « manchot de Lépante »). Par la suite, il prend part aux expéditions navales de Navarin, Corfou, Bizerte et Tunis. En 1574, alors qu’il retourne en Espagne, il est capturé par les pirates barbaresques avec son frère Rodrigo et reste prisonnier dans le bagne d’Alger pendant cinq ans ; il essaie vainement de s’échapper à quatre reprises, mais une fois sa rançon payée (par sa famille ?), il est libéré et regagne Madrid en 1580. Il a une aventure avec l’actrice Ana de Villafranca/Rojas qui lui donne une fille naturelle, Isabel de Saavedra, puis se marie en 1584 avec Catalina de Salazar y Palacios (dont il ne parlera jamais) ; sa première œuvre littéraire de qualité, le roman pastoral La Galatea, sort l’année suivante. Il côtoie alors Lope de Vega, plus jeune d’une quinzaine d’années, un ami qui deviendra son rival, puis son ennemi. Séparé de sa femme (?), devant subvenir aux besoins de sa mère, de deux sœurs et de sa fille, il survit comme administrateur et comptable-malgré-lui, généreux mais peu pratique, une carrière jalonnée d’humiliations et d’échecs. Il voyage ainsi à travers l’Andalousie, la Castille et la Manche, séjourne longuement à Séville. En 1587, il reçoit la charge de commissaire aux vivres pour le compte de l’Armada. En 1589, l’écrivain-commis est accusé d’exactions, arrêté et excommunié (il aurait détourné des biens de l’Église) ; trois ans plus tard, à présent commissaire aux vivres, il est incarcéré à tort à Castro del Rio pour vente illicite de blé. On le retrouve à Madrid, affecté au recensement des impôts dans la région de Grenade, et c’est vers cette époque, installé à Valladolid, qu’il commence à rédiger ce qui deviendra son chef-d’œuvre, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha), dont la première partie est publiée en 1604, un succès immédiat suivi de quinze rééditions. Traduit dans plus de 140 langues et dialectes, le roman donne à Cervantès un statut dans l’histoire de la littérature universelle, aux côtés de Dante, Shakespeare, Rabelais et Goethe. Les Nouvelles exemplaires (Novelas ejemplares) sortent en 1613. La majorité de ses pièces, peu appréciées à leur sortie, sont perdues. Tandis qu’il travaille assidûment à la deuxième partie de son best-seller, un mystérieux confrère dont l’identité n’a jamais été découverte signe un Second Tome de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte sous le pseudonyme d’Alonso Fernández de Avellaneda. Pour prouver qu’il s’agit du plagiat d’un faussaire et qu’il est le seul auteur de la saga, Cervantès est condamné à achever son œuvre (où il fait périr son héros) à marche forcée en 1615. À bout de forces, il décède une année plus tard à Madrid, probablement du diabète, pauvre, oublié de tous, tertiaire de l’Ordre de saint François et probablement enterré dans le couvent de cet ordre – ou, pire, mis en fosse commune.
1939/40El huésped del Sevillano [L’Hôte du Sevillano] (ES) de Enrique del Campo
Enrique del Campo Blanco/Arte Films (Madrid), 99 min. – av. Marta Ruel (Doña Raquel Munestein), Luis Sagi-Vela (le peintre Juan Luis de Avendaño), Julio Castro (Rodrigo, son valet), Charito Leonís (Constancia, serveuse du Sevillano), Manuel Kayer (l’hôte, Miguel de Cervantes y Saavedra), Joaquìn Bergia (le comte Don Diego de Peñalba), Delfín Jerez (Andrés Munestein), Carlos Alvarez Segura (le corregidor de Tolède).
Sur son lit de mort, Don Iván de Avendaño remet à son fils Juan Luis l’épée dont il se servit à la bataille de Lépante en lui recommandant d’en faire bon usage. Juan Luis est peintre à la Cour et, en route pour Tolède afin de s’installer dans la maison paternelle, il croise le carrosse de la belle Doña Raquel Munestein, fille d’Andrés, un juif converti (converso) devenu un maître d’escrime réputé. Il voit en elle le parfait modèle pour son tableau commandité par le roi. Voyant Doña Raquel harcelée par le lubrique comte Diego de Peñalba, Juan Luis intervient et la ramène chez son père. L’auberge tolédane appellée « Mesón del Sevillano » héberge un hôte de marque, Miguel de Cervantès, constamment plongé dans ses écrits tout en observant la vie quotidienne autour de lui. La nuit venue, le perfide comte, ayant suborné la duègne, s’introduit avec des spadassins dans la maison des Munestein pour enlever Doña Raquel tandis que Juan Luis roucoule des chansons d’amour sous la fenêtre de sa dulcinée. En attendant de pouvoir quitter la ville, les malfrats cachent leur victime dans l’auberge des Sévillans où Juan Luis, averti par la sommelière Constancia et déguisé en religieux, les attend à la pointe de son épée ; il livre les malfrats à la Justice et obtient l’autorisation paternelle pour épouser sa fille. Cervantès, témoin discret mais omniprésent de tous ces événements et ayant d’abord pris la sommelière pour une noble dame en cavale, se dépêche de les immortaliser sur papier. Ainsi naît sa célèbre nouvelle La ilustre Fregona/L’illustre servante, publiée en 1613 (filmée en 1928 par Armando Pou, à la TVE en 1973 par Luis Enciso et en 1978 par Gabriel Ibáñez). - Un des premiers films de fiction produits au lendemain de la guerre civile, inspiré par une « zarzuela » (théâtre lyrique avec chants) très populaire de Juan Ignacio Luca de Tena et Enrique Reoyo, sur une musique de Jacinto Guerrero (1926). Tournage de septembre à décembre 1939 aux studios C.E.A. à Madrid.
1948 [sortie: 1953]® El curioso impertinente (ES) de Flavio Calzavara. – av. Manuel Kayser (Miguel de Cervantès).

1959® (tv) I, Don Quixote (US) de Karl Jenus. – av. Lee J. Cobb (Miguel de Cervantès).
1962® (tv) Sir Francis Drake – 24. Gentlemen of Spain (GB) de John Lemont. – av. Nigel Davenport (Miguel de Cervantès).
1965® (tv) Don Quichotte (ES/FR/DE) de Carlo Rim. – av. Wolfgang Kieling (Miguel de Cervantès).
1967Cervantes / Les Aventures extraordinaires de Cervantès / Le avventure e gli amori di Miguel Cervantes / US : The Young Rebel (ES/FR/IT) de Vincent Sherman [et Isidoro Martínez Ferry]
Alexander et Michael Salkind, Henry T. Weinstein, Pier Luigi Torri, Sergio Otzoup/Prisma de Cinematografía (Madrid)-Protor Film S.r.l. (Roma)-Procinex (Paris), 128 min. - av. Horst Buchholz (Miguel de Cervantés y Saavedra), Gina Lollobrigida (la courtisane Giulia), José Ferrer (Hassan Bey), Louis Jourdan (le cardinal Giulio Aquaviva), Fernando Rey (Philippe II), Angel del Pozo (Don Juan d’Autriche), Soledad Miranda (l’esclave Nessa), Francisco Rabal (Rodrigo de Cervantès, frère de Miguel), Antonio Casas (Favio), Ricardo Palacios (Sancho), André Mejuto (le chirurgien Rodrigo de Cervantès, père de l’écrivain), George Rigaud (le comte de Luca), José Nieto (le ministre du roi), Fernando Hilbeck (Carlos), Mariano Vidal Molina (cpt. Diego de Urbina), Maurice de Canonge (le nonce du pape), Jose Jaspe (le Dali Mami), José Marco (Paolo, chef des esclaves).
Synopsis: Bien que roturier, le jeune Miguel de Cervantès décroche l’emploi de secrétaire du cardinal Giulio Acquaviva, envoyé du pape Pie V à Madrid où il a pour mission de gagner l’Espagne à l’Alliance de la Sainte-Ligue réunissant Venise, Gênes, Malte, la Savoie et le Vatican et visant à combattre les Ottomans dans la Méditerranée, qui viennent d’envahir Chypre. Philippe II ayant accepté de rallier la coalition catholique, le cardinal emmène Cervantès à Rome (1570) où celui-ci est chargé de distraire l’émissaire du sultan, Hassan Bey, venu pour négocier la paix alors que le pape est secrètement affairé aux préparatifs de la campagne militaire. En visitant la Ville Éternelle avec son hôte turc, ce dernier est pris à partie par de jeunes romains en sortant d’une église et Cervantès prend sa défense, épée à la main. Il est sauvé par les domestiques de Giulia, une beauté romaine rencontrée furtivement à Madrid mais dont il ignore la profession de courtisane. Giulia soigne le blessé chez elle et le console de la duplicité des négociateurs autour du Saint Père. Mais leur bonheur à deux est anéanti lorsque le pape promulgue un décret bannissant de Rome toutes les dames galantes, Giulia comprise. Hassan Bey quitte Rome désillusionné, c’est la guerre. Cherchant à oublier ses peines de cœur et la sournoiserie d’Acquaviva, il décide de se battre et embarque à Messine comme soldat d’infanterie sur la galéasse « Marquesa » que commande Diego de Urbina. Au cours d’une tempête, il a les deux côtes brisées. Le 7 octobre 1571 à Lépante (golfe de Patras en Grèce), la flotte de l’Alliance menée par Don Juan d’Autriche l’emporte sur celle du sultan Sélim II qui perd 200 vaisseaux et plus de 20'000 hommes. C’est une victoire décisive. Cervantès se couvre de gloire dans les combats sur le pont mais y perd l’usage de sa main gauche ; il est évacué dans un hôpital de Messine où il revoit brièvement Giulia. Lors de son retour de Naples en Espagne, son navire est intercepté par des corsaires barbaresques algériens au large des côtes catalanes. Tout l’équipage et les passagers sont réduits en esclavage avec des centaines d’autres dans les geôles d’Alger. Cervantès, porteur de lettres de Don Juan d’Autriche, est considéré comme un otage de marque (« esclave de rachat ») pour qui la Cour d’Espagne paiera une forte rançon ; il a droit à une cellule à part. Il refuse d’écrire à Madrid et est torturé, mais Hassan Bey intervient en sa faveur et, aidé par Nessa, une jeune esclave, il peut jouir d’une certaine liberté. Il retrouve ainsi parmi les esclaves son frère Rodrigo avec lequel il planifie le soulèvement général des milliers de prisonniers et otages chrétiens au début du Ramadan et leur fuite à bord de navires volés. Mais ils sont trahis par un chrétien renégat, le plan échoue, Hassan Bey ayant fait distribuer du vin en abondance aux captifs. Nessa périt au cours des combats, Cervantès est condamné à mort. Le bourreau lève sa hache quand un courrier de Madrid arrive avec la rançon, et les deux frères peuvent regagner l’Espagne ... où le serviteur des armes va enfin devenir celui des lettres.
La bataille navale de Lépante évoquée dans « Cervantes » de Vincent Sherman (1967).
 Inutile de revenir sur les nombreuses simplifications et inventions du scénario, inévitables déjà en raison des inconnues de la biographie de Cervantès et du cumul décourageant de péripéties meublant ses premières années. Le film se veut officiellement une adaptation du roman Cervantes ou Ein Mann namens Cervantes (1934) de l’écrivain antifasciste allemand Bruno Frank, un ami de Thomas Mann décédé en exil à Beverly Hills ; l’ouvrage décrit effectivement l’odyssée du futur auteur de Don Quichotte qui cherche encore sa voie, son idéalisme, ses désillusions, tout en rappelant sans ambages le délire raciste de l’Espagne du « Siècle d’or » dans lequel il vécut (Cervantès était descendant de juifs convertis). Le film a une préhistoire complexe. Pour clore sa longue et prestigieuse carrière de réalisateur, King Vidor envisage dès 1964/65 de tourner d’abord en Espagne un *Don Quichotte, projet abandonné en faveur d’une fresque historique provisoirement intitulée A Man Called Cervantes et inspirée du livre de Frank. Vidor trouve un producteur (le Russe Alexander Salkind), élabore un premier scénario, choisit des extérieurs et propose quelques acteurs, dont peut-être Gina Lollobrigida (qui avait déjà travaillé pour lui sur Salomon et la reine de Saba en 1959). Suite à des différends avec le clan passablement maquignon des Salkind, il se retire et est remplacé par Vincent Sherman, cinéaste caméléon qui a dirigé jadis les plus grandes stars d’Hollywood, notamment Humphrey Bogart, Bette Davis, Joan Crawford et Errol Flynn (dans l’excellent The Adventures of Don Juan, cf. chap. 4.4), mais blacklisté entre 1952 et 1957. Sherman cherche en vain à engager Alain Delon (trop cher) et Ava Gardner (trop hésitante). L’Allemand Horst Buchholz, révélé aux USA grâce à The Magnificent Seven de John Sturges et One, Two, Three de Billy Wilder, obtient finalement le rôle-titre. Fernando Rey joue pour la troisième fois Philippe II. À la photo, le chef-opérateur français Edmond Richard qui a travaillé pour Orson Welles (Le Procès, Falstaff). Le tournage en Totalscope et Eastmancolor a lieu en Espagne d’août 1966 à mars 1967 ; les scènes maritimes et algériennes sont enregistrées à Dénia près d’Alicante, avec la frégate « Marcel B. Surdo » maquillée en galère. Outre les studios de la Sevilla Films à Madrid, on filme à Alcalá de Henares, Cartagène (bataille de Lépante), Dénia, Grenade, en Castille-La Manche, Mar Menor (Murcie), Mojácar (Almería), Ségovie et Tolède, enfin à Rome. Puis l’argent vient à manquer, et les mirifiques quatre semaines de tournage pour l’affrontement naval à Lépante promises à Sherman par les Salkind se réduisent à trois jours ! La production massacre le montage, éliminant des séquences cruciales pour la psychologie du futur romancier au profit de scènes d’action sans intérêt, rendant certains déplacements géographiques incompréhensibles. Dans une crise de jalousie, Gina Lollobrigida fait pour sa part éliminer la majorité des scènes avec la star espagnole Soledad Miranda (l’esclave Nessa). Sherman demande en vain que son nom soit retiré du générique. C’est son dernier film, un crève-cœur, distribué comme une série B en salles aux USA sous le titre idiot de The Young Rebel. Néanmoins, le film, par ailleurs d’une facture fort honnête, a au moins le mérite d’exister, car c’est le premier à aborder un pan de vie du grand écrivain, homme d’épée et de plume, et à ce jour le seul à reconstituer à l’écran, ne fût-ce qu’imparfaitement, une bataille navale qui changea le cours de l’histoire européenne et valut à Cervantès le surnom de « manchot de Lépante », appellation dont il était fier. - IT : Le avventure e gli amori di Miguel Cervantes, GB : Cervantes, DE : Cervantes – Der Abenteuer des Königs / Cervantes - Zwischen Bett und Galgen.
1967(tv) Nace un hidalgo (ES) de Pedro Amalio López
Série « Novela », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 4.-8.12.67), 5 x 30 min. – av. Javier Loyola (Miguel de Cervantès), Victoria Rodríguez (Catalina de Salazar y Palacios, son épouse), Pedro Sempson (le juge). Ricardo Merino (Don Quichotte), José Sepúlveda (Sancho Panza). - Les personnages des écrits de Cervantès surgissent sur le plateau de télévision et racontent la vie de l’auteur et comment il les a inventés.
1969(tv+ciné) El huésped del Sevillano (ES) de Juan de Orduña
Série « Teatro Lírico Español », Miguel Angel M. Proharan/Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 20.3.69 / cinéma: 9.11.70), 86 min. – av. Manuel Gil [chant : Carlo del Monte] (le peintre Juan Luis de Avendaño), María Silva [chant : Dolores Pérez Cayuela] (Doña Raquel Munestein), María José Alfonso [chant : Rosa Sarmiento] (Constancia, la sommelière), Antonio Durán [chant : Enrique del Portal] (Rodrigo), Rubén Rojo [chant : Luis Frutos] (le comte Don Diego de Peñalva),Luis Frutos (Rubén Rojo), Julio Goróstegui (le corregidor de Tolède), Angel Picazo (Miguel de Cervantès y Saavedra), José Orjas (maître Andrés Munestein), José Franco (l’aubergiste).
La zarzuela de Juan Ignacio Luca de Tena et Enrique Reoyo (1926), une production de prestige filmée en Eastmancolor dans les studios Ballesteros par le vétéran du cinéma franquiste. Un long métrage aussi sorti en salle une année plus tard. Cf. film de 1940. - DE (tv) : Der Gast des Sevillaners.
1970(tv) Cervantès ou le prisonnier d'Alger (FR) de Pierre Gascar
ORTF (2e Ch. 30.6.70), 65 min. - av. Gérard Desartre (Miguel de Cervantès), François Timmerman, Jean-François Prévand, Jacques Monod, Gérard Darrieu, Gérald Denizot, Jean Le Mouel, Albert Médina, Jean-Pierre Moutier. - En 1573, Cervantès est capturé par les Turcs. Après deux lamentables tentatives d’évasion, il se consacre, en attendant son rachat, à l’écriture, encouragé en cela par le pacha d’Alger.
1971® Ensayo general para un siglo de oro (ES) de Manuel Aguado. – av. Gabriel Llopart (Miguel de Cervantès).
1971® Man of La Mancha (US) d’Arthur Hiller. - av. Peter O’Toole (Miguel de Cervantès).
1973® Don Quixote cabalga de nuevo (MX/ES) de Roberto Gavaldón. - av. Javier Escrivá (Miguel de Cervantès).
1980® (tv) L’ingénieux Don Quichotte (CA) de Pierre-Jean Cuillernier. – av. Normand Chouinard (Miguel de Cervantes).
1981(tv) Cervantes / La vida de Cervantes (ES) télésérie d’Alfonso Ungría
Faustino Ocaña/Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 20.4.-15.6.81), 9 x 55 min. – av. Julián Mateos (Miguel de Cervantès y Saavedra), Marisa Paredes (Ana Franca), Carlos Lucena (l’Inquisiteur), Chema Muñoz (le lettré), Ana Marzoa (Catalina de Salazar y Palacios), Julieta Serrano (Andrea de Cervantès), Emilio Siegrist / Ricardo Lucía (Félix Lope de Vega), Miguel Ayones (Don Juan d’Autriche), Francisco Rabal (l’écrivain Mateo Alemán y de Enero), Francisco Algora (Ginés), Enric Arredondo (Vicente Gómez Martínez Espinel), Francisco Vidal (Torralba), Jack Taylor (Pedro de Isuza), José Pedro Carrión (Rodrigo de Cervantes), Francisco Sanz (Don Rodrigo de Cervantes), Antonio Casas (Don Antonio de Sosa), Josep María Pou (Mateo Vázquez), Imanol Arias (le cardinal Giulio Aquaviva), Yelena Samarina (Juana), Francisco Casares (Guzmán), Yolanda Ríos (Magdalena de Cervantès), Agustín González (le poète Luis de Góngora y Argote), Gérard Tichy (Hassan Bahad, bey d’Alger), Walter Vidarte (Ali Pacha), Manuel Alexandre (le cardinal Gaspar Cervantès), José María Caffarel (Primado de Toledo), José Caride (Don Luis Márquez de Torres), María Elena Flores (Alborotadora), Mario Gas (Heredia), William Layton (Juan de la Cuesta), Isabel Mestres (Silena), Carmen Maura (Constanza), Manuel Zarzo (le cpt. Enrique Centellas).
Pendant des décennies, l’auteur de Don Quichotte n’a rencontré que railleries et mépris, sa tombe a été détruite, sa dépouille n’a jamais été retrouvée, mais la postérité va en faire le plus grand écrivain de langue espagnole. Madrid en 1616, dans une maison délabrée. Âgé de 47 ans, Cervantès est déjà vieux, malade, abattu et oublié, quand un jeune doctorant et fervent admirateur entre dans sa vie. Il se propose de rendre quelque dignité à ce génie fatigué, en élaborant sa biographie afin de pouvoir solliciter une pension pour lui au roi d’Espagne. Cervantès, que soigne sa nièce Constanza se remémore dès lors les diverses étapes de sa vie agitée... - À ce jour la série biographique la plus coûteuse de la TVE (140 millions de pesetas), mobilisant 3000 figurants, un tournage de trois ans et plus d’une centaine de sites patrimoniaux pour les extérieurs (dont Cáceres, Madrid, Aranjuez, Tolède, Alcalá de Henares, Arévalo, Grenade, Peñarandade Duero, Sigüenza, Pedraza, Baeza). On renonce toutefois à reconstituer la bataille de Lépante, qui est contée par un archiviste et son assistant. La rédaction du scénario a été supervisée par Camilo José Cela, Prix Nobel de littérature. Julián Mateos, qu’on à vu dans Cyrano et d’Artagnan d’Abel Gance et Los santos inocentes de Mario Camus, est sans doute trop jeune pour faire le vieux Cervantès et trop vieux pour mimer le jeune, mais il parvient néanmoins à être convaincant et émouvant en « écrivain à la triste figure ».
L’épouse du romancier terrorisée par un faucon (« La gallinas de Cervantes »).
1987* (tv) Las gallinas de Cervantes (Les Poules de Cervantès) (ES) d’Alfredo Castellón
Luis Reneses/Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 26.3.88), 83 min. - av. Miguel Angel Rellán (Miguel de Cervantes), Maria Fernandez-Muro (Catalina de Salazar y Palacios, son épouse), Josep Maria Pou (Don Alonso), Francisco Merino (le clerc), Pedro Sempson (Ramón J. Sender), José Lifante (le parfumeur), Tito Valverde, Pedro del Rio, Fabio León, Paloma Pagés, Laura Hormigón, Emilio Mellado, Víctor Rubio, Braulio Dorado, Alfredo Mañas, Alberto Querol, Fernando Ransans, David Zarzo. – Un épisode insolite, poétique et délirant de la vie conjugale très peu connue de Cervantès avec son épouse Doña Catalina de Palacios y Salazar (1565-1626). L’intrigue est tirée d’une nouvelle « parabolique » de Ramón J. Sender publiée au Mexique en 1967. L’Aragonais Sender, jouissif auteur anarchico-républicain mort en exil en Californie en 1982, y raconte ce qu’il advint de l’étrange mariage du père de Don Quichotte dont on sait qu’il ne mentionna guère son épouse et que celle-ci ne l’accompagna dans aucun de ses nombreux voyages et séjours à travers l’Espagne. Selon lui, en voici l’explication : En 1584, au lendemain du mariage de Miguel, 37 ans, avec Catalina, 19 ans, dans la petite ville tolédane d’Esquivias, les terres du couple sont exorcisées avec force gesticulations par un prêtre car elles furent autrefois cultivées par des moriscos (ces mêmes Maures convertis de force auxquels l’Inquisition interdit désormais de parler leur langue sous peine de mort). Au même moment, un convoi religieux apporte à l’église locale une cargaison de saints ossements provenant de martyrs romains, reliques généreusement offertes à diverses localités du royaume par Sa Majesté. Miguel découvre peu à peu la passion déraisonnable que son épouse éprouve pour les gallinacés de leur basse-cour, au point de les imiter dans leur démarche et leurs gloussements. Il trouve bientôt de petites plumes blanches dans la chevelure et sur le corps de Catalina. Au retour d’un saut à Tolède dans l’atelier de son ami El Greco, il ramène un faucon blessé qui suscite la terreur du poulailler - et de sa conjointe. Bientôt couverte de plumes, elle se transforme peu à peu en gallinacé. Le frère de cette dernière, représentant arrogant de l’Inquisition locale, refuse d’écouter le mari et lui rappelle sur un ton menaçant que les Cervantès sont des juifs convertis. Le lendemain, le romancier quitte les lieux pour ne plus jamais y revenir...
Sender fait le procès féroce et drôlissime d’une Espagne en proie aux croyances grotesques propagées par l’Église et le Saint-Office du XVIe siècle, aux divagations de ses clercs bornés (ou avides de pouvoir), aux superstitions et à la crédulité du bon peuple indoctriné par leurs soins. L’excellent téléfilm d’Alfredo Catellón, tourné sur place à Campo de Criptana (Ciudad Real) et dans les parages de Tolède, traite le sujet avec finesse et met les rieurs de son côté : son Cervantès reste impassible, ne montrant que surprise et résignation.
1990® La batalla de los Tres Reyes (Tambores de Fuego) (MA/ES) de Souheil Ben Barka. – av. Victor Cocuev (Miguel de Cervantes), cf. Portugal chap. 5.1
1992® (tv) El Quijote de Miguel de Cervantes (Don Quichotte) (ES) de Manuel Gutiérrez Aragón. - av. José Luis Pellicena (Miguel de Cervantes).
1994® (tv) Der Mann von La Mancha (DE) de Felix Breisach. – av. Karl Merkatz (Miguel de Cervantes).
1997/98(vd) Aquél lugar de La Mancha (ES) de Joaquín Gómez Sainz
Carlos Conde/Panther Producción-Producciones JRB (Madrid), 56 min. – av. Tony Isbert (Miguel de Cervantes), Mónica Molina (Catalina de Salazar y Palacios, son épouse), Jack Taylor [=George Brown Randall] (Alonso Quijada), Paula Ferrell [=Remedios Hernández] (Doña Juana Gaitàn), Eva Miller (Doña Catalina), José Francisco de Diego (Diego de Hondaro), Fernando Caro (Padre Juan Palacios), César Varona (le maçon), Oscar David Gómez (Diego, l’aubergiste), Daniel Galán (Ortega Rossa), Mario Ignacio Gómez (Gonzalo), Pololo [=Manuel Santamaría] (le mendiant aveugle), Ricardo Recuerdo, David Azcano.
Un « documentaire biographique » relatant quelques épisodes peu connus de la vie de Cervantès : son arrivée à Esquiviaz (province de Tolède), son mariage avec Catalina de Palacios, son séjour heureux à Illescas de 1583 à 1587 et sa rencontre avec l’extravagant Don Alfonso Quijada, un parent de Catalina qui servira de modèle pour Don Quichotte. Filmé de septembre 1997 à janvier 1998 à Alcalá de Henares (Madrid), à Illescas, Esquivias et Tolède.
2005® (vd) Las locuras de Don Quijote (ES) de Rafael Alcázar. – av. Juan Llaneras (Miguel de Cervantes).
2005Emit (ES) de Victor Baldovi
Films Echos por un Perro (Barcelona), 5 min. – Victor Baldovi (Miguel de Cervantès), Alex Baldovi (le propriétaire du cinéma). – Pendant un orage, un propriétaire de salle de cinéma dévore Don Quichotte quand un éclair le transporte dans le passé où il rencontre Cervantès.
2005Sobreviviendo a Don Quijote (ES) mini-série de Gonzalo Crespo
XL Producciones-Canal 2 Andalucía (Sevilla) (Canal Sur 2 - mai-juin 2005), 4 x 26 min. – av. José Luís García Pérez (Miguel de Cervantes), Antonio García Barbeito (Don Quichotte), Paco Algora (Sancho Panza), Mercedes Hoyo (Dulcinée). – Les années cruciales que Cervantés passa en Andalousie – de 1587 à 1600 -, notamment en prison à Séville, et qui ont marqué son œuvre et ses personnages.
2006® Quijote (IT) de Mimmo Paladino. – av. Daghi Rondanini (Miguel de Cervantes).
La rencontre fictive des deux plus grands dramaturges d’Europe : Cervantès et Shakespeare.
2007Miguel y William / Michael & William (ES/GB/[US]) d’Inés París

Juan Luis Galiardo, Antonio Saura, José Velasco, Eduardo Baura/Zebra Producciones (Madrid)-Future Films (London)-Miguel y William Producciones S.L.-Warner Bros. (Hollywood), 102 min. - av. Juan Luis Galiardo (Miguel de Cervantès), Will Kemp (William Shakespeare), Elena Anaya (Doña Leonor de Vibero), Geraldine Chaplin (la duègne), Josep Maria Pou (Don Antonio de Celaya, duc d’Obando), Malena Alterio (Doña Magdalena de Obando, sa fille), Miriam Giovanelli (Doña Consuelo de Obando, sa fille), Jorge Calvo (Sancho), Carolina Lapausa (Juana), Oscar Hernández (le médecin), José Luis Torrijo (le prieur), Juan Fernández (Don Francisco de Iniesta, Grand Inquisiteur), Javier Perdomo (l’aide-inquisiteur), Fernando Conde (père Leonor), María Parra (Petronilla), Javier Aller (le bouffon), Denis Rafter (un vendeur à Londres).
Synopsis : À Londres en 1590, le jeune Shakespeare, 26 ans, auteur de comédies populaires, rencontre furtivement la séduisante Leonor de Vibero, sur le point de retourner en Castille sur ordre paternel pour y épouser le duc d’Obando, qu’elle n’a jamais vu. Séducteur impénitent, William la suit. Au château ducal, elle découvre que son futur mari est riche, vieux et fort laid. Le duc offre l’hospitalité à un ami d’antan, Miguel de Cervantès, 43 ans, manchot depuis la bataille de Lépante ; ses œuvres n’étant pas populaires, l’auteur du Don Quichotte est en crise, a renoncé à l’écriture et vivote comme collecteur de taxes. Bien décidée à devenir duchesse, Leonor convainc Miguel de créer une pièce à l’occasion de son mariage dans un mois, et elle fait de même avec William (que le duc appelle « Sispir »). Charmés par la belle manipulatrice, les deux poètes unissent leurs efforts créatifs, l’un apportant profondeur et sagesse, l’autre le sens théâtral et l’humour. En l’absence du duc, le Grand Inquisiteur cherche à arrêter Miguel, mais Leonor parvient à le corrompre en lui cédant une précieuse broche de la famille Obando. Persuadé qu’elle a donné le bijou à l’un de ses amants, le duc menace Leonor du gibet si elle ose se présenter aux épousailles sans la broche. Miguel et William pourchassent donc l’inquisiteur, mais celui-ci a revendu l’objet à Doña Magdalena, une des deux filles du duc, opposée à un mariage qui la priverait du rang et de la fortune ducale. Lors du spectacle organisé par les deux poètes, mêlant commedia dell’arte et le tragique d’Othello, ils récupèrent le bijou et sauvent la tête de Leonor. Le duc meurt d’une crise cardiaque à l’instant où le « oui » fatidique est prononcé devant le prêtre et l’impertinente duchesse hérite du château. Ayant découvert « le sens tragique de l’existence » pendant son séjour ibérique, William se console au lit avec l’autre fille du défunt, Consuelo, qui était sur le point d’entrer dans les ordres, tandis que Miguel se remet à écrire.
Cette farce romantico-farfelue parlée espagnol et anglais est signée Inés París, réalisatrice connue à Madrid pour quelques comédies irrévérencieuses (A mi madre le gustan las mujeres/Ma mère préfère les femmes, 2002) ; l’idée de réunir les deux géants de la littérature européenne provient du comédien vétéran et producteur Juan Luis Galiardo qui incarne ici Cervantès et qui a aussi joué Don Quichotte au cinéma six ans plus tôt. À ses côtés figurent l’Anglais Will Kemp et la fougueuse Castillane Elena Anaya, déjà réunis en 2004 dans le film de vampires américain Van Helsing de Stephen Sommers. Dans un rôle comique, Geraldine Chaplin campe une duègne grimaçante, givrée et aboyante (son ex-beau-fils, Antonio Saura, coproduit avec sa société Zebra). Le tournage, budgété à 6 millions d’euros, se fait du 27 février au 7 avril 2006 pour les intérieurs aux studios d’El Alamo à Madrid, puis aux splendides châteaux de Loarre (Hoya de Huesca, Aragon) et de Guadamur (Tolède), à Almagro, Ruidera, Campo de Criptana (Castille-La Manche) et Talamanca de Jarama (Madrid). Enfin, la musique est de Stephen Warbeck, oscarisé en 1998 pour Shakespeare in Love. Hélas, tous ces ingrédients prometteurs, épicés de renvois amusants, tantôt littéraires (le personnage de Sancho, les moulins de La Manche, les citations d’Hamlet) ou anachroniques (William sifflote « Rule Britannia ») ne suffisent pas vraiment à faire décoller une comédie qui se voudrait moderne et provocatrice, mais qui est surtout bancale, mal écrite et mal dirigée : Inés París n’est pas Lubitsch, ni Blake Edwards, ni même Philippe de Broca. Dépassée par l’ampleur manifeste du projet, la cinéaste parvient rarement à exploiter la vis comica inhérente au sujet. Ce qui se voulait une célébration impertinente du triomphe de l’imagination se réduit à une décevante bouffonnerie.
Nota Bene : la mise en chantier de ce film court-circuite un autre projet, *Cervantes d’Antonio Hernández, annoncé en 2006 par Fortunata Film & Tv (Cecily Brown, Leslie Calvo), d’après la biographie The Death and Life of Miguel De Cervantes de Stephen Marlowe (1996).
2015® (tv) La española inglesa (ES) de Marco A. Castillo. – av. Miguel Rellán (Miguel de Cervantès).
« La mujeres de Cervantes » de Rafel Alcázar (2016).
2016(tv-df) La mujeres de Cervantes (ES/MX) de Rafael Alcázar
Edi Calvo, Rafael Alcázar, Andrés Luque, Nicholas Morrison/Alcazar Films Digital-Televisión Española (TVE), 65 min. - av. Txema Blasco (Miguel de Cervantès), Cristina Bertrand (la gitanilla/Isabel de Cervantès), Ana Escriu (Catalina de Salazar y Palacios), Lucía de la Fuente (Preciosa/Constanza de Ovando), Nerea García (Ana Franca), Leire S. Larike (Marcela/Magdalena de Cervantès), Elena Larios (Gelasia/Andrea de Cervantès), Román Reyes (Cardenio/le juge), Alba Rosa (Luisa de Cervantès), Diana Tobar (Dorotea/María de Cervantès), Ana Vayón (Mariana/Leonor de Torreblanca), Alicia Sánchez (la narratrice). - Docu-fiction sur les femmes que connut Cervantès et, surtout, celles qui ont habité son œuvre littéraire, film produit à l’occasion des 400 ans de la mort du romancier.
2016(vd-df) Cervantes, la búsqueda (ES) de Javier Balaguer
Javier Balaguer/Produccciónes Troto Internacional, 79 min. – av. Ramón Barea (Miguel de Cervantès), Ginés García Millán (Lope de Vega), Charo Gabella (Catalina de Salazar y Palacios), Velilla Valbuena (Constanza de Orando), Emma Caballero (la servante Juana), Felipe Guillén (le scribe), José Manuel Serrano et Manuel Real (deux médecins français), Juan Rueda (le marquis de Molins), Rubén Faura et Enrique Selfa (deux frères franciscains), Francisco Clavero (le sacristain Ortigosa), Antonio Esquivias (narration).
Quatre siècles après la disparition de Cervantès, l’endroit de sa tombe reste inconnu, et ce docu-fiction produit à l’occasion des 400 ans de sa mort mène l’enquête dans les vieux quartiers de Madrid (Barrio de las Letras) tout en reconstituant divers passages de sa vie.
2016(tv-df) Buscando a Cervantes (ES) de Francesc Escribano
David Felani, Carlos Gómez Palacios/Minoria Absoluta (TV La Sexta 21.4.16), 47 min. – av. Alberto San Juan (Miguel de Cervantès). – Docu-fiction enquêtant sur les zones d’ombre de la vie de Cervantès, produit à l’occasion des 400 ans de la mort du romancier.
Cervantès (E. Gutiérrez Caba, dr.) et son rival Lope de Vega (J. Coronado) (2016).
2016(tv) Cervantes contra Lope (ES) de Manuel Huerga
Francesc Escribano, Gonzalo Sagardia/Onza Entertainment-Minoría Absoluta-Radiotelevisión Española (Madrid) (TVE 5.12.16), 87 min. - av. Emilio Gutiérrez Caba (Miguel de Cervantès), José Coronado (Félix Lope de Vega), Albert Pérez (Gerónimo/Ginés de Pasamonte), Lluís Villanueva (Luis de Góngora), Pol López (Francisco de Quevedo), Joan Carreras (Cristóbal Suárez de Figueroa), Kai Puig (Pedro Liñán de Liaza), Joan Manuel Gurillo (Frère Luis de Aliaga), Pere Ponce (Robles), Juan Carlos Gustems (Sebastià de Comellas), Pep Ambrós (Pere), Eduard Benito (le barbier), Carlus Fábrega (l’imprimeur Felipe Roberto), Martí Salvat (Pasamonte jeune), Xavi Soler (Cervantès jeune), Sara Sors (Elena Osorio), Jacob Torres (le comte de Lemos), Marta Vives (Jerónima de Burgos), José Mellinas (spectateur au théâtre), Ricard Méndez (un noble au théâtre).
Une équipe de télévision retourne à Madrid en 1614 pour interviewer un Cervantès fâché, ainsi que son ami puis rival et pire ennemi Lope de Vega et d’autres écrivains autour d’eux. C’est le moment où paraît le Don Quixote de La Mancha apocryphe d’Alonzo Fernández de Avellaneda, alors que Cervantès travaille à la seconde partie de son propre Don Quichotte et qu’il est persuadé que ce texte qui parodie son chef-d’œuvre provient de la plume de Lope. Ce faux docu-fiction recrée la libération de Ginés de Pasamonte (personnage fictif de Cervantès), sa captivité à Alger, son combat à la bataille de Lépante sous le commandement de Don Juan d’Autriche. On interviewe aussi la femme du romancier, Catalina de Salazar. Quant à Lope de Vega, aventurier charlatan, on apprend qu’il se fit passagèrement prêtre, eut une vie tumultueuse avec dix-sept enfants, une multitude de maîtresses, dont la comédienne Micaela de Luján et Marta de Nevares qui resta à ses côtés jusqu’à sa mort en 1632. Film produit à l’occasion des 400 ans de la mort de Cervantès.
2016(tv) El ministerio del Tiempo – (épisodes :) 11. Tiempo de hidalgos – 26. Tiempo de esplendor (ES) d’Abigail Schaaff (11) et Oskar Santos (26)
Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 29.2.16 + 29.6.16), 2 x 67 min. – av. av. Pere Ponce (Miguel de Cervantès), Victor Clavijo (Félix Lope de Vega), Manuel de Blas (Blas Duarte), Julián Villagrán (Diego Velázquez). - Série de science-fiction : diverses tentatives de modifier l’histoire de l’Espagne en voyageant dans le temps. En 1604 à Madrid, l’imprimeur Juan de la Cuesta et sur le point de sortir l’édition Princeps du Don Quichotte quand il apprend que Cervantès n’a pas soumis son roman au Concile de Castille pour obtenir une licence d’impression. Le livre pourra-t-il sortir ?
2018(vd) Cervantes (ME) de Robert Jankovic
Astrit Lajka/Ad Hoc Multimedia-MediaMind (Montenegro, Podgorica), 48 min. - av. Mirsad Suljovic (Miguel de Cervantès), Bernard Prenrekah (Rodrigo de Cervantès), Shefqet Luca (Fahrudin Bey), Margareta Shkreli (Dulcinea), Artan Uruci (le capitaine), Gazmir Lamoja (un janissaire), Anes Kurti (le fils du Bey), Osman Leskovac (le crieur municipal). – La captivité de Cervantès à Alger vue par un vidéaste albanais (scénario d’Adriana Hoxha).
« Don Quichotte » de Georg Wilhelm Pabst (1933).
Les adaptations de « Don Quijote de la Mancha »
« Le roman le plus lu de tous les temps »... Pauvre gentilhomme de la Manche obsédé par les livres de chevalerie médiévale, Alonso Quichano se prend un beau jour pour le chevalier errant Don Quichotte, dont la mission est de parcourir l’Espagne pour combattre le mal et protéger les opprimés. À la grande inquiétude du curé et du barbier de son hameau, il prend la route, monté sur son vieux cheval Rossinante, en se faisant accompagner par un naïf paysan, Sancho Panza (ou Pança), devenu son écuyer et chevauchant un âne ; son maître lui a promis monts et merveilles. Ainsi, l’idéaliste fantasque est-il secondé par un primate terre-à-terre, quoique compagnon dévoué. Don Quichotte voit dans la moindre auberge un château enchanté, prend sommelières ou prostituées pour de belles princesses et les moulins à vent pour des géants envoyés par de méchants magiciens. Il fait de la laboureuse Aldonza Lorenzo la dame de ses pensées, baptisée Dulcinée du Tobosco, beauté jamais physiquement présente dans le récit mais à qui il jure amour et fidélité. Son écuyer, petit et gras, dont la préoccupation majeure est de se remplir la panse, estime que son maître souffre de visions, mais se conforme à sa conception du monde et entreprend avec lui de briser l’envoûtement dont est victime l’inaccessible Dulcinée. Les rencontres de Don Quichotte aboutissent régulièrement à des échecs cuisants : il libère de force des galériens enchaînés et récolte des pierres, confond un troupeau de brebis avec une armée et se fait corriger par les bergers, etc. Le curé et le barbier ont brûlé ses livres « néfastes » et, au fil des péripéties excentriques ou burlesques, ils s’affairent à ramener le délirant et pathétique chevalier au village, enchaîné ou dans une cage, tandis que Cervantès se met en scène lui-même à l’intérieur de son récit. A la fin, Don Quichotte, ridiculisé à la cour ducale, vaincu par le chevalier de la Blanche Lune – en réalité le bachelier Sansón Carrasco – renonce à ses lectures, retrouve la raison et meurt entouré de l’affection et l’admiration des siens.
Le roman est construit en deux volumes, publiés respectivement en 1605 et 1615. Outre ses qualités littéraires qui - par ses techniques narratives très originales - l’imposent comme le premier roman moderne, Don Quichotte délivre une peinture fouillée et une sociologie détaillée de l’Espagne du « Siècle d’or ». Quoique l’« hidalgo à la Triste Figure » ne soit pas un personnage historique, il est inséparable du paysage culturel, identitaire et folklorique de son époque.
Nota bene : la filmographie qui suit ne se veut pas exhaustive : elle ne tient compte ni des quelque 80 variantes ou « curiosa » impliquant le pittoresque tandem placé dans un contexte sans rapport avec le roman tels que Il sogno di Don Quisciotte (1915), Mademoiselle Don Quichotte (1918), Don Quickshot of Rio Grande (1923), Don Quijote del altillo (1936), Los niños de Don Quijote (1962), Una tal Dulcinea (1963), Don Quijote sobre ruedas (1964), Don Quijote, Sancho y Clavileño (1978), Don Cipote de la Manga (1985), Monsignor Quixote (tv 1987), Dünki Schott (1987), Dean Quixote (2000), etc., etc., ni des documentaires tels que La ruta de Don Quijote (1934) de Ramón Biadiu ou Don Quichotte de Cervantes (1964) d’Eric Rohmer, ni encore des 45 dessins animés ou films de marionettes qui lui sont consacrés, signés Ub Iwerks (1934), Hanna-Barbera (1968), etc. - Autres œuvres de Cervantès ayant une assise historique sur ce site, cf. La gitanilla (chap. 4.1) et les nouvelles picaresques (chap. 6).
1898Don Quichotte (FR) d’Alice Guy (?)
Établissements Léon Gaumont S.A. (Paris), 20 m. - Alice Guy, la toute première réalisatrice de cinéma, signe pour Gaumont un premier film de fiction en 1896 et devient « directrice des vues animées de fiction » de la maison. Il est très vraisemblable que cette première version de Don Quichotte – un bref tableau - soit également de sa main, comme la quasi totalité des fictions Gaumont d’avant 1900. Filmé dans l’atelier cinématograpique de la rue des Alouettes à Paris (future Cité Elgé aux Buttes-Chaumont).
Deux tableaux vivants du « Don Quichotte » de Pathé (1903).
1903Les Aventures de Don Quichotte de La Manche / Don Quichotte (FR) de Ferdinand Zecca et Lucien Nonguet
Pathé Frères S.A. (Paris), no. 722, 430 m./16 min. – Quinze tableaux vivants reconstitués dans les studios à Vincennes et colorés au pochoir.
1908Il ingenioso hidalgo Don Quijote de La Mancha / Don Quijote (ES) de Narcíso Cuyás
Iris Films (Barcelona), 1 bob. - av. Francisco Tressols, Joaquín Carrasco, Arturo Buxens.
1908El curioso impertinente [Le curieux malavisé] (ES) de Narcíso Cuyás
Iris Film (Barcelona), 720 m. – av. Joaquin Carrasco, Francisco Tresolls. – Comédie de mœurs située à Florence vers 1500, récit sorti de la première partie du Don Quichotte, chap. 33-38 (cf. film de 1948). Film probablement exploité ensemble avec le Don Quijote ci-dessus.
1908La Toile d’araignée merveilleuse ou Les Aventures de Don Quichotte (FR) de Georges Méliès
Star Film (Paris) no. 1367-71, 103 m. – av. Georges Méliès (Don Quichotte). - Don Quichotte rêve qu’il combat des reptiles, puis son armure qui repose à ses côtés se transforme en jeune fille, en papillon, en chevalier, enfin en araignée géante... Il se réveille en train d’attaquer son malheureux Sancho Panza. Film (perdu) à transformation fabriqué par le pionnier des trucages cinématographiques au studio-verrière de Montreuil.
1908Don Quixote's Dream (GB) de Lewin Fitzhamon
Hepworth Manufacturing Company, 76 m. - Don Quichotte rêve que des brigands enlèvent une jeune femme et qu’il parvient à la sauver.
1909Don Quichotte (FR) d’Emile Cohl et Étienne Arnaud
Société des Établissements Louis Gaumont (« Série d’Art »), 200 m. (env. 15 min.) - av. Maurice Vinot, Christiane Mandelys. - Filmé à Saumur et dans la région des châteaux de la Loire.
1909Don Quixote (US) de Pat A. Powers
Pat A. Powers/Powers Picture Plays Co. (New York), 300 m. – Film tourné à Wakefield (New York).
1911Don Chisciotte (IT)
Società Italiana Cines (Roma), 314 m. – Aventures et cinq parties, de la libération des galériens au décès de Don Quichotte.
1911La parodia di Don Chisciotte (La Parodie de Don Quichotte) (IT)
Milano Films, 175 m. – Dans un village andalou, le sacristain Pedro, lecteur passionné de Cervantès, et son barbier Pascual revivent quelques aventures loufoques de l’hidalgo.
1913Don Quichotte (FR) de Camille de Morlhon
Camille de Morlhon/Les Films Valetta-Pathé Frères (Paris) no. 5683, 66 tableaux, 3 parties, 1150 m. dont 995 en couleur (env. 60 min.) - av. Claude Garry (Don Quichotte), Vallez (Sancho Panza), Léontine Massart (Dulcinée de Toboso), Henri Etiévant (Don Fernando), Jeanne Grumbach (la gouvernante), Alain Dhurtal (Cardenio), Madeleine Guitty (la femme de Sancho Panza), Camille Mars, Pâquerette. – La première adaptation qui tient compte de la majorité des épisodes du roman, filmée à Fontainebleau et dans les studios Pathé de Montreuil avec des acteurs de la Comédie-Française. Un gros échec commercial en raison de frais de production trop élevés.
1915/16Don Quixote (US) d’Edward Dillon, supervisé par David Wark Griffith
David Wark Griffith/Fine Arts Film Co.-Triangle Film Corporation (Culver City), 5 bob./50 min. - av. DeWolf Hopper (Don Quichotte / Alsono Quijano), Max Davidson (Sancho Panza), Fay Tincher (Dulcinea), Rhea Mitchell (Lucinda), Chester Withey (Don Fernando), Julia Faye (Dorothea), George Walsh (Cardeño), Edward Dillon (le muletier), Carl Stockdale, William H. Brown.
L’acteur et chanteur américain DeWolf Hopper, le mari de Hedda Hopper qui fait ici ses débuts à l’écran, a souvent joué Don Quichotte sur scène. Ce premier scénario hollywoodien du roman, signé Chester Withey, est tourné en septembre-décembre 1915 en Californie (Triangle-Fine Arts Studios à Hollywood, Santa Barbara, Riverside County). L’intrigue prend ses aises : après l’incident des moulins, Don Quichotte est soigné par Dorothea, une jeune fille de bonne famille jadis séduite et abandonnée par un vicieux artistocrate, Don Fernando. Don Quichotte se met en tête de retrouver la canaille ; en chemin, il déclare son amour à Dulcinée, puis libère le bagnard Cardeño, autre victime du séducteur. Ce dernier est sur le point d’épouser la fiancée du malheureux, Lucinda. Don Quichote empêche le mariage, mais il est tué par Don Fernando et tout le monde le pleure. - Après avoir été raccourci de 7 à 5 bobines (de 1000 ft.), le film sort à New York pour les fêtes de Noël 1915 et reste deux semaines à l’affiche, un record pour Fine Arts. Le New York Times loue le jeu de DeWolf Hopper, mais estime que le film (aujourd’hui perdu) offre « 95% de cinéma et 5% de Cervantès ». Très juste.
1923Don Quixote (GB) de Maurice Elvey
Stoll Picture Productions (Cricklewood), 1280 m./55 min. - av. Jerrold Robertshaw (Don Quichotte), George Robey (Sancho Panza), Minna Leslie (Dulcinea), Bertram Burleigh (Sanson Carrasco), Sydney Fairbrother (Tereza, la femme de Sancho Panza), Frank Arlton (le Père Perez), Edward O’Neill (le duc), Adeline Hayden Coffin (la duchesse), Marie Blanche (Housekeeper).
Un scénario de Sinclair Hill tourné aux studios de Cricklewood (Camden, London), version plutôt comique où le bouffon Sancho Panza passe au premier plan, laissant son maître à ses délires. Elle est semée d’anachronismes et se déroule dans la maison ducale sur l’île de Barataria. Jerrold Robertshaw n’a fait qu’une brève carrière dans le muet tandis que son partenaire George Robey – au civil Sir George Edward Wade – est considéré comme un des plus grands comédiens de music hall de Grande Bretagne ; il jouera à nouveau Sancho Panza dans la version parlante anglaise du film de G. W. Pabst en 1933 (cf.) et campera Falstaff dans Henry V de Laurence Olivier (1944). Inédit en Espagne.
1926* Don Quixote af Mancha (Don Quichotte) (DK) de Lau Lauritzen
A/S Palladium Film-Dansk Filmindustri (København), 3280 m./179 min./48 min. - av. Carl Schenström/Doublepatte (Don Quichotte), Harald Madsen/Patachon (Sancho Panza) [Fyrtårnet & Bivognen], Marina Torres (Dulcinea), Carmen Villa [Carmen de Toledo] (Lucinda), Svend Melsing (Cardenio), Lise Bauditz (Dorothea), Carl Hillebrandt (Fernando), Christian Schrøder (le prêtre), Toben Meyer (Sancho Carrasco), Philip Bech (le père de Lucinda), Vera Lindstrøm (la mère de Lucinda).
L’entreprise la plus ambitieuse du pionnier danois Lau Lauritzen (240 films depuis 1911) nécessite cinq mois de tournage à Puerto Lápice, Alcázar de San Juan, Campo de Criptana, Séville, Tolède, Avila et Grenade, en plus des studios Palladium à Hellerup (printemps-été 1926). Ces extérieurs importants, lointains et peu courants dans le cinéma muet de l’époque ornent une version très fidèle du roman, d’une durée également peu courante de trois heures. L’ensemble tangue parfois un peu vers la farce, visuellement inspirée par les dessins de Gustave Doré et portée par le tandem comique danois appelés en France « Doublepatte et Patachon » (ailleurs « Pat et Patachon »), eux-mêmes entourés de deux Espagnoles, Marina Torres et Carmen de Toledo ; manifestement, les deux comédiens cherchent à améliorer leur image de « paillasses » ultra-populaires. Les criticastres espagnols font la moue, mais artistiquement, cette version distribuée dans toute l’Europe et aux USA vaut bien celle de la CIFESA franquiste en 1947. – ES : Don Quijote de La Mancha.
1930Dom Quixote (BR) d’Achiles Tartari
Sul-América Filme (São Paulo). - Propriétaire de l’école de cinéma Anhangá à São Paulo, l’Italo-brésilien Achiles Humberto Tartari s’attaque à Cervantès avec un film qui n’a pas laissé de trace et est peut-être resté à l’état de projet (?).
Fédor Chaliapine, le bouleversant « Don Quichotte » de G. W. Pabst (1933).
1932/33*** Don Quichotte (FR) de Georg Wilhelm Pabst
Constantin Geftman, Georg Wilhelm Pabst/Vandor Film (Paris)-Nelson Films Ltd. (London)-Webster (London), 82 min./73 min. - av. Fédor Chaliapine (Don Quichotte), Dorville [=Georges-Henri Dodane] (Sancho Panza), Mady Berry (la femme de Sancho Panza), Mireille Balin (la nièce Maria [=Antonia]), René Donnio (Samson Carrasco, son fiancé), Arlette Marchal (la duchesse de Fallanga), Jean de Limur (le duc de Fallanga), Renée Valliers (Dulcinée), Charles Léger (le curé), Charles Martinelli (le chef de la police), Léon Larive et Pierre Labry (les aubergistes), Genica Anet [=Ioana Athanasiou] (une servante), Louis Mafer (le « roi Arthur »), Vladimir Sokoloff (le chef des gitans), Pierre-Louis.
Après les rires moqueurs des Lumières qui ont surtout vu dans le roman de Cervantès une hilarante dénonciation des méfaits de l’esprit « médiéval » et de ses superstitions, après les lecteurs du XIXe siècle en priorité sensibles à l’éternelle lutte entre l’idéalisme du poète et le réalisme du bourgeois (héritage du romantisme allemand), le XXe siècle, confronté aux horreurs des guerres mondiales et aux tensions socio-politiques révolutionnaires, modifie sa perception du chevalier à la Triste Figure dont le « ridicule » est remis en question. Thomas Mann voit en Don Quichotte un évangéliste de la tendresse (Meerfahrt mit Don Quijote), Graham Greene un curé fraternel (Monsignor Quichotte), Gaston Baty un messager de générosité et d’amour (Dulcinée) et plus tard Milan Kundera le représentant de la « sagesse de l’incertitude » (L’Art du roman). C’est cette nouvelle orientation du regard que véhicule dès 1933 le film parlant de Pabst, la version cinématographique mondialement la plus connue et, pour beaucoup, esthétiquement la plus marquante. Son histoire de production est complexe et nécessite de sérieux éclaircissements.
Au printemps 1932, G. W. Pabst, Autrichien établi à Berlin, est à côté de Fritz Lang le cinéaste germanophone le plus important de la République de Weimar, mais aussi le plus européen, ayant dirigé de coûteuses coproductions en multiples versions avec la France et la Grande-Bretagne (L’Opéra de quat’sous, La Tragédie de la mine et L’Atlantide). C’est une suite de succès internationaux et dans le milieu du 7e art, ses souhaits sont des ordres. On le sait toutefois pacifiste virulent (Westfront 1918/Quatre de l’infanterie), humaniste de gauche, et s’il n’est pas juif, il n’en est pas moins honni par les nazis qui s’apprêtent à s’emparer du pouvoir. Les nationalistes l’accusent d’être à la solde de Paris. Intimidée par les Chemises brunes, même la Nero-Film de Seymour Nebenzahl qui a financé ses films précédents hésite désormais à le soutenir alors qu’il prépare un scénario pour le moins délicat sur « la guerre future » ... ! Furieux, Pabst envisage de quitter l’Allemagne ou de rentrer à Vienne.
Au même moment à Londres, le producteur grec Constantin Geftman (Nelson Films) décide, à la suggestion de Charles Chaplin, de porter à l’écran l’œuvre de Cervantès, avec pour vedette – inattendue – la plus grande basse de son temps, le Russe Fjodor/Fédor Chaliapine, dont ce sera une des très rares apparitions à l’écran. (On ne lui connaît qu’un seul autre rôle au cinéma, dans la fresque muette russe Ivan le Terrible d’Aleksandr Ivanov-Gai en 1915.) Chaliapine, qui étudiait scrupuleusement l’histoire et la psychologie de ses rôles, a longtemps refusé de jouer devant les caméras et aurait même claqué la porte au nez de D. W. Griffith. « Regardez sa main, à chaque rôle elle change ! » disait de lui le grand Stanislavski, marqué par son jeu au point de l’inclure à sa méthode d’interprétation théâtrale. Progressiste convaincu, Chaliapine a travaillé avec Gorki et Rachmaninov qui lui a donné l’éducation musicale qui lui manquait, mais persécuté par les léninistes et déchu de ses droits de citoyen russe, il a trouvé refuge à Paris en 1922 (où il décédera seize ans plus tard). « Don Quichotte devient Don-qui-chante » ironisera François Truffaut, mais c’est oublier que le rôle de l’hidalgo dans l’opéra de Jules Massenet avait été écrit exprès pour Chaliapine (1910 à Monte-Carlo) et que ce choix n’a rien de si extravagant ; en 1929, le producteur-réalisateur Herbert Wilcox à Londres envisageait déjà Chaliapine comme hidalgo de Cervantès dans un projet jamais concrétisé. Pour filmer Don Quichotte (dont le scénario ne doit rien à Massenet, cf. captation de 1961), Geftman fonde le consortium franco-anglais Vandor-Nelson-Webster. La mise en scène, annonce-t-on en mars 1932, serait confiée à Chaplin et la musique à Maurice Ravel (Manuel de Falla et Darius Milhaud ont aussi été sollicités, sans succès). Un assistant anglophone, l’Australo-américain John Farrow (père de Mia), fraîchement débarqué de Hollywood, superviserait les prises de vues à Londres dans les studios d’Associated Radio Pictures à Ealing (prises de vues qui n’auront jamais lieu), tandis que Jean de Limur, ancien directeur technique de Chaplin et DeMille aux USA, chaperonnerait des extérieurs en France. Il est également question d’une version allemande qui ne se fera pas non plus (contrairement à une légende tenace), malgré la présence de collaborateurs allemands comme le costumier Max Pretzfelder, l’assistant Herbert Rappaport, le monteur Hans Oser et Lotte Reiniger, chargée de l’animation des ombres chinoises en ouverture.
Toutefois, les rapports s’enveniment, le projet est mal ficelé, Chaplin est retenu en Californie par United Artists et, après avoir envisagé le novice Jean de Limur à la mise en scène (mai 1932), puis Bernard-Deschamps, Victor Tourjansky et même S. M. Eisenstein, Geftman se tourne vers Pabst qui séjourne justement à Paris pour affaires. En réalisant L’Atlantide, roman fantastique de Pierre Benoit tourné dans le sud de l’Algérie avec Brigitte Helm, Pabst a mis de côté ses préoccupations politico-sociales au profit d’un mélange d’onirisme exotique teinté de psychanalyse, de French Cancan et d’authentiques dunes de sables. Le public s’y rue, la critique est aux anges. Geftman supplie Pabst de sauver le projet de Don Quichotte, sur le point de capoter. Celui-ci s’avoue séduit par le récit fantasque de Cervantès, par le non-conformisme radical de son héros confronté, de surcroît, à l’autodafé de toute littérature dérangeante. Il accepte donc de rester à Paris et d’y tourner son premier film entièrement français. Mais il impose son propre scénariste-dialoguiste, Alexandre Arnoux, en remplacement de l’écrivain antisémite Paul Morand qui a travaillé quelque temps sur le projet, ce qui crée du mauvais sang ; rageur, Morand fera un portrait peu flatteur du cinéaste dans son roman-pamphlet fascisant France-la-doulce, paru en 1934, où, acclamé par L’Action française et Gringoire, il parle du cinéma national « livré à des escrocs allemands ou juifs venus d’Europe Centrale ».
D’entente avec Chaliapine (qui est plus à l’aise en français qu’en anglais), Pabst décide que tout le film sera réalisé en France ; huit comédiens britanniques y seront importés pour la version destinée au Commonwealth et aux États-Unis. On a renoncé de tourner en Estrémadure, car l’automne peut y être rude, et, toujours avec l’assistance de Farrow et de Limur, Pabst filme de septembre à décembre 1932 dans les studios de la Victorine à Nice (Studios Riviera, G.F.F.A.) où Andrej Andrejew a érigé de beaux décors épurés, dans ceux de Billancourt à Paris, puis en extérieurs au Cap-d’Ail, dans les environs de Nice et de Grasse (Provence-Alpes-Côte d’Azur). Mais le cinéaste se heurte vite à la pagaille économique et administrative de ses producteurs et faute d’argent, il se voit obligé de renoncer à la réalisation d’un tiers des séquences prévues et de les remplacer par diverses scènes chantées, enregistrées in extremis pour donner au film une longueur commercialement décente. Ravel ne pouvant terminer sa musique à temps, la partition définitive est confiée à son élève Jacques Ibert, qui compose quatre chansons pour Chaliapine, Chanson du Départ (d’après un poème de Ronsard), Chanson à Dulcinée, Chanson du Duc et Chanson de la mort (les trois d’après Arnoux), ainsi qu’une chanson pour Sancho Panza intitulée Ah quelle belle vie ! (Ravel et Paul Morand ont également composé quatre chansons qui ne seront pas utilisées dans le film.) Ces modifications impliquent une restructuration qu’admirera notamment le cinéaste Edgardo Cozarinsky pour qui le film apparaît aujourd’hui comme « imprégné de l’expérience Weill-Brecht (L’Opéra de quat’sous) : interruption du flot narratif, perspective sur l’action et les enjeux, l’adaptation de Cervantès en blocs presque indépendants ».
Le scénario est simplifié, la continuité chamboulée et se réduit aux épisodes les plus célèbres : Le vieux Don Quichotte a vendu biens et terres pour acquérir une vaste bibliothèque de récits sur la chevalerie (« heureux celui dont l’illusion embellit les jours », commente le maire). Adoubé chevalier sur la scène d’un théâtre de foire par un histrion cabotin, il choisit pour dame suzeraine de ses pensées une fille de ferme baptisée Dulcinée et quitte nuitamment son village en compagnie de Sancho Panza, désormais écuyer-complice d’un chevalier errant dont la mission est de « faire régner la justice sur terre ». Dans sa douce et généreuse folie, il dédaigne l’arquebuse que lui tend son écuyer : « une arme de lâche qui permet d’abattre un adversaire sans l’approcher », démontrant que s’il manque souvent de raison, l’esprit lucide ne lui fait pas défaut pour autant, même quand il se réfère à une époque « qu’on ne voit plus que sur des images ». Don Quichotte s’attaque d’abord à un troupeau de moutons en qui il voit une armée ennemie, délivre des bagnards destinés aux galères qu’il prend pour des opprimés et se fait remercier par une pluie de cailloux. L’hidalgo auto-proclamé est invité par le duc de Fallanga (« qu’on m’amène cet oiseau d’un autre âge ! ») qui pense le guérir en entrant dans son jeu « médiéval ». Un chevalier inconnu, masqué par sa visière, insulte Dulcinée ; Don Quichotte le provoque en tournoi (la duchesse émue : « il n’y a vraiment que les fous qui savent aimer ! ») et découvre, sous les fous rires de toute la cour, la supercherie lorsqu’il fait mordre la poussière au pitoyable bachelier Carrasco, fiancé binoclard de sa nièce Anna. Au même moment, Sancho Panza, qui s’est cru gouverneur, se fait rudoyer par la plèbe. Profondément blessé par cette « comédie », Don Quichotte, muet, reprend son chemin, ignorant que le duc a ordonné son retour forcé au village et que la soldatesque est à ses trousses. Au cardinal fanatique de l’Inquisition qui souhaiterait le juger pour hérésie, car l’individu est « un danger, il veut faire régner la justice par les voies humaines, il se substitue à la Providence et de moindres criminels ont été brûlés pour cela », le duc recommande de plutôt anéantir ses lectures : « Soyez content, il y aura toujours quelque chose à brûler... ! ». Don Quichotte prend d’assaut des moulins à vent, des « géants », mais, sa lance étant prise dans un aile de moulin, il est emporté dans les airs au péril de sa vie. Les meuniers parviennent à le sauver et les soldats du duc le ramènent chez lui dans une cage. Les villageois s’esclaffent de rire, Dulcinée la première. Mais lorsqu’il découvre sa précieuse bibliothèque en feu, le choc est trop fort, son cœur lâche, il s’effondre et meurt dans les bras de Sancho, pleuré à présent par tout son entourage qui s’agenouille et se signe. Du feu qui envahit l’écran naît la page-titre annonçant la publication du roman de Cervantès, tandis que la musique d’Ibert accompagne le frémissement des cendres. Don Quichotte console son compagnon, il n’est pas mort, dit-il, mais vit « sur une île où tout est pur et sans mensonges » - témoignage de la survivance de ses idéaux. « Si tous les livres m’ont tué, chante Chaliapine, il suffit d’un pour que je vive / Fantôme dans la vie et réel dans la mort / Tel est l’étrange sort du pauvre Don Quichotte ».
Don Quichotte et son écuyer assistent effondrés à l’autodafé des livres ordonné par l’Église (1933).
 Certes, Pabst signe une œuvre pas toujours aisée d’accès, mais dotée d’une intensité de rythme rare, débordant de fulgurances et d’inventions esthétiques, mais aussi de drôlerie (le faux tournoi) et qui culmine avec la séquence des moulins, véritable moment d’anthologie quant au montage et au cadrages stupéfiants, digne du cinéma russe d’antan, amplifié par un vacarme et un grincement de mécanique terrifiant (dans le roman, l’épisode se trouve au début, chap. VIII). Enfin, ce final d’une déchirante tristesse, où le cinéaste se démarque le plus de sa source littéraire, car Cervantès place la destruction des livres de chevalerie dans le chapitre VI de la première partie du roman – qui compte au total 126 chapitres – et il s’agit d’une initiative isolée du barbier et du curé local, sans interférence ecclésiastique ou policière. Une première version du scénario place aussi l’incident vers le début. Nul doute que l’autodafé mortifère de la conclusion – invention métaphorique de Pabst – reflète le climat d’angoisse et de terreur qui va se répandre en Allemagne et bientôt sur tout le continent. Visuellement, le réalisateur et son chef-opérateur, le Roumain Nicolas Farkas (Berlin-Alexanderplatz de Phil Jutzi, 1931), s’inspirent des incontournables gravures de Gustave Doré (1863) pour le tandem chevalier-écuyer, mais ce sont surtout les lithographies ou peintures de Goya qui font référence (les bagnards enchaînés, le supplice du pelele que subit Sancho) ainsi que le clerc arrogant du Greco (Retrato del cardenal Niño de Guevara), les mendiants en guenilles de Bartolomé Estéban Murillo et, à la cour, les satins de Francisco de Zurbarán. Pourtant, ce n’est pas l’Espagne historique qui intéresse Pabst : son film se veut de toute évidence plus une rêverie qu’une évocation scrupuleuse, ce que soulignent aussi les étranges accoutrements des femmes bien-nées avec des crinolines (vertugadins) qui raidissent les jupes en un cylindre ou le chapeau allongé du curé, plus grotesque que le plat à barbe qui sert de casque au héros : les pantins ne sont pas toujours là où on les croit. Artifices, fabuleux jeux d’ombres portées, fantaisies expressionnistes et bric-à-brac encombrent les décors en intérieur, créant une impression d’enfermement, d’hostilité, de péril qu’accusent également la blancheur des parois et du paysage rocailleux. Ça et là, la critique sociale réapparait, que ce soit dans les méthodes d’intimidation policières ou religieuses, dans le lien étroit qui unit la chevalerie errante (car Don Quichotte est pauvre, ayant tout vendu pour ses livres) et la revendication sociale, notamment celle des meuniers ruinés par guerres et impôts et dont la farine est confisquée par les seigneurs. Sancho Panza, incarnation du bon sens primaire, prend d’ailleurs toujours parti pour son maître, et son interprète Dorville, chanteur comique de vaudeville, parvient à être émouvant et attachant dans son simplisme : c’est le rôle de sa vie, et son jeu s’avère bien plus subtil, moins burlesque que celui de son confrère anglais George Robey. (Le cinéphile se souviendra que dans Circonstances atténuantes en 1939, Dorville chantera Comme de bien entendu en compagnie d’Arletty et de Michel Simon.) On pourrait craindre que la prestation vocale de Chaliapine ne ralentisse l’action proprement dite, mais l’imposante présence physique de l’interprète, sa verticalité, son altérité quasi surréaliste et son sens du tragique l’emportent. « Tous les chevaliers errants sont musiciens et poètes », proclame-t-il pour justifier son chant. L’aisance sereine de sa voix empreinte de mélancolie affirme la noblesse et la bonté du héros. De surcroît, les chansons créent une distance entre les interprètes et leurs personnages. Comme le relève Pierre Eisenreich, « le chant apparaît en décalage avec la réalité de leur sort, les isole du reste du monde ». Il crée en effet « un sentiment d’exil intérieur qui les traverse à leur insu » (G. W. Pabst. Correspondance imaginaire, Tamasa/dvd, Paris, 2019) et marque une solitude rejoignant désormais celle de Pabst lui-même dans son milieu professionnel.
Le film sort en mars 1933 à Paris et à Bruxelles ; le 10 mai à Berlin, Hitler ordonne l’autodafé public (« Bücherverbrennung ») de dizaines de milliers de livres contraires à sa nouvelle politique. À part la revue Filma qui salue « un article de foi en notre démocratie cinématographique » (28.4.33), personne n’aborde la dimension protestataire de l’œuvre. L’accueil critique est poli mais mitigé, l’accueil du public carrément désastreux, en France comme en Grande-Bretagne où il entraîne une perte de 100'000 £ et la banqueroute de Nelson Films en 1935. Jugeant le film trop « arty », United Artists renonce à l’exploiter aux États-Unis. Une version française sous-titrée allemand du film sera distribuée en Autriche encore républicaine en février 1934 par Europa-Film GmbH, mais pas dans le Reich. Inédit aussi dans l’Italie mussolinienne et en Espagne, ce Don Quichotte reste un film pour « happy few ». - Épilogue : décidé à s’installer en France après la prise de pouvoir d’Hitler en Allemagne, Pabst tente vainement d’y monter un film sur un pogrom antisémite hongrois au XIXe siècle (sujet qu’il traitera en 1948 sous le titre de Der Prozess/Le Procès) ; son producteur parisien, le publiciste Louis Dreyfus, craint trop l’extrême-droite française et le cinéaste devra se contenter par la suite de commandes purement commerciales et faire face à des déceptions en tous genres. Son film sera restauré et projeté au Festival de Cannes en 1987. « Contrairement à sa réputation, relèvera à raison Bernard Eisenschitz, Don Quichotte ne marque pas le début du déclin de Pabst. C’est plutôt son dernier film ambitieux, et le dernier où domine sa conception plastique héritée du muet, où une caméra sans cesse en mouvement raconte l’histoire dans des décors imposants. » (Cinémathèque Française, 21.11.2019) - AT (1934) : Don Quichote, DE (tv 1968, v.o. fr. sous-titrée) : Don Quichotte.
1932/33Don Quixote / Adventures of Don Quixote [version anglaise du précédent] (GB) de Georg Wilhelm Pabst [et John Farrow]
Constantin Geftman/Nelson Film (London)-Vandor Film (Paris), 80 min. - av. Fédor Chaliapine (Don Quichotte), George Robey [=Sir George Edward Wade] (Sancho Panza), Sidney Fox (la nièce), Miles Mander (le duc de Fallanga), Emily Fitzroy (la femme de Sancho Panza), Renée Valliers (Dulcinea), Oscar Asche (le chef de la police), René Dannio (Samson Carrasco), Frank Stanmore (le curé), Walter Patch (le roi des gitans), Lydia Sherwood (la duchesse de Fallanga). - La version anglaise du film de Pabst dont John Farrow (cf. supra) a également traduit et supervisé les dialogues. George Robey reprend le rôle de Sancho Panza qu’il a déjà tenu dix ans plus tôt dans le film muet de Maurice Elvey (cf. supra, 1923). Distribution en Grande-Bretagne en mai 1933 par Film Traders Ltd.
1938(tv-mus) Master Peter’s Puppet Show [Les Tréteaux de Maître Pierre] (GB) de Dallas Bower
(BBC 29.5.38), 26 min. - av. Frederick Sharp (Don Quichotte), Parry Jones (Maître Pierre), Jane Connard (Trujamán, le garçon), les Hogarth Puppets et le BBC Television Orchestra.
El retablo de maese Pedro est un opéra de chambre en un acte avec prologue et épilogue, composé en 1922 par Manuel de Falla d’après un épisode du Don Quichotte de Cervantès (chap. XXV et XXVI), œuvre créée au Teatro San Fernando à Séville en mars 1923, en présence de Paul Valéry et de Pablo Picasso. Dans cet « opéra pour marionnettes et chanteurs », Don Quichotte assiste à un spectacle de marionnettes dans la cour d’une auberge espagnole, représentation mise en scène par Maître Pierre et son jeune assistant. Croyant que l’histoire représentée, le conflit entre croisés et Maures, est réel, il intervient lorsque les « infidèles » du roi Marisilio pourchassent les amants chrétiens, Don Gaïferos et la belle Mélisandre, et il sauve ces derniers à la pointe de son épée tout en dévastant les lieux, au grand dam de Maître Pierre qui pleure sur son sort tout en ramassant les débris de son théâtre et de ses marionnettes saccagées. L’hidalgo paie les dégâts ainsi que le dîner qui s’ensuit où il explique que c’était son devoir d’intervenir en tant que chevalier errant.
1947* Dulcinea (ES) de Luis Arroyo
Eduardo Manzanos, Eduardo de la Fuente Vázquez/Galatea Films S.A. (Madrid), 109 min. - av. Ana Mariscal (Dulcinea del Toboso alias Aldonza Lorenzo), Carlos Muños (« El Enfrailado », l’enrumé), Manuel Arbó (Sancho Panza), Lola del Pino (la mendiante), Angel de Andrés (Diego Hernández), José Jaspe (Chiquirnaque), Lepe (Tío Justicia), Santiago Rivero (maître Pedro Martínez), Manuel Requena (Juan el Zurdo, le gaucher), Luis Peña (Sánchez Cocles), Angel Martínez (Lazarillo), Eduardo Fajardo (Ginés de la Hera), Concha López Silva (Cristola), Conrado San Martín (le soldat manchot), Fernando Fresno (l’écrivain), Stanela (La Salmerona), Julia Lajos, Fernando Galiana.
À Tolède se tient le procès d’Aldonza Lorenzo, mi-servante d’auberge mi-prostituée, accusée de sorcellerie par l’Inquisition. Des témoins racontent (flash-back) que Sancho Panza arriva un jour avec une lettre d’amour de son maître, l’hidalgo Don Quichotte, adressée à sa princesse imaginaire Dulcinée, sa dame à secourir et autour de laquelle il a bâti sa quête. Amusés, les villageois font croire à Aldonza que cette missive lui est adressée et la jeune fille crédule, tentant de changer sa vie, se transforme en idéal du chevalier errant. Elle accourt au chevet de Don Quichotte agonisant. Lorsqu’il décède, Sancho Panza lui annonce que le dernier vœu de son maître était qu’elle poursuive sa mission d’aider les nécessiteux et de redresser les torts. Aldonza se décide à l’imiter, obéissant de tout son cœur à la noble cause de son amoureux disparu dont elle devient peu à peu la fille spirituelle. Elle se consacre à une vie pieuse et charitable parmi mendiants, voleurs et prêtres défroqués, et fait même des miracles, jusqu’au jour où on lui révèle la supercherie. Bouleversée, ébranlée dans sa foi, elle demande à être jugée par cette populace féroce et bruyante qui persiste pourtant à l’appeler « Dulcinée, princesse du Toboso ». Ne voulant plus redevenir Aldonza, elle choisit la mort sur le bûcher. Comme Don Quichotte, son dévouement altruiste et idéaliste l’aura menée à l’anéantissement.
Le metteur en scène Gaston Baty, un des grands noms de la rénovation du théâtre français dans les années 1920/30 (issu du « Cartel des Quatre » de Jacques Copeau, avec Jouvet, Dullin et les Pitoëff) est l’auteur d’une seule pièce, la tragi-comédie Dulcinée, écrite et jouée par Marguerite Jamois au théâtre Montparnasse en novembre 1938, en pleine guerre civile espagnole. Baty y exalte les images d’une Espagne profonde, celle de Cervantès, du Lazarillo de Tormes, du picaresque et de la mystique, où le pouvoir de l’idéalisme transcende les sordides réalités, où le rêve est sauveur. Ayant obtenu un franc succès, la pièce est traduite en espagnol et montée – dans une version expurgée, censure nationale-catholique oblige - à Madrid en décembre 1941 où elle reste dix semaines à l’affiche. De passage en Espagne, le cinéaste franco-suisse Jean Choux tente vainement de porter à l’écran le texte original de Baty (mars 1941). La Madrilène Ana Mariscal - qui interprète Aldonza-Dulcinée sur scène - prend la relève en partant, elle, de la version autorisée du texte (elle deviendra en 1953 une des premières femmes réalisatrices du cinéma espagnol) et en confiant la mise en scène à son frère aîné, l’acteur-cinéaste Luis [de] Arroyo. Ce dernier souhaite montrer « l’esprit de Don Quichotte incarné dans une femme ». Tout devient possible avec la fondation de la Galatea Films qui se propose d’encourager une production exclusive de « films authentiquement nationaux » pour soutenir une industrie compétitive. Les personnages de la littérature du pays ont donc en principe l’absolue priorité, pour autant qu’ils correspondent aux canons du régime. Par conséquent, Aldonza n’est ici ni une prostituée ni la mère d’un enfant illégitime mort-né, mais une simple servante orpheline. Tourné en février-avril 1946 aux studios Roptence à Madrid et en extérieurs à Tolède, déclaré « d’intérêt national », le film ne sort cependant que dix mois plus tard et se solde par un échec commercial retentissant, malgré une mise en scène élégante et une photographie ténébreuse et baroque de Manuel Berenguer (King of Kings de Nicholas Ray, 1961) primée par le Circulo de Escritores Cinematográficos. Le public de l’époque semble avoir refusé l’aspect déprimant du film, son féminisme, son suicide final déguisé, ses renvois « hérétiques » aux enseignements chrétiens que l’agnostique Luis Buñuel développera avec hargne une décennie plus tard dans Nazarin ou Viridiana. Le sujet de Baty sera à nouveau porté à l’écran en 1962, de manière plus spectaculaire mais avec guère plus succès (cf. infra).
Un Don Quichotte « purement espagnol »: Rafael Rivelles et Juan Calvo dans le film de Rafael Gil.
1947/48* Don Quijote de la Mancha (ES) de Rafael Gil
Juan Manuel de Rada, Vicente Casanova/CIFESA (Compañía Industrial Film Español S.A., Valencia), 137 min - av. Rafael Rivelles (Don Quichotte), Juan Calvo (Sancho Panza), Fernando Rey (Sansón Carrasco), Sarita Montiel (Antonia), Juan Espantaleón (le curé), María Asquerino (Luscinda), Carmen de Lucio (Tolosa), Guillermina Grin (la duchesse), Guillermo Marín (le duc), Eduardo Fajardo (Don Fernando), José Prada (Trifaldín), Manuel Requena (premier aubergiste), Nani Fernández (Dorotea), Félix Fernández (deuxième aubergiste), Julia Lajos (son épouse), Julia Caba Alba (la gouvernante), Arturo Marín (le majordome de Doña Florida), José María Seoane (Cardenio), Milagros Leal (la meunière), Mariano Alcón (l’insulaire), Fernando Aguirre (Tomé Cecial), Antonio Almorós (Merlin), Matilde Artero (Doña Rodríguez), Mary Cruz (Maritornes), Francisco Bernal (le laboureur), José Cuenca (le machand), Enrique Herreros (le docteur Pedro Recio), Emilio Santiago (Pedro Alonso).
De l’avis général, et pas seulement espagnol, il s’agirait ici – d’un point de vue littéraire - de l’adaptation cinématographique la plus scrupuleuse et la plus cohérente du roman, alignant les divers épisodes dans l’ordre même choisi par Cervantès. Soit. Le film a été mis sur pied à l’occasion des 400 ans de la naissance de l’écrivain, avec l’encouragement appuyé du gouvernement à Madrid. Le pays étant exsangue au sortir de la guerre civile et totalement isolé sur le plan européen, le régime victorieux cherche à masquer, à compenser même cette situation par une propagande triomphaliste mettant en valeur le passé et la culture de la nation (la « hispanidad »). La matière de Cervantès est idéale dans le cadre de la reconstruction d’un imaginaire national commun, ce d’autant plus qu’il s’agit du premier Don Quichotte filmé par des Espagnols (si l’on excepte le court muet de 1908, perdu) et que les patriotes ibériques considèrent la version danoise avec Pat et Patachon (1926) comme une « bouffonnerie », et la version franco-anglaise de Pabst (1933) comme une « trahison » (i.e. pas assez espagnol). Contrairement au Troisième Reich ou à l’URSS, le cinéma de la dictature franquiste n’est pas étatisé, une chance pour la jeune CIFESA qui mise ostensiblement sur des sujets reflétant les valeurs nouvelles et s’est assuré pour la récupération de Cervantès les services de Rafael Gil, ancien critique à la vaste culture, scénariste-cinéaste prometteur (malgré son passé républicain) et bientôt un des noms marquants des années 1940-50. Le chevalier à la Triste Figure est campé par Rafael Rivelles, homme de théâtre valencien issu d’une lignée d’artistes de la scène et père de la vedette Amparo Rivelles ; hormis Don Quijote, ses apparitions à l’écran sont épisodiques ; on le retrouvera par ex. en père supérieur dans Marcelino, pan y vino de Ladislao Vajda (1955) ou en Richelieu dans Cyrano et d’Artagnan d’Abel Gance (1964). A ses côtés, on remarque la fort belle Sara/Sarita Montiel, vedette hispano-mexicaine très populaire qui fera aussi carrière à Hollywood (Vera Cruz de Robert Aldrich) et épousera, entre autres, Anthony Mann. On travaille de mai à octobre 1947 aux studios madrilènes de la Sevilla Films, dans la Manche (les fameux moulins de Campo de Criptana), à Valence, à Tolède et dans la Sierra de Guadarrama ; Doña Carmen Polo de Franco, l’épouse du dictateur, est invitée sur le plateau lors du tournage dans le palais du duc, événement politico-mondain et joli « coup » publicitaire diffusé en salle par le ciné-journal. Gil s’est occupé du découpage technique, mais le « script littéraire » a été rédigé par Antonio Abad Ojuel, journaliste ultra-chauvin qui malmène la deuxième partie du roman et agence une mort religieuse de Don Quichotte (l’agonisant prononce trois fois le nom de Jésus), détail que Cervantès avait « oublié ». Ainsi, devenu sage, le chevalier à la Triste Figure est réintégré dans le moule normatif national-catholique et retrouve sa place d’honneur dans la littérature obligatoire de lycée. Dans le dernier plan apparaît la phrase « Ceci n’est pas la fin, mais le début... ». On peut se demander de quoi ? L’obsession de la (toute relative) fidélité au texte dont se prévaut avec insistance la CIFESA engendre un léger ennui, le texte et l’image obéissant à une dramaturgie très différente ; il manque à cette version académique pourvue d’une musique grandiloquente et d’un jeu un peu déclamatoire de Rivelles un brin de fantaisie loufoque, d’imagination visuelle et d’ironie ; on regrette que le drôle Sancho Panza de Juan Calvo n’y prenne pas plus de place. Mais l’ensemble reste honorable et a été longtemps considéré comme un des points culminants de la production artistique sous Franco. Gil exploite habilement la profondeur de champ, jouant avec le clair-obscur et la luminosité des terres arides de Castille. La critique est globalement élogieuse, mais le public reste indifférent et commercialement, le film – qui a coûté très cher - est un lourd échec malgré son étiquette « d’intérêt national » et son Prix du Syndicat National du Spectacle. La CIFESA se console avec une bonne exploitation à l’étranger – Portugal, Italie, Mexique, Amérique latine, Pologne, même les États-Unis où la copie est amputée d’une demi-heure (1949). Le festival iberaméricain (Certament Cinematográfico Hispanoamericano) prime Rafael Rivelles, Antonio Abal Ojual (scénario) et Alfredo Fraile (photo). – IT : Don Chisciotte della Mancia.
1948 [sortie: 1953]El curioso impertinente [Le curieux malavisé] (ES/IT) de Flavio Calzavara
Joaquín Amorós, Tedy Villalba/Valencia Film S.A., 86 min. - av. Aurora Bautista (Camilla), José María Seoane (Anselmo), Roberto Rey (Lotario), Rosita Yarza (Leonella), Valeriano Andrés (Jacobo), Manuel Kayser (Miguel de Cervantès), Eduardo Fajardo (Giovanni Boccaccio), Ricardo B. Arévalo, Encarna Paso, Miguel Pastor, Carlos Rufart, Eugenia Vera.
Sujet à une jalousie maladive, un mari, Anselmo, suggère à son meilleur ami Lotario de tenter de séduire sa femme Camilla pour mettre à l’épreuve sa fidélité. Une mauvaise idée : à force d’insister, Lotario et Camilla deviennent amants jusqu’au jour où une indiscrétion révèle leur liaison au mari cocu... - Une nouvelle que Cervantès intercale dans la première partie de son Don Quichotte (1605, chapitres 33-38) et que conte le curé Pero Pérez à la foire de Palomeque. Le récit a un dénouement tragicomique : Camilla fuit le domicile conjugal tandis qu’Anselmo meurt de tristesse ; le sujet a également été traité par Guillén de Castro y Bellvís (v. 1608). Le réalisateur vénitien Flavio Calzavara, un ancien assistant d’Alessandro Blasetti lourdement compromis dans le fascisme (il filme même à Salo), se réfugie en 1945 pendant cinq ans en Espagne franquiste où il tourne cette comédie de mœurs située à Florence v. 1500 avec des capitaux hispano-italiens ; le quartier de Ballesteros et les studios de la Sevilla Films à Madrid lui servent de décor. Son film ne sort en Espagne que cinq ans plus tard, exploité seulement dans des salles périphériques, et reste inédit partout ailleurs, peut-être parce que Calzavara et son scénariste Alessandro De Stefani (également auteur d’une adaptation scénique du sujet) sont « blacklistés » dans leur patrie, mais aussi en raison de la censure nationale-catholique qui juge la matière « indigne », sans parler des rapprochements avec Boccace, auteur scandaleux présenté (à juste titre ici) comme l’inspirateur de l’« écrivain national » Cervantès - que le régime célèbre justement en 1948 avec le Don Quijote de la Mancha de Rafael Gil. Le sujet a déjà été porté à l’écran en 1908, puis en versions modernes en 1967 sous le titre de Un diablo bajo la almohada / Calda e infedele / Le Diable sous l’oreiller (ES/IT/FR) de José María Forqué, avec Ingrid Thulin (Camilla), Maurice Ronet (Lotario) et Gabriele Ferzetti (Anselmo), enfin en 1984, intitulé La noche más hermosa (ES) de Manuel Gutiérrez Aragón, avec Victoria Abríl.
1952(tv) Don Quixote (US) de Sidney Lumet
Norris Houghton, Donald Davis/CBS Television Workshop-Columbia (CBS 13.1.52), 30 min. - av. Boris Karloff (Don Quichotte), Grace Kelly (Dulcinea), Jimmy Savo (Sancho Panza), Robert H. Harris (l’aubergiste). – Les débuts dans la réalisation de Sidney Lumet, avec un casting de rêve (émission hélas perdue).
1954(tv) Aventuras de D. Quixote (BR) série de Ciro Bassini
TV Tupi São Paulo (feuilleton).
Ivan le Terrible devient Don Quichotte (Nicolaï Tcherkassov) dans le film de Grigori Kozintsev (1957).
1957*** Don Kikhot (Don Quichotte) (SU) de Grigori Kozintsev
Studios Lenfilm (Leningrad), 150 min./110 min./99 min. - av. Nicolaï Tcherkassov (Don Quichotte), Juri Tolubiejev (Sancho Panza), Tamilla Agamirova (Altasidora), Serafima Birman (la gouvernante), Liudmila Kasyanova (Aldonza Lorenzo, Dulcinea del Toboso), Victor Kolpakov (le barbier), Georgy Vitsin (Sansón Carrasco, bachelier de Salamanque), Bruno Freindlikh (le duc), Lidia Vertinskaia (la duchesse), Olga Viklandt (Krestyanka, la paysanne), Alexander Beniaminov (le berger), Svetlana Grigorjeva (la nièce), Galina Voltchek (Maritorne), Vladimir Maximov (le curé).
Présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 1957, le Don Quichotte soviétique interprété par Nicolaï Tcherkassov (il campa les inoubliables Alexandre Newski et Ivan le Terrible dans les chefs-d’œuvre de S. M. Eisenstein) ne laisse pas indifférent – et en surprend plus d’un. Grigori Kozintsev, un des cinéastes majeurs de l’ancienne génération, auteur avec Leonid Trauberg de fresques muettes mordantes pour la FEKS (« Fabrique de l’acteur excentrique »), un mouvement théâtral futuristere prônant l’excès, le music-hall et le cirque, refait surface après une décennie d’activité surtout théâtrale en attendant la disparition de Staline et le déclin du réalisme prolétarien. Son retour aux adaptations littéraires débute par Cervantès et sera suivi de Hamlet (1964) et de l’éblouissant Roi Lear (1971), l’adaptation la plus saisissante de ce drame difficile à l’écran. En lieu et place de la Castille franquiste – inaccessible pour des techniciens de l’URSS ! -, l’Ukrainien Kozintsev opte pour les paysages désertiques, arides et rocailleux de la Crimée, équivalent plausible des sierras espagnoles où il dirige dès l’automne 1955 cette première production de la Lenfilm en format panoramique Sovscope avec son stéréophonique (le film existe aussi en format 1,37, la plupart des salles russes n’étant pas encore équipées pour l’écran large). Cela donne une suite d’images magnifiquement composées quoiqu’aux teintes un peu froides (Sovcolor), un récit épuré et d’une lumineuse simplicité.
Tout en visant une adaptation canonique, Kozintsev et son scénariste Evgeni Schwarz prennent diverses libertés avec le récit, notamment dans la chronologie des incidents ou rencontres et se permettent quelques interpolations originales (agonisant, l’hidalgo a la vision de sa Dulcinée en costume de cour qui se fond ensuite dans celle de la paysanne Aldonza). À première vue, le chevalier à la Triste Figure apparaît comme un vieil imbécile persuadé que la justice existe encore, un fou à lier qui ne veut pas se laisser lier. Mais Kozintsev insiste sur l’opposition dans laquelle se trouve son hidalgo pathétique face aux blasés corrompus et aux hypocrites, un contraste à la netteté d’un théâtre d’ombres, car les étranges errances de Don Quichotte recouvrent un cri de révolte, de colère, une recherche constante de la dignité humaine en lutte contre les forces qui cherchent à l’abaisser. Kozintsev affirme voire en Quichotte, Sancho et Dulcinée « trois visages du caractère hispanique, le visionnaire, le pratique et l’exalté » (Sight and Sound, automne 1958). On peut lire dans cette perspective romantico-tragique – qui évite d’ailleurs tout anticléricalisme facile - non pas tellement l’idéologie du parti à Moscou que l’influence très marquée de la littérature russe, de Dostoïevski à Gogol et à Tourgueniev (Hamlet et Don Quichotte, 1860) : le récit de Kozintsev devient une variante médiévale de L’Idiot, Quichotte un lointain cousin du prince Mychkine, comme le relève à raison Rafael de España (De La Mancha a la pantalla, Madrid, 2007, p. 75). Émue par son chevalier servant quasi christique, Aldonza perd toute gaucherie et se métamorphose en la Dulcinée bouleversante qu’a révélée la pièce de Gaston Baty (cf. films de 1947 et 1962).
Mourant, Don Quichotte (Nicolaï Tcherkassov) voit Aldonza se transformer en sa Dulcinée (1957).
 La démarche philosophique du cinéaste apparaît dès les premiers exploits de son hidalgo, en particulier dans l’épisode (jusque-là jamais montré au cinéma) du lion en cage que lui présente Altisidora, une mondaine aussi jolie que sournoise cherchant à présenter ce « bouffon le plus divertissant d’Espagne » à la cour ducale. La cage est ouverte, mais, intimidé par Don Quichotte, le fauve refuse de sortir. « Tu te sens seul en Espagne, n’est-ce pas, l’ami ? Et bien moi aussi », lui dit le chevalier tandis que son entourage reste bouche bée. Le lion est, lui aussi, une victime des caprices des puissants. Les étonnantes scènes à la cour (enregistrées dans les studios de Petrograd à Saint-Pétersbourg) reprennent compositions, attitudes et costumes des tableaux de Velázquez, le duc lui-même ressemble à Philippe IV ; les aristocrates s’y déplacent avec une lenteur cérémonieuse, figés comme des figurines de cire, la tête coincée dans des fraises comme dans des minerves, au rythme lancinant de la musique de l’Azerbaïdjanais Gara Garayev (un disciple de Chostakovitch actif au conservatoire de Bakou). « Que connais-tu du monde, moine, en dehors de ta chapelle ? » demande Quichotte au prêtre qui tance son comportement sacrificiel. Face à ce rival déroutant qui amuse la galerie, le bouffon officiel s’inquiète (« attention, celui-ci parle sérieusement ») et pour clore la réception, le duc déclare ironiquement à la victime de leurs mauvaises plaisanteries qu’il leur a démontré combien « la vertu est ridicule, la fidélité grotesque et l’amour une invention idiote ». « Il est plus facile de combattre les géants que les siens » conclut Sancho Panza en s’adressant à son âne. Comme chez Pabst, la charge fatale contre les moulins vient en conclusion, alors que l’hidalgo est encore ébranlé par le traumatisme subi à la cour ; le vent se lève, il s’empêtre dans une aile tournante qui l’emporte et le jette brutalement à bas de sa monture. Sa défaite contre le chevalier de la Blanche Lune est présentée comme une conséquence de ses fractures encore fraîches. Réalisant que tous ses efforts ont été vains, Don Quichotte se laisse littéralement mourir de chagrin, crucifié par la risée des humbles et l’arrogance des autres. En rendant l’âme, il incite Sancho Panza à combattre inlassablement l’injustice et la cupidité.
Hiératique (1m91), la silhouette filiforme, majestueux d’apparence, mais affable de nature, s’exprimant avec modération et douceur, Nicolaï Tcherkassov domine sans effort cette épopée humaniste dans laquelle les scénaristes ont gommé le motif de la folie, ou plutôt, l’ont transféré sur le monde pragmatique autour du chevalier errant, dans la mesure où ses adversaires nient le rêve, les idéaux, et considèrent la noblesse de cœur comme une vaine chimère. Finalement, le roman de Cervantès n’est-il pas l’histoire d’un homme qui s’est trompé de siècle ? Et pour son auteur, la société du XVIIe siècle est devenue cynique et inhumaine faute d’avoir remplacé les idéaux de la chevalerie qu’elle a rejetés.
Outre à Cannes où il ne récolte rien, le film est projeté aux festivals de Vancouver, de Stratford (prix pour Tcherkassov), de Moscou (3 prix, dont la photo), de Bruxelles (Prix Femina) et de San Sébastien (prix du jury 1964). Dépassant les digues idéologiques de la Guerre froide, le New York Times déclare qu’il s’agit « du plus beau et du plus impressionnant film tiré de l’œuvre de Cervantès », tandis que Variety, revenant de Cannes, s’exclame : « les Russes ont battu Mike Todd, Federico Fellini et Jacques Tati » (29.5.57). Quant à la presse communiste française de l’époque, elle n’y voit qu’une célébration costumée d’un « héros du prolétariat » ; à droite, Le Figaro vitupère stupidement contre la « soviétisation » inadmissible du héros, tandis que le spectateur moyen de l’Hexagone semble un peu désorienté, ayant toujours vu en Don Quichotte un personnage plutôt débonnaire et comique. Près de trois décennies plus tard, Edouard Waintrop aura le mot de la fin : « Quand le public soviétique de 1957, un an après le rapport Khrouchtchev, entend Don-Tcherkassov déclarer à la cour qu’il ne voit autour de lui que des ‘ambitieux qui grimpent sur des montagnes de cadavres’, il lui est loisible de se rappeler d’autres ambitieux et d’autres montagnes de cadavres... » (Libération, 30.12.85). Inédit, bien sûr, dans les cinémas de l’Espagne franquiste. – DE-RFA+RDA : Don Quichotte.
1958(tv-mus) Szopka mistrza Piotra (PL) de Jan Kulma
Série « Teatr Telewizji », Telewizja Polska (Warszawa) (TVP 8.12.58). – av. Gustaw Holoubek (Don Quichotte), Zbigniew Rajewski (Sancho Panza), Jan Wilkowski (Maître Pedro), Tadeusz Fijewski (Trujamán, le garçon). - L‘opéra de chambre en un acte El retablo de maese Pedro (Les Tréteaux de Maître Pierre) de Manuel de Falla (1922/23), d’après Cervantès. Cf. téléfilm de 1938.
1959(tv) I, Don Quixote (US) de Karl Genus
Série « The Du Pont Show of the Month » (saison 3, épis. 3), Audrey Maas-Gelen, David Susskind/CBS Talents Associates (CBS 9.11.59), 88 min. – av. Lee J. Cobb (Don Quichotte/Miguel de Cervantes), Eli Wallach (Sancho Panza), Hurd Hatfield (le duc/Dr. Sanson Carrasco), Colleen Dewhurst (Dulcinea /Aldonza/Escalante), Leonardo Cimino (Monipodio), Peter Donat (Luke), Mark Lenard (Pedro), Jack Bittner (le geôlier), Leonardo Cimino (Monipodio), Eva Reis-Merrin (Maria), James Patterson (Anselmo), Al Mancini (Nicolas), Sam Raskyn (Judas Macabeo).
Lorsque Cervantès est incarcéré par l’Inquisition, il élabore en compagnie de ses codétenus l’histoire de son hidalgo en insistant sur la nécessité de l’illusion, du rêve et de la poésie pour améliorer le monde. Le casting du téléfilm ne manque pas d’intérêt, avec Lee J. Cobb (qui vient de percer dans Twelve Angry Men de Sidney Lumet), Eli Wallach et Hurd Hatfield (l’inoubliable Dorian Gray du film de 1945). Un scénario de Dale Wasserman, résultat littéraire de vacances à Madrid, que ce-dernier transformera six ans plus tard en musical sous le titre de Man of La Mancha, avec des chansons de Mitch Leigh (cf. film de 1972).
1960Aventuras de Don Quijote (ES) d’Eduardo García Maroto
Fundacion Española de Cine Infantil (FECI), 45 min./33 min. - av. Angel Falquina (Don Quichotte), Angel Alvarez (Sancho Panza), Trini Montero (Dulcinea), Manuel Arbó (Ventero), Antonio Casas (Vizcaino), Florinda Chico, María Soledad Ayuso, María Cañete, María Rus. – Les premières pages du roman, destinées à un public d’adolescents. C’est le premier segment d’un ensemble qui aurait dû en compter six, tourné en Eastmancolor aux studios Cinearte Madrid, dans les provinces de Ciudad Real (Alcázar de San Juan, Herencia, Campo de Criptana) et de Tolède (El Toboso). Médaille d’argent au festival de Bilbao 1960.
1961(tv) Don Quichotte (FR) de Marcel Cravenne (et Louis Grospierre)
Série « Le théâtre de la jeunesse », Claude Santelli/RTF (1e Ch. 20.+27.4.61), 55 min. + 42 min. - av. Michel Etcheverry (Don Quichotte), Michel Galabru (Sancho Panza), Denise Gence (Prospera), Henri Tisot (Fernando), Jacques Dynam (Andréo), Léon Larive (Don Corchuelo), Pascal Mazzotti (Trifaldi), Isabelle Ehni (Felicia), Christiane Lasquin (Maritorne) Anne Tonietti (Dolorès), Claude Piéplu (le libraire), Roger Mollien (Diego), Espanita Cortez (Juana). – Une toute première version télévisée du roman, sous forme de modeste téléthéâtre didactique en vidéo, adapté par Yves Jamiaque.
1961(tv-mus) Don Quichotte (FR) d’Henri Spade
Radiotélévision française RTF (1e Ch. 22.9.61), 86 min. – av. Xavier Depraz (Don Quichotte), Andrée Gabriel (Dulcinée), Henri Bedex, Jean Clarieux, Paul Deschamps, Jules Lemaire, Serge Trevu, l’ensemble Sol y Sombra de Séville.
Don Quichotte se laisse éblouir par la frivole Dulcinée, qui lui promet son amour s’il récupère un collier volé par des brigands. Ces derniers, impressionnés par le courage et la vertu du bonhomme, lui rendent le bijou. Mais de retour, le « chevalier errant » comprend qu’il s’est fait duper par une coquette. Le chevalier en a le cœur brisé, la foule se moque de lui. De retour chez lui avec Sancho Panza, il s’éteint, fixant dans les cieux une étoile : Dulcinée... Une première captation de l’opéra de Jules Massenet (1910), « comédie héroïque en cinq actes » sur un livret d’Henri Cain, inspiré par la pièce de théâtre Le Chevalier de la Longue-Figure de Jacques Le Lorrain (1904) et jouée pour la première fois à l’Opéra de Monte-Carlo. Un triomphe historique. Le rôle-titre avait alors été conçu pour la basse russe Fédor Chaliapine, qui incarnera Don Quichotte dans le célèbre film de G. W. Pabst en 1933 (cf. supra). L’intrigue se concentre sur l’amour du chevalier errant déjà âgé pour une jeune femme qu’il idéalise, et sa mort - un reflet de Massenet lui-même, épris de la mezzo-soprano Lucy Arbell, pour qui il a créé le rôle de Dulcinée.
1962Don Quijote (ES) de José Antonio del Cañizo
Instituto de Investigaciones y Experiencias Cinematográficas (IIEC), 9 min. – av. José M. Seoane (Don Quichotte), Enrique Navarro (Sancho Panza). - Les aventures apocryphes et le quotidien de Don Quichotte.
José Manuel Martín et Millie Perkins dans « Dulcinea » (1962) de Vicente Escrivá.
1962** Dulcinea. La amada imaginaria / Dulcinea - incantesimo d'amore (ES/IT) de Vicente Escrivá
Vicente Escrivá, Nicola Forte/Aspa Producciones Cinematográficas S.A. (Madrid)-Nivifilm (Roma-Milano), 94 min. - Millie Perkins (Aldonza Lorenzo, devenue la Dulcinée du Toboso), Folco Lulli (Sancho Panza), Cameron Mitchell (le renégat), Hans Söhnker (le juge), José Rubio (le cardinal Giulio Acquaviva, l’Inquisiteur), Walter Santesso (Diego), Vittoria Prada (Blanca), Andrés Mejuto (Don Quichotte), Antonio Garisa (Maître Pierre/Pedro, le marionettiste), Ana María Noé (la femme malade), José Guardiola (le témoin à la cour), Antonio Ferrandis (le mendiant), Yelena Samarina (la gouvernante), José Manuel Martín, José Ramón Giner, Xan das Bolas, Luis Induni, José Riesgo, Narciso Ojeda, Rafael Vaquero.
Cette deuxième et assez libre adaptation hispanique de Dulcinée, la tragi-comédie en deux parties et neuf tableaux de Gaston Baty (Paris 1938) - déjà portée à l’écran quinze ans plus tôt (cf. 1947) - est due au vétéran valencien Vicente Escrivá, docteur ès lettres et depuis 1948 scénariste-producteur complaisant du cinéma franquiste (notamment pour plusieurs superproductions historisantes de la CIFESA et un joli nombre de pensums religieux, sa spécialité). En 1961, il semble faire volte-face et s’impose comme réalisateur avec le drame intimiste El hombre de la isla, primé au festival de Karlovy Vary. Entretemps, le pays s’est ouvert au marché international sous l’influence du ministre Fraga Iribarne et, jetant du lest, l’État a décidé soit d’autoriser soit d’interdire les films, mais de ne plus les mutiler. En adaptant et produisant lui-même Dulcinea, sujet idéologiquement délicat, Escrivá opte d’une part pour un emballage cosmopolite : co-financement avec Rome, le rôle-titre confié à l’Américaine Millie Perkins (révélée en 1959 dans The Diary of Anne Frank de George Stevens), flanquée de son compatriote Cameron Mitchell, des Italiens Folco Lulli et Walter Santesso et de l’Allemand Hans Söhnker ; le Napolitain Giovanni Fusco (8 films d’Antonioni, Hiroshima mon amour de Resnais) compose une musique envoûtante.
D’autre part, Escrivá tourne le dos aux clichés d’une péninsule ibérique ensoleillée, folklorique et accueillante : son Espagne est noire de tourments, c’est un cauchemar qui incite Dulcinée à s’élever au-dessus de sa condition terrestre après avoir découvert dans l’auberge du Toboso, cachée sous une table d’ivrognes et de brutes lascifs, le personnage du chevalier à la Triste Figure dans le spectacle de marionnettes de Maître Pedro. C’est un espace aux paysages vides et brûlés par le soleil, ravagé par les maladies, la violence et la douleur, où pullulent mendiants, faux infirmes et renégats, où règne le désenchantement (« ils nous promettaient la gloire en allant combattre en Flandres », se lamente un ex-soldat en loques). Contournant courageusement la censure d’État, le script égratigne l’Église (dirigée ici par le cardinal Giulio Acquaviva, l’envoyé hautain et indifférent du pape Pie V en Castille) et ses sinistres processions de pénitents et de flagellants en capirote. C’est une foule fanatisée par ses soins qui condamne aux flammes l’ex-prostituée Aldonza, cette pauvre mais ravissante orpheline, abusée, exploitée, devenue la bienfaitrice Dulcinea par fidélité aux idéaux de Don Quichotte. Ses propos chantent la libération d’une femme métamorphosée par le rêve d’un « fou », quoiqu’accusée d’avoir propagé une épidémie de peste en aidant une moribonde (détail inconnu chez Baty) et traitée tantôt de sorcière, tantôt de sainte. Même Sancho Panza, terrorisé par les juges du Saint-Office, la renie publiquement après l’avoir jadis amenée lui-même au chevet de son maître agonisant à Sierra Morena. Dulcinée refuse obstinément de redevenir le souillon qu’elle fut avant sa miraculeuse métamorphose et elle est transportée en cortège au bûcher. « Jure que tu n’es pas Dulcinée et tu seras sauvée », l’a implorée l’Inquisiteur, ce à quoi elle a répondu « Dieu sait qui je suis. » Elle imite en cela Don Quichotte qui, en dépit de la colère du prêtre venu lui apporter les derniers sacrements sur son lit de mort, a refusé de redevenir « normal », c’est-à-dire Alonso Quijano, son identité d’autrefois, seule admissible pour l’État et l’Église (la caméra ne révèle jamais le visage de l’hidalgo). Tel que le montre Escrivá, Dulcinée meurt en martyr christique, et ce parallèle risqué peut expliquer pourquoi le film à échappé à l’interdiction, outre la référence littéraire patrimoniale. (L’appréciation des anciens scénarios du réalisateur comme ceux de La señora de Fátima en 1951, La guerra de Dios en 1953 ou El beso de Judas en 1954 lui ont sans doute valu quelques « protections » en haut lieu...)
Le tribunal du Saint-Office condamne le comportement de Dulcinée (« Duclinea », 1962).
 Le sujet est magnifié esthétiquement par une superbe photographie et des cadrages insolites en noir et blanc de Godofredo Pacheco, une qualité plastique que le futur chef-opérateur de Jess Franco ne retrouvera plus jamais. Ses images très contrastées expriment toute l’aridité d’un cadre humainement inhospitalier. Le style visuel baroque d’Êscrivá est marqué en profondeur par Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman (film qui a fait sensation à Madrid deux ans auparavant), mais aussi par le Jeanne d’Arc de Dreyer et l’Othello d’Orson Welles. De vastes mouvements d’appareil soulignent la distance qui sépare les clercs arrogants et lointains d’une population que la misère, la superstition entretenue et la saleté ont rendue cruelle. On ne peut que regretter que l’ensemble soit parfois alourdi par un trop de dialogues. Tourné sur place en Castille-La Manche, à Tolède, à Cadix et dans les studios madrilènes de Ballesteros et de Chamartín, Dulcinea ne trouve pas son public et finit cantonné dans les salles d’art et d’essai malgré d’assez bonnes critiques (le film ne sera exploité à Barcelone qu’en 1968). Maigre consolation : il est présenté à la nomination pour l’Oscar, projeté aux festivals de Venise 1962, de Mar del Plata 1963 et de Melbourne 1964 et décroche deux médailles du Círculo de Escritores Cinematográficos (CEC) comme meilleur film et pour la meilleure photo. Le prolifique Escrivá ne fera jamais mieux ; brûlé par cet accueil, il se tournera vers un cinéma de pure consommation, exception faite de la télésérie Requiem por Granada (1991) qui propose des horizons inusités en illustrant la fin tragique d’Al-Andalus (cf. chap. 2.1). Quant à Millie Perkins, très convaincante dans son rôle de sainte laïque illuminée par l’authentique noblesse de l’hidalgo, elle va se détourner de Hollywood pour œuvrer dans le cinéma indépendant (Monte Hellman) ou d’auteur (Delphine Seyrig, Wayne Wang, Oliver Stone). À redécouvrir. - US : Girl from La Mancha.
1962/63(tv) El Quijote / Quixote (ES) télésérie de Domingo Almendros
Série « Novela », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 21.10.62-5.2.63), 18 x 30 min. – av. Luis Sánchez Polack (Miguel de Cervantes), José Manuel Martin (Don Quichotte), Joaquín Pamplona (Sancho Panza), Lola Alba (la grand-mère), Amelia Hermida (la nièce), Julio Gorostegui (le curé), Joaquín Escolá (le barbier) Serafín García Vázquez, Antonio García Quijada (les aubergistes). – Série de télévision perdue.
1965(tv-ballet) Aventuras de Don Quijote (ES) de Luisillo [=Luís Pérez Dávila]
Teatro de Danza Española-Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 4.2.65), 60 min. – av. Luisillo (Don Quichotte), Nuria Ranz, Conchita Antón, Carmen Aracena et les Cantores de Madrid.
Une création du Ballet national espagnol dirigé par le légendaire Antonio Ruiz Soler (Antonio « el Bailarín »), dans une mise en scène du chorégraphe mexicain Luisillo alias Luis Pérez Dávila. Il s’agit de la deuxième version du Don Quijote par Luisillo, sur une musique de Federico Moreno Torroba. La première version, dont le titre complet était Aventuras y desventuras de Don Quijote, fut présentée en 1964 au Théâtre de la Zarzuela de Madrid pour rejoindre ensuite le répertoire du Ballet national finlandais. Le flamenco et la tradition classique d’un Marius Petipa s’y mêlaient à la perfection dans un spectacle de plus de 90 minutes. Divisé en sept parties correspondant aux passages les plus célèbres du roman de Cervantès, le ballet se déroule au rythme des « seguidillas » de la Manche et des « jotas » aragonaises, pour former un ensemble que Luisillo veut à la fois linéaire, parfaitement compréhensible et presque théâtral.
1965(tv+ciné) Don Quijote / Don Quichotte / Don Quijote von der Mancha (ES/FR/DE) télésérie de Carlo Rim [collaboration technique : Jacques Bourdon et Louis Grospierre]
Pierre Gout, Sergio Newman, Walter Ulbrich, Henry Deutschmeister/Hispamer Films (Madrid)-Franco London Films S.A. (Paris)-DEROPA Film- und Fernseh GmbH (Friedrichshafen)-ORTF (Paris)-Teledis (Paris) (ORTF 1e Ch. 10.4.66 / ZDF 8.-29.10.65), DE: 4 x 80 min. (326 min.)/FR: 13 x 26 min./ciné: 101 min./82 min. - av. Josef Meinrad (Don Quichotte), Roger Carel (Sancho Panza), Fernando Rey (le duc), Maria José Alfonso (Antonia, la nièce), María Saavedra (Aldonza, la Dulcinée du Toboso), José María Caffarell (l’aubergiste), Sady Rebbot (Sanson Carrasco), Héléna Manson (Geronima), Paul Mercey / Thomas Reiner (Nicolas, le barbier), Elena Boruinel (Teresa, femme de Sancho Panza), Guy Tréjean (le curé), Claire Maurier (la duchesse), Colette Régis (Doloride), Robert Graf (Don Alonso), Wolfgang Kieling (Miguel de Cervantès).
Carlo Rim, artisan besogneux du cinéma franchouillard (L’Armoire volante avec Fernandel, 1948) signe une transposition honnête, sans plus, tournée en noir et blanc de septembre à octobre 1964 en Espagne, à Colmenar Viejo (Ermita de los remedios), Cuenca (Mota del Cuervo, Belmonte), Tolède (El Toboso, Quintanar de la Orden), Ciudad Real (Campo de Criptana) et Madrid (La Pedriza). Une partie du feuilleton écrit par Walter Ulbrich reprend des éléments de la pièce de Gaston Baty dans laquelle Dulcinée se trouve persécutée par l’Inquisition. Don Quichotte, que Carlo Rim n’a pas voulu ridicule ni déséquilibré, est incarné par le Viennois Josef Meinrad, vedette du Burgtheater et une légende dans son pays (il incarnera aussi l’hidalgo sur scène dans Der Mann von La Mancha au Theater an der Wien en 1968) ; il domine cette version télévisée qui sera pourtant boudée en RFA. En 1966, la société espagnole Hispamer remontera la série en deux longs métrages de cinéma, Don Quijote et Dulcinea del Toboso dans le vain espoir de les exploiter en salle ; ils seront diffusés tels quels sur le petit écran en Espagne. – DE-RDA (1969, 13 épis.) : Don Quichotte.
1967Don Quijote (BR) de Haroldo Marinho Barbosa
court métrage. – av. Caetano Veloso (Don Quichotte).
1967(tv-th) D. Quixote (PT) de Victor Manuel
Radiotelevisão Portuguesa (RTP). – av. Santos Manuel (Don Quichotte), Ruy de Matos (Sancho Panza), Mirita Casimiro (Teresa), Zita Duarte (la prostituée / la nièce), Marília Costa (la prostituée / Aia), João Abrantes (le curé), Lima Barreto (le notaire), Guilherme Antunes (Almocreve), Fernanda Coimbra (la gouvernante), João Vasco (le barbier), Mário Pereira (le duc), Marta Ribeiro (la duchesse), Maria do Céu Guerra (Louca / Maritorna), José Luís (Fidalgo), Ricardo Morais (le médecin). - Dramatique de Carlos Avilez d’après la pièce Don Quichotte d’Yves Jamiaque, mise en scène par Jean-Paul Le Chanois au Théâtre des Célestins en 1965.
1968Don Chisciotte e Sancio Panza (Don Quichotte et Sancho Pancha) (IT) de Giovanni Grimaldi
Gino Mordini/Claudia Cinematografica (Roma), 105 min. - av. Franco Franchi (Sancho Panza), Ciccio Ingrassia (Don Quichotte), Fulvia Franco (la duchesse), Umberto D’Orsi (Don Pietro), Franco Giacobini (Don Nicola, le barbier), Paolo Carlini (Don José), Enzo Garinel (le conseiller du gouverneur), Frano Fantasia (le maître d’armes), Aldo Bufi Landi (Don Pedro de Cordova), Mirella Pamphili (la nièce de Don Quichotte), Eleonora Morana (la servante de Don Quichotte), Livio Lorenzon (le voleur), Carlo Delle Piane (le garçon fouetté).
Une version burlesque interprétée par le tandem comique sicilien Franco & Ciccio et tournée en Eastmancolor et Techniscope dans le château Caetani et son bourg médiéval de Sermoneta (Latium), au château de Rota (Tolfa), à San Salvatore (Sardaigne) et aux studios romains d’IN.CI.R.-De Paolis. Soixante ans après le tandem danois de Pat et Patachon, les deux Siciliens – immensément populaires en Italie et spécialisés dans la parodie paresseuse de films à succès – parviennent, surprise, à innover le récit en montrant un duo complice et pas si bête que cela.
1968(tv-df) Don Quijote de la Mancha (ES) de Rafael Ballarín
Teletecnicine International, 11 min. – av. Eugenio Sentis (Don Quichotte), Manuel Cano (narration). – Les paysages de la Manche en Eastmancolor, animés par l’apparition de Don Quichotte.
1970(tv) La fantastica storia di don Chisciotte della Mancia (IT) télésérie de Carlo Quartucci
Radiotelevisione Italiana (RAI 8-29.4.70), 5 x 50 min. – av. Gigi Proietti (Don Quichotte), Claudio Remondi (Sancho Panza), Sabina De Guida (La Tolosa), Zoe Incrocci (la gouvernante), Roberto Lerici (un marchand), Mariella Zanetti (la meunière), Ciro Giorgio (Andrea), Stefano Satta Flores (Maître Nicola), Antonio Meschini (un marchand), Alberto Ricca (le curé), Giorgio Gaslini (le meunier), Sandro Dori (Pietro Alonso), Giancarlo Palermo (le narrateur).
Adaptée par Roberto Lerici et réalisée dans les studios de la RAI à Naples, cette version expérimentale (pas de décors, costumes fantaisistes, caméra visible, musique de jazz) permet à un public d’enfants d’intervenir et poser des questions.
1970(tv) La ínsula de Barataria (ES) télésérie de Cayetano Luca de Tena
Série « Novela », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 28.9.-8.10.70), 5 x 30 min. – av. Roberto Llamas (Don Quichotte), Alfonso del Real (Sancho Panza), Mayrata O’Wisiedo (la duchesse), Miguel Angel (le médecin), Vicente Haro (le majordome), Félix Dafauce (le duc), Manuel Díaz González (le clerc), José Luis Barceló (Maestresala), Rosa de Alba, Conchita Esteban.
Don Quichotte et Sancho Panza dans le château ducal de l’île – imaginaire - de Barataria, où ce dernier est censé occuper le poste de gouverneur que lui a promis son maître, tâche qu’il assume avec un certain succès (deuxième partie du roman).
1971(tv) A vida do grande D. Quixote (PT) de Jorge Listopad
Radiotelevisão Portuguesa (RTP). – av. Alvaro Benamor (Don Quichotte), Nicolau Breyner (Sancho Panza), Fernanda Alves (Teresa Panza, sa femme), Ana de Sá (la fille de Sancho), Leonor Poeira (Dulcinea), António Montez (le barbier), Maria Olguim (la gouvernante), Eduarda Pimenta (la nièce), Fernando Saraiva (Sansão), José Gomes, Manuela Cassola, Melim Teixeira, Mário Sargedas, Baptista Fernandes, Catarina Avelar, Maria João Galope. – Une dramatique d’António José da Silva.
1972(tv-th) Der Ritter von der traurigen Gestalt [Le Chevalier à la Triste Figure] (DE/AT) d’Imo Moszkowicz
Süddeutscher Rundfunk-Saarländischer Rundfunk (ARD 31.10.-1.11.72), 100 + 78 min. - av. Karl-Maria Schley (Don Quichotte), Manfred Lichtenfeld (Sancho Panza), Gaby Dohm (Maritorne), Klaus Herm, Brigitte Dryander, Antje Roosch, Bruno W. Pantel, Maria Graef. – Dramatique d’après la pièce Don Quichotte d’Yves Jamiaque, mise en scène par Jean-Paul Le Chanois au Théâtre des Célestins en 1965. Jamiaque avait déjà signé l’adaptation du téléfilm Don Quichotte de Marcel Cravenne en 1961 (cf. supra).
James Coco, Peter O’Toole et Sophia Loren dans « Man of La Mancha » (1972).
1972Man of La Mancha / L'uomo della Mancha (L’Homme de la Manche) (US/IT/GB) d’Arthur Hiller
Alberto Grimaldi, Arthur Hiller, Saul Chaplin/United Artists-Produzioni Europee Associate (PEA, Roma), 132 min. - av. Peter O'Toole [chant : Simon Gilbert] (Miguel de Cervantès et Don Quichotte), Sophia Loren (la prostituée Aldonza devenue Dulcinea), James Coco (Sancho Panza), Harry Andrews (l’aubergiste / le gouverneur), John Castle (Sanson Carrasco / le duc), Brian Blessed (Pedro), Ian Richardson (le curé), Julie Gregg (Antonia), Gino Conforti (le barbier), Rosalie Crutchley (la concièrge), Marne Maitland (le capitaine de la garde).
Auteur de I, Don Quixote (cf. supra 1959), Dale Wasserman transforme son scénario de téléthéâtre en musical avec l’aide de Mitch Leigh pour les chansons et Joe Darion pour leurs paroles. Sorti au ANTA Washington Square Theater en novembre 1965, puis à Broadway sous le titre de Man of La Mancha, le musical fait un malheur et reste six ans à l’affiche avec un total de 2329 représentations (Richard Kiley dans le rôle-titre). Le spectacle reçoit le Tony Award pour la meilleure comédie musicale et la meilleure partition de l’année tandis que l’air To Dream the Impossible Dream, véritable Evergreen, va faire le tour du monde (interprété en France en 1968 par Jacques Brel). Le spectacle est traduit dans 21 langues. Une aubaine pour Hollywood : Kirk Douglas aurait vainement offert un million de dollars pour les droits, Anthony Quinn se propose de jouer l’hidalgo en tandem avec Cantinflas (1965), Richard Burton et le réalisateur Terence Young s’annoncent pour 1967, mais rien n’y fait, Wasserman reste ferme. Il confie le tout au producteur napolitain Alberto Grimaldi, qui a fait sa fortune avec les italo-westerns de Sergio Leone. Son projet de film est d’abord mis en chantier par Albert Marre, le metteur en scène du spectacle initial à Broadway, qui, faute d’expérience avec la caméra, est vite remplacé par le Britannique Peter Glenville (Becket, A Lion in Winter) qui, lui, recommande Peter O’Toole pour le rôle-titre. Mais Glenville envisageant d’éliminer la plupart des chansons, ce que souhaite aussi O’Toole, il est à son tour remplacé par le jeune Canadien Arthur Hiller, dont la filmographie n’impressionne hélas que les comptables (Love Story, 1970). La photo sur écran panoramique DeLuxe 70 mm est en mains d’un très grand maître, Giuseppe Rotunno (Il gattopardo de Visconti, All That Jazz de Fosse, Amarcord de Fellini), mais plutôt que de s’aventurer dans les paysages hispaniques, le film est tourné de janvier à mai 1972 dans les studios romains de Dino De Laurentiis (Dinocitta) à Rome et brièvement à Tarquinia, dans le Latium, avec quelques retouches en postproduction aux Samuel Goldwyn Studios à Hollywood. L’action reprend en la développant celle du téléfilm de 1959 : emprisonné par l’Inquisition à Séville pour son esprit contestataire (un hippie avant l’heure ?) et molesté par les prisonniers, Cervantès, dramaturge camelot, défend sa cause en racontant, puis en vivant l’aventure tragi-comique de son Don Quichotte dont les compagnons de cellule deviennent les protagonistes. Cela donne une revisitation simplette et conviviale du mythe de l’homme qui « aspire à transformer un monde de fer en un monde d’or », animée par l’interprétation fiévreuse de Peter O’Toole et la sensualité de Sophia Loren (choisis alors qu’ils ne savaient pas chanter !) devant un ensemble de décors sans intérêt. Une falsification mielleuse de Cervantès que Jean Tulard qualifie sans pitié de longue, insipide et laide, tandis que Time Magazine voit en la chanson-culte de l’Impossible Dream l’« hymne le plus impitoyablement lacrymal à l’optimisme imbécile » : ce Don Quichotte-là ne perçoit que la bonté et la beauté chez l’homme. United Artists espérait faire fortune en investissant 12 millions de $ (dont 2,25 millions pour les droits d’adaptation) mais contrairement au musical de Broadway, le film fait un bide magistral. Le National Board of Review américain (qui ne brille pas toujours par son acuité artistique) le classe néanmoins parmi les « Ten Best Films of 1972 ». - ES : El hombre de la Mancha, DE : Der Mann von La Mancha.
1972/73(tv) The Adventures of Don Quixote (GB/US) d’Alvin Rakoff
Série « BBC Play of the Month », Gerald Savory/BBC-Universal Television (BBC 7.1.73 / CBS 23.4.73), 100 min. - av. Rex Harrison (Don Quichotte alias Alonso Quichano), Frank Finlay (Sancho Panza), Rosemary Leach (Dulcinea), Robert Eddison (le duc), Bernard Hepton (le curé), Paul Whitsun-Jones et Michael Golden (les aubergistes), Murray Melvin (le barbier ambulant), Ronald Lacey (le barbier), Roger Delgado (l’officier), Françoise Pascal (une prostituée), Brian Spink (la mort), John Hollis et Walter Sparrow (les prisonniers).
Don Quichotte est invité au château ducal pour rencontrer sa Dulcinée. Un mélange superficiel de télé-théâtre et de cinéma – avec de réels extérieurs en Espagne, à Almagro et Carrión de Calatrava (Ciudad Real), Lagunas de Ruidera (Albacete) et Belmonte (Cuenca) –, le tout agrémenté par la musique de Michel Legrand. Rex Harrison, qui avait renoncé à faire l’hidalgo dans le musical Man of La Mancha en raison de l’insuffisance de sa voix, fait l’intérêt tout relatif de cette production destinée au petit écran.
1972/73* Don Quixote cabalga de nuevo (MX/ES) de Roberto Gavaldón
Roberto Gavaldón, Mario Moreno « Cantinflas », Jacques Gelman, Jos Antonio Junceda/Oscar Producciones Cinematográficas S.A. (Madrid)-Rioma Films (México), 155 min./132 min./125 min. - av. Fernando Fernán Gómez (Don Quichotte), Mario Moreno « Cantinflas » (Sancho Panza), Maria Fernanda d'Ocon (Aldonza Lorenzo, Dulcinea del Toboso), Javier Escrivá (Miguel de Cervantès), Paca Gabaldón (Altisidora), Ricardo Merino (le bachelier Sansón Carrasco), José Orjas (le juge), Emilio Laguna (le duc), Laly Soldevilla (la duchesse), Alberto Fernández (le curé Pedro Pérez), Valeriano Andrès (le barbier), Luis Morris, Rafael Hernández, Manuel Alexandre, María Luisa Ponte.
Initialement un projet mexicain préparé par André de Toth avec Gary Cooper, tous deux passionnés de Cervantès (ils avaient tourné ensemble au Mexique Blowing Wild en 1953), projet repris en 1959 par le producteur Samuel Bronston à Madrid, puis abandonné à la mort de Cooper en mai 1961. Ces « nouvelles cavalcades de Don Quichotte » sont à présent signées par le grand maître du mélodrame criminel mexicain Roberto Gavaldón qui dirige ici un vétéran lettré de la comédie hispanique, Fernando Fernán Gómez, et son équivalent mexicain Cantinflas, farceur bouffon nettement moins exigeant, surtout connu hors frontières pour son interprétation de Passepartout dans le divertissant Tour du monde en 80 jours américain de Michael Anderson (1956) ; en 1969, Cantinflas était d’ailleurs apparu dans Un Quijote sin Mancha de Miguel M. Delgado, une satire sociale sans rapport avec Cervantès. Ici, l’hidalgo invité au château ducal est dupé et aveuglé par la prostituée Dulcinea, déprime en découvrant la supercherie puis « guérit » une fois retombé dans ses fantasmes de chevalerie, comme le constate avec soulagement Sancho Panza. Sans surprises, le clownesque Cantinflas, initiateur et co-producteur nombriliste du film, tire la couverture à lui (le récit illustre exclusivement son point de vue), mais la presse – en général négative - relève la prestation de Fernán Gómez et surtout l’habileté de la réalisation et la splendeur photographique des extérieurs. La production a été filmée en Panavision en septembre 1972 aux studios madrilènes de Roma Film, puis en extérieurs dans la région de Madrid (Talamanca del Jarama, Manzanares el Real, La Pedriza, Torrelaguna), de Guadalajara (Villaseca de Uceda), de Tolède (El Romeral, Consuegra), de Ciudad Real (Puerto de Despeñaperros), de Burgos (palais de Avellaneda) et d’Aranda de Duero. - US : Don Quixote Rides Again.
1973* Don Quixote (Don Quichotte) (AU/GB) de Rudolf Noureyev et Robert Helpman
John L. Hargreaves, Patrick Condon/International Arts, Inc.-The Australian Ballet Foundation-John Hargreaves Productions-Australian International Finance Cop., 111 min. - av. Robert Helpman (Don Quichotte), Rudolf Noureyev (le barbier Basilio), Ray Powell (Sancho Panza), Lucette Aldous (Kitri), Francis Croese (Lorenzo), Colin Peasley (Gamache), Kelvin Coe (Espada), Ronald Bekker (le roi des gitans), Susan Dains (la reine des gitans), Alan Alder (le danseur gitan), Gary Norman (le danseur de Fandango) et The Australian Ballet.
Le ballet en 4 actes et 8 tableaux du chorégraphe franco-russe Marius Petipa sur la musique de Ludwig Minkus (Théâtre Bolchoï 1869) mêle l’intrigue amoureuse de la jeune Kitri/Quiteria et du barbier Basilio à l’odyssée du « chevalier à la triste figure », sa rencontre avec les comédiens ambulants et sa bataille avec les moulins à vent. Une collaboration exceptionnelle de Sir Robert Helpman (The Red Shoes, Coppelius dans The Tales of Hoffman de Powell-Pressburger) et le danseur-chorégraphe Rudolf Noureyev, partenaires favoris de Margot Fonteyn. À 21 ans à peine, Noureyev avait déjà interprété le rôle de Basilio à Leningrad ; après sa demande d’asile spectaculaire en France en 1961, il se battit pour que l’œuvre de Petipa-Minkus, beaucoup jouée à l’Est, soit également connue à l’Ouest. Il élabora une nouvelle chorégraphie en ramenant la création de Petipa à trois actes et un prologue ; à cet effet, John Lanchbery arrangea la musique de Ludwig. Un film-ballet de prestige (coûts : 1,5 millions $) photographié en novembre 1972 par le grand Geoffrey Unsworth (2001 de Stanley Kubrick, Cabaret de Bob Fosse) dans trois hangars de l’aéroport d’Essendon (Melbourne) transformés en studio, puis sorti en première mondiale au Royal Opera House à Sydney.
1973(tv) Don Kihotis (GR) de Takis Mouzenidis
Théâtre National de Grèce (N.T.G., Athène)-Elliniki Radiofonía Tileórasi (EIRT 25.12.73). - av. Manos Katrakis (Don Quichotte), Pantelis Zervos (Sancho Panza), Hloi Liaskou (Dulcinea), Joly Garbi (Teresa Panza), Theano Ioannidou (la gouvernante), Miranta Zafiropoulou (Kitri), Dimitris Veakis (le duc), Nasos Kedrakas (Nicholas), Angeliki Kapelari (l’aubergiste), Maria Skountzo, Anni Paspati, Karmen Rouggeri, Nefelli Orfanou, Thodoros Moridis. - Dramatique d’Yves Jamiaque traduite par Pavlos Matesis.
1973(tv) Don Quijote de La Mancha (AR)
Série « Platea 7 », Canal 7 Argentina (Buenos Aires). - av. Carlos Muñoz, Esteban Serrador, Lía Gravel, Juan Vehil, Walter Beltrán, Alfredo Duarte, Walter Santa Ana.
1976The Amorous Adventures of Don Quixote & Sancho Panza / Superknight / When Sex Was a Knightly Affair (BE: La Vie érotique de Don Quichotte) (US) de Raphael Nussbaum
Raphael Nussbaum, Roberta Reeves/Dalia Productions, Inc., 127 min./104 min. - av. Corey John Fischer (Don Quichotte), Hy Pyke (Sancho Panza), Shmuel Livneh (Pedro), Adriana Van Hemert (Maria), Roberta Reeves (Pilar), Sandy Carey (Anna), Olivia Enke (Rosetta), Patrick Wright (Eduardo), Maria Aronoff (Roxana), Patrice Rohmer (Carla), Barry Cooper (le chef des gitans). – Film X sans surprises, avec chansons et extérieurs en Espagne.
1979(tv) Un mito llamado Dulcinea / Dulcinea (ES) de Juan Guerrero Zamora
Série « Los mitos », Cinetécnica/ Radiotelevisión Española, Madrid -Films 77 (TVE 11.1.79), 50 min. – av. Nuria Torray (Dulcinée), Angel Picazo (Don Quichotte), Alfonso del Real (Sancho Panza), Mari Carmen Prendes (Celestine). – Dulcinée refuse de se transformer en fantasme de Don Quichotte.
1980(tv) L’ingénieux Don Quichotte (CA) télésérie de Pierre-Jean Cuillernier
Société Radio-Canada Montréal (Québec) (SRC 16.7.80-9.6.81), 39 x 30 min. – av. Normand Chouinard (Miguel de Cervantès), Robert Gravel (Don Quichotte), Jean-Pierre Chartrand (Sancho Panza), Michèle Deslauriers (Aldonza, la Dulcinée), Norman Brathwaite (Vivaldo), Mireille Deyglun (Clara), Pauline Lapointe (Rosita), Gaston Lepage (Fernando), Normand Lévesque (Ramon), Pauline Martin (Flora Parfumo), Louise Portal (Isabella), Evelyn Regimbald (Mathilda), Ghyslain Tremblay (Claudio).
1980(tv) Dulsineya Tobosskaya [La Dulcinée du Toboso] (RU) de Svetlana Druzhinina
Gostelradio SSSR-Mosfilm (Moskwa), 134 min. (2 parties). – av. Natalya Gundareva [chant : Yelena Kamburova] (Dulcinea alias Aldonza), Boris Plotnikov (Don Luis de Carrasquil), Aleksandr Nazarov (Sancho Panza), Valentina Talyzina (la mère d’Aldonza), Armen Dzhigarkhanyan (le père d’Aldonza), Borislav Brondukov (le fiancé d’Aldonza), Ekaterina Durova (Sanchika), Tatyana Pelttser (DoñaTeresa), Sergey Nasibov, Tatyana Volochina.
Sept ans après la mort de Don Quichotte et la parution du roman de Cervantès, la paysanne Aldonza prend le nom de Dulcinée et cherche à poursuivre son combat pour la justice, la chevalerie et la protection des miséreux, mais aucun homme qu’elle approche se montre à la hauteur de la tâche, quoiqu’elle trouve quelque ressemblance avec son idole chez le jeune Don Luis de Carrasquil, rencontré à Tolède... Une pièce d’Alexandre Volodine parue en 1971, transformée en comédie musicale, puis adaptée pour la télévision soviétique par l’auteur lui-même (studios de la Mosfilm). Les extérieurs sont filmés en été 1980 en Azerbaïdjan, à Bakou (rues de Tolède dans la vieille ville d’Icheri Sheher) et dans la réserve de Gobustan. Vladimir Poutine a nommé l’actrice-réalisatrice Svetlana Druzhinina « artiste du peuple ».
1980(tv-th) D. Quixote (PT) de Victor Manuel
Victor Manuel/Radiotelevisão Portuguesa (RTP). – av. Santos Manuel (Don Quichotte), Ruy de Matos (Sancho Panza), Maria Albergaria, Fernando Côrte Real, Alvaro Faria, Lia Gama, Carlos Freixo, Luis Rizo, Luisa Saiguereiro, João Vasco, António Évora. - Dramatique de Carlos Avilez d’après la pièce Don Quichotte d’Yves Jamiaque.
1981(tv-th) Don Kihot i Sanco Pansa (YU) de Zdravko Sotra
Série « TV teatar », Radiotelevizija Beograd (RTB 21.8.81), 120 min. - av. Vladimir Popovic (Don Quichotte), Predrag Lakovic (Sancho Panza), Tamara Miletic (Antonija / la princesse) Ljubica Sekulic (Aldonza Lorenzo), Vesna Ilic (Deomacica), Ljubisa Bacic (Nikolas), Dusan Pocek (Svestenik), Miodrag Milovanov (Sanson Karasko), Radomir Sobota (Palomek Levsa), Rista Djordjevic (la duchesse), Irena Prosen (le duc).
Une adaptation de la pièce du romancier russe Mikhail Boulgakov (auteur de Le Maître et Marguerite), rédigée en 1938, mais restée inédite sous Staline (quoique certains affirment qu’elle fut jouée à Moscou après la mort de l’écrivain, en 1940/41, puis reprise au théâtre Vakhtangov). En mourant, Don Quichotte s’y fait le porte-parole des victimes des systèmes totalitaires.
1982(tv) Mi Señor Don Quijote (MX) de Rafael Corkidi
Canal 11, 30 min. – av. José González Márquez. - Adaptation du premier chapitre du roman.
1984(tv+ciné) Don Chisciotte (IT) de Maurizio Scaparro
Marisa Bellini, Fulvio Fo, Roberto Cicutto/Teatro Popolare di Roma-Cooperativa Servizi Audiovisivi (CSA)-Istituto Luce-Italnoleggio Cinematografico-RAI (RAI Due 29.12.85), tv : 5 x 44 min./ciné : 100 min./85 min. - av. Pino Micol (Don Quichotte), Beppe Barra (Sancho Panza), Franca Gonella, Concetta Barra, Sandro Merli, Franco Alpestre, Marisa Mantovani, Fernando Pannullo, Laura Fo, Isa Gallinelli, Evelina Nazzari, Omero Capanna, Paolo Sassanelli, Marina Confalone et le groupe catalan Els Comediants.
Cervantès recréé dans un espace théâtral fermé et austère, copié sur celui du Teatro Argentina romain (XVIIIe s.) et reconstitué à Cinecittà. Un projet multimédia ambitieux et expérimental de l’homme de théâtre Maurizio Scaparro qui le présente d’abord sur scène à Spolète au Festival dei Due Mondi (3.7.1983), puis à Rome, à San Francisco et à Los Angeles, en fait une télésérie, puis un film en Eastmancolor pour le grand écran. Scaparro développe la dimension tragique de Don Quichotte qui « recherche l’âge d’or alors qu’il vit dans l’âge de plomb ».
1984(tv-ballet) Don Quixote (Kitri’s Wedding), a Ballet in Three Acts (US) de Mikhail Barychnikov (th) et Brian Large (tv)
NVC Arts (National Video Corporation)-American Ballet Theatre-Metropolitan Opera (New York) (PBS 1.5.84), 86 min. – av. Richard Schafer (Don Quichotte), Brian Adams (Sancho Panza), Mikhail Barychnikov (Basilio), Cynthia Harvey (Kitri), Victor Barbee (Gamache), Patrick Bissell (Espada), Gilma Bustillo (Mercedes), Valerie Madonia (Dulcinea). – Le ballet en 4 actes et 8 tableaux du chorégraphe franco-russe Marius Petipa sur la musique de Ludwig Minkus (Théâtre Bolchoï 1869). Captation d’une représentation de l’American Ballet Theatre au Metropolitan avec l’ex-star du Bolchoï Barychnikov, passé à l’Ouest dix ans plus tôt. Cf. film de 1973.
1988(ciné+tv) Zhitiye Don Kishota i Sancho / Tskhovreba Don Kikhotisa da Sancho Panchosi (La Vie de Don Quichotte et de Sancho) (SU/ES) télésérie de Revaz Tchkheidzé [Chjeidze]
Gouziafilm [Georgia-Film]-Euskal Irrati Telebista (ETB)-Grupo Miguel Sánchez Mijante (Madrid), 343 min. (2 parties / 5 épis.)/268 min. (4 épis.)/ film : 70 min. - av. Kokhi Kaavsadzé (Don Quichotte), Mamouka Kikaleichvili (Sancho Panza), George Lasha (Don Lorenzo de Miranbda), Teimuraz Tsiklauri (Éétès, roi de Colchide), Ramaz Shkikvadze, Boadur Tsuladze, Leonid Kuravlyov, Avtandil Makharadze, Shakro Djordjadze, Tamari Skhirtladze, Nino Lapiashvili, Anastasiya Vertinskaya.
Une variation libre sur les personnages et aventures du roman de Cervantès, diffusée à la télévision géorgienne d’abord en 9 épisodes. Le récit assez confus et ennuyeux comporte reconstitutions, du ballet et du théâtre de marionnettes, puis s’achève sur Don Quichotte et Sancho Panza perdus dans le trafic automobile du Madrid actuel. Tourné entre 1985 et 1987 en Géorgie et en Espagne.
1990(tv-th) Dulcineia (PT) d’Artur Ramos
Maria Helena Cardoso/Radiotelevisão Portuguesa (RTP 23.12.90). - av. José Viana (Don Quichotte), Carlos Gonçalves (Sancho Panza), Henriqueta Maia (Felícia), Fernando Gomes (Pandorga), Benjamin Falcão (Carranca), Fernando Luís (Espadilha), Carlos Daniel (Don Roberto), Alexandra Leite (Rosicler), Ruy Furtado (Bandurra), Paulo Ferreira (Jocriz), Fernanda Montemor (Crispola), Irene Cruz (Florinda), Joaquim Monchique (Silvano). - Dramatique d’après la tragi-comédie Dulcinée de Gaston Baty (cf. film de 1947).
1992(vd-mus) Master Peter’s Puppet Show (CA) de Larry Weinstein
Opera Atelier, 30 min. – av. Justino Díaz (Don Quichotte), Jeannette Zingg (Melisendra), Joan Cabero (Maître Pedro), Xavier Cabero (Trujamán, son assistant), Marshall Pynkoski (Don Gayferos). - L‘opéra de chambre en un acte El retablo de maese Pedro (Les Tréteaux de Maître Pierre) de Manuel de Falla (1922/23), d’après Cervantès. Cf. téléfilm de 1938.
Un des meilleurs Don Quichotte de l’écran : Fernando Rey, ici avec Alfredo Landa (tv 1992).
1992*** (tv) El Quijote de Miguel de Cervantes (Don Quichotte) (ES) télésérie de Manuel Gutiérrez Aragón
Emiliano Piedra/ Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 29.1.-26.2.92), 5 x 90 min./310 min./180 min. - av. Fernando Rey (Don Quichotte), Alfredo Landa (Sancho Panza), Francisco Merino (le curé), Manuel Alexandre (le barbier), Emma Penella (Teresa Panza), Aitana Sánchez-Gijón (Dorotea), José Luis Pellicena (Miguel de Cervantès), Esperanza Roy (Maritornes), Fermi Reixach (Cardenio), Eusebio Lázaro (Ginés de Pasamonte), Alejandra Grepi (Luscinda), Rafael Alonso (le grand-père).
Nommée Directrice générale de la Radio et de la Télévision espagnole en 1986, la cinéaste socialiste Pilar Miró confie à son prestigieux confrère cantabrais Manuel Gutiérrez Aragón la tâche de créer pour le petit écran une version du chef-d’œuvre de Cervantès qui soit d’une fidélité exemplaire. Gutiérrez Aragón, l’homme de lettres et le réalisateur le plus primé de sa génération, à Berlin comme à Saint-Sébastien – son film El corazón del bosque en 1978 est d’une grande complexité politique sur les séquelles de la Guerre civile -, hérite ainsi d’une production de la TVE particulièrement onéreuse à laquelle il confère une fluidité, une intelligence et un souci d’exactitude rare - le tout étant filmé bien sûr dans La Manche et en Estrémadure, un tournage laborieux qui s’étire d’avril 1990 à juillet 1991. Camilo José Cela, ennemi de Franco et prix Nobel de littérature (1989), est chargé du scénario, mais son travail doit être revu par divers professionnels. El Quijote ne traite toutefois que la première partie du roman, celle de 1605 (à la fin l’hidalgo est ramené au village en cage), mais le cinéaste s’applique à la respecter dans les moindres détails et en réunissant la crème des comédiens de l’audiovisuel espagnol. Pour le rôle-titre, on envisage d’abord Vittorio Gassman, mais c’est Fernando Rey qui est retenu, le meilleur choix possible. Rey décroche (entre autres) avec cette série le prix d’interprétation au Festival de Télévision de Cannes 1992 et la Fotograma de Plata. Il joue pour la quatrième fois dans une adaptation du roman (cf. 1947, 1965 et 1992, sans parler de son commentaire audio pour la version d’Orson Welles, 1992) et il reste à ce jour le Don Quichotte le plus crédible, comme le confirme le succès cathodique et médiatique considérable de la série. Le très populaire Alfredo Landa (125 films, prix d’interprétation à Cannes 1984 pour Les Saints innocents de Mario Camus) campe Sancho Panza. La deuxième partie du roman est confiée à Mario Camus, mais elle restera dans les tiroirs, faute de script satisfaisant. Ce sera à nouveau Gutiérrez Aragón qui la réalisera onze ans plus tard – et cette fois sur grand écran – avec le long métrage El Caballero Don Quijote (cf. 2002).
Une peinture d’Orson Welles et Francisco Reiguera, son Don Quichotte à l’écran.
[1957-]1992* Don Quijote de Orson Welles (Don Quichotte) (ES/IT/US) d’Orson Welles [montage et post-production : Jess Franco]
Oscar Dancigers, Francisco Lara Polop, Alessandro Tasca, Patxi Irigoyen, Orson Welles, Oja Kodar/El Silencio Producciones S.A. (Barcelona), 116 min. - av. Francisco Reiguera (Don Quichotte), Akim Tamiroff (Sancho Panza), Orson Welles (lui-même), Patricia McCormack (Dulcie alias Dulcinea), Tamara Shane (sa préceptrice), Paola Mori (la motocycliste), Beatrice Welles (l’enfant), Juan Serrano, Tony Fuentes, Oja Kodar, Henry Fonda, Constantino Romero et Alan Wenger (la voix de Don Quichotte), Edwad Marcus (la voix de Sancho Panza, narration), Constantino Romero (narration espagnole), Fernando Rey (narration de la scène finale).
Ce film posthume d’Orson Welles résume une aventure cinématographique de plus de vingt ans que la mort du réalisateur en 1985 n’a pas permis de mener à son terme. Ce que nous en conservons laisse entrevoir une création très personnelle, sous la forme d’une actualisation des aventures donquichottesques censée rendre perceptible l’anachronisme du chevalier égaré et de son rêve. En juin 1957, alors qu’il achève Touch of Evil à Hollywood, Welles décide d’adapter Cervantès à l’instigation de son ami Frank Sinatra qui lui a proposé un téléfilm (CBS-TV) d’une demi-heure sur la deuxième partie du roman, avec Charlton Heston en vedette. L’affaire n’aboutit pas faute de disponibilités, mais le cinéaste a déjà envisagé la matière en 1955, faisant des tests dans le bois de Boulogne à Paris avec Mischa Auer pour le rôle-titre et à ses côtés le truculent Akim Tamiroff comme écuyer, ses deux interprètes de Mr. Arkadin. Welles concrétise donc un vieux rêve auquel il veut s’attaquer en toute liberté, sans avoir de comptes à rendre à personne : le tournage est improvisé, sans scénario fixe, restreint à deux comédiens voués corps et âme au projet, à une équipe minimale et sans prise de son direct. Il en tourne la majeure partie entre 1957 à 1969 au Mexique (Ciudad de México, Puebla, Tepoclan, Texcoco, Rio Frio, avec Juan Luis Buñuel comme assistant), mais aussi en Italie (août 1959 à Rome, Manziana, Fregene, Civitavecchia), enfin en Espagne (Séville et Pampelune, été 1961). Don Quichotte est interprété par l’acteur espagnol Francisco Reiguera, un républicain interdit de séjour dans son pays et exilé au Mexique où il survit dans de petits rôles (mort en 1969), tandis que Tamiroff, fidèle compère wellesien d’origine georgienne (décédé en 1972), mime Sancho Panza avec un faux nez. Welles, qui considère son film de fiction comme un « exercice privé », un « work in progress » financé au petit bonheur, continue à y travailler de manière intermittente jusqu’à la fin de sa vie, sans être pressé de l’achever (en 1971, il opte un temps comme titre alternatif When Are You Going to Finish Don Quijote ?). Il ne saurait donc être question ici d’un « film maudit » que d’autres ont empêché d’exister. Parallèlement, Welles fabrique pour la télévision italienne 9 épisodes de 30 minutes réunis sous le label de Nella terra di Don Chisciotte, une série documentaire diffusée par la RAI en 1964/65.
Don Quichotte arbore une culotte bouffante et Sancho des habits de paysan du XVe siècle, mais tous deux parcourent l’Espagne du XXe siècle : le monstre à terrasser est à présent une motocycliste (Paola Mori, alors l’épouse de Welles, sur une Vespa), le chevalier descend dans l’arène d’une corrida pour défendre un malheureux taureau contre un picador qui le persécute, les moulins sont des pelleteuses de chantier et le cinéma est le produit de dangereux « enchanteurs ». Il intervient armé dans une procession de la Semaine Sainte, cherchant à libérer les malheureux « prisonniers gardés par des bourreaux encagoulés » et qui défilent devant leurs « épouses en pleurs ». Parti à la recherche de son maître, Sancho découvre le monde moderne, est fasciné par les images de télévision montrant une fusée en route pour la lune, puis s’égare dans le trafic automobile et les foules de la fiesta de San Firmín à Pampelune (où rôde Henry Fonda). Mais le projet global ne cesse de se modifier au cours des années, passant de trois aventures de l’hidalgo halluciné racontées en images naïves à une fillette du XXe siècle pour devenir un essai sur l’Espagne contemporaine, voire la confrontation des valeurs universelles avec les réalités du présent. « Si seulement nous savions où nous allons ! » soupire Sancho Panza dans un passage indéterminé, résumant peut-être la perplexité du cinéaste lui-même. Résultat : une montagne de bobines de film ni annotées ni numérotées et dispersées à tout vent.
C’est le réalisateur espagnol Jess Franco, prolifique figure du cinéma-bis (200 films de sexe et d’horreur) et proche de Welles dont il a dirigé la seconde équipe pour Chimes at Midnight (Falstaff), qui est chargé en 1989 par le producteur Patxi Irigoyen d’entreprendre le montage et la sonorisation de la pellicule retrouvée, soit plus de 40'000 mètres en 35 et 16 mm, en intégrant aussi des images des reportages de la RAI, mais pas le matériel filmé à Rome, bloqué pour des raisons juridiques. (En 1986, Costa-Gavras avait déjà réuni un montage de 40 minutes sous les auspices de la Cinémathèque française.) Le résultat – pas inintéressant pour des cinéphiles pointus mais néanmoins bâclé, ennuyeux et sans fil conducteur - laisse perplexe et fâche les proches de Welles qui crient à la « mutilation » (sa compagne Oja Kodar, sa fille Beatrice Welles). L’assemblage de Jess Franco permet de sortir Don Quijote de Orson Welles en avril 1992 à l’Exposition universelle de Séville, non loin du village andalou où sont répandues les cendres de l’exubérant cinéaste américain. Une projection au festival de Cannes suit en mai, mal reçue par la critique. On peut regretter avec Jean-Pierre Berthomé et François Thomas que « la postérité ne respecte pas le droit [du créateur] à l’inachèvement », car tel quel, un montage de ce matériel selon le bouillonnement d’idées du génial auteur de Citizen Kane, et en absence de la moindre note écrite, s’avère simplement infaisable (Orson Welles au travail, Paris, 2006, p. 228). Pour éclairer un peu ce brouillon à peine lisible d’une œuvre, un documentaire espagnol de 90 min. relatant ces mésaventures sort en l’an 2000 : Orson Welles en el país de Don Quijote / Orson Welles in the Land of Don Quixote de Carlos Rodríguez Sanz, diffusé le 5.11.00 sur Canal+. C’est hélas par cela qu’il aurait fallu commencer.
1993(tv-mus) Der Mann von La Mancha (AT) de Dietmar Pflegerl (th) et Felix Breisach (tv)
Hannes Fellinger, Kurt Raunegger/Stadttheater Klagenfurt-Österreichischer Rundfunk (ORF), 94 min. - av. Karl Merkatz (Don Quichotte et Miguel de Cervantès), Helmut Wallner (Sancho Panza), Dagmar Hellberg (Aldonza, Dulcinea), Werner Prinz (Dr. Sansón Carrasco), Freya Schumann-Bertolini (Antonia), Karl Oblasser (le curé), Josef Nadrag (l’aubergiste), Alexander Nagy (le barbier). – La version allemande du musical Man from La Mancha de Dale Wassermann (1965) sur une musique de Mitch Leigh, porté à l’écran en 1972 (cf. supra). Karl Merkatz tient aussi son rôle sur scène au Stadttheater Klagenfurt (1994) et à la Volksoper de Vienne.
1997Don Kishot vozvratchtchayetsya / Don Kihot se zavr’sca (Le Retour de Don Quichotte) (RU/BG) d’Oleg Grigorovich et Vassili Livanov
AM Studio-Boyana Film-Bolgarski Natsionalni Kinotsentr-ARK Film-NFB-Bank Aeroflot/Goskomkino Rossii-Tepko Bank, 110 min. – av. Armen Dzhigarkhanyan (Sancho Panza), Vassili Livanov (Don Quichotte), Valentin Smirnitsky (Padre Pérez), Tzvetana Maneva (Doña Teresa), Stefan Danailov (le duc), Stoyan Aleksiev (Maître Nicolas), Elena Petrova (Aldonza), Boris Livanov (Sanson Carrasco), Velina Doyginova (Antonia), Lyudmila Cheshmedzhieva (la duchesse), Stepan Dzhigarkhanyan (Don Miguel), Vylcho Kamarashev (le forgeron Rodriguez), Kirill Kavadarkov (Jua Alduro), Piotr Gyurov (le roi des gitans).
Une version chantée, récompensée par le Prix du Jury du IVe Festival du Film Russe 1998. Le réalisateur vétéran Vassili Livanov prend ses distances avec l’image idéalisée et tragique du héros qui, selon lui, serait née au siècle des Lumières, et dénonce chez Don Quichotte l’obsession infantile qui le pousserait à se rebeller contre des lois et comportements parfaitement raisonnables. Du soviétisme terre-à-terre pour un public peu difficile, filmé (platement) en Bulgarie.
1999(tv) Don Quixote (Don Quichotte) (US) de Peter Yates
Dyson Lovell, John Lithgow/Hallmark Entertainment (TNT 2.4.2000 / RTL 22.6.2000), 150 min./120 min. – av. John Lithgow (Don Quichotte), Bob Hoskins (Sancho Panza), Isabella Rossellini (la duchesse), Vanessa L. Williams (Dulcinea/Aldonza), Lambert Wilson (le duc), James Purefoy (Sanson Carrasco), Amelia Warner (Antonia) Tony Haygarth (le barbier), Peter Eyre (le curé), Lilo Baur (Teresa Panza), Trevor Peacock (l’aubergiste), Alun Raglan (Rodriguez), Linda Bassett (la ménagère), Michael Feast (le docteur), Graham Crowden (Montesino).
Une version télévisée pour familles, peu imaginative et trop lente pour la jeunesse. Selon l’Anglais Peter Yates (qui réalisa le polar endiablé Bullitt avec Steve McQueen en 1968), il ne s’agit pas d’une « histoire de fou, mais de celle d’un homme qui rampe dans un univers de médiocrité ». Soit - mais hélas, on reste au niveau des intentions, car, peu conséquent, le cinéaste prend l’inutile liberté de montrer ce que son hidalgo voit (les moulins se transforment en monstres). Autre bizarrerie que ce saut temporel dans le dernier quart du film, lorsque le duc, la duchesse et leurs invités paradent en costumes du XIXe siècle. Enfin le tout est filmé en mai-juillet 1999 en Andalousie (Puerto de la Duquesa, Ronda, région de Malaga), région aux couleurs plus vives, en remplacement de la Manche, jugée trop aride. Notons qu’en 1971 déjà, Peter Yates envisageait un Don Quixote avec Richard Burton et Topol ; son téléfilm court-circuite un autre projet annoncé dès 1997, signé Fred Schepisi, avec Robin Williams et John Cleese.
1999Midzaxvuli Raindebi [Les Chevaliers enchaînés] / Prikovannye rycari (GE/RU) de Goderdzi Chojeli
Quartuli Pilmi (Tbilissi)-Kino Most (Moskwa), 91 min. – av. Kaji Kavsadzé (Don Quichotte), Guivi Berikashvili (Sancho Panza). Ramaz Chjikvadzé (Sire Luarsab), Tristan Saralidzé (Dato), Nika Chojeli (Majrare), Manana Gamtsemlidzé (Daredzhan), Beso Jidasheli (Padre Jorge). – Un mélange exotique d’incidences donquichottesques et de folklore géorgien, avec intermèdes musicaux.
2000(tv-mus) Don Quichotte (FR) de Gilbert Deflo (th) et François Roussillon (tv)
France 3-Mezzo-Opéra National de Paris/Bastille-François Roussillon et Associés-Ueki & Associés (Mezzo)-CNC (TV Mezzo), 125 min. – av. Samuel Ramey (Don Quichotte), Carmen Oprisanu (Aldonza ou Dulcinée), Jean-Philippe Lafont (Sancho Panza), Jaël Azzaretti (Pedro), Allison Cook (Garcias), Jean-Pierre Trévisani (Rodriguez), Gérard Théruel (Juan), Georges Daum (le chef des bandits).
L’opéra de Jules Massenet (1910), « comédie héroïque en cinq actes » sur un livret d’Henri Cain, inspiré par la pièce de théâtre Le Chevalier de la Longue-Figure de Jacques Le Lorrain (1904). - Cf. film de 1961.
Juan Luis Gallardo dans « El caballero Don Quijote » (2002).
2002* El caballero Don Quijote (ES) de Manuel Gutiérrez Aragón
Juan Gona/Gonafilm S.L. (Madrid)-Ente Público Radio Televisión (Madrid)-Television Autonómica Valenciana S.A. (TVV)- Radiotelevisión Española, Madrid (TVE)-Canal+España-Mahou-Creativos Asociados de Radio y Televisión (CARTEL)-Telemadrid-Televisión de Castilla La Mancha-TAV, 122 min. – av. Juan Luis Gallardo (Don Quichotte), Carlos Iglesias (Sancho Panza), Marta Etura (Dulcinea / la paysanne), Santiago Ramos (Sansón Carrasco), Joaquín Hinojosa (le duc), Emma Suárez (la duchesse), José Luis Torrijos (le curé), Victor Clavijo (le barbier), Maria Isasi (la nièce), Pedro Miguel Martínez (Don Alvaro), Patricia Villena (sa fille), Carmen Machi (Teresa), Juan Diego Botto (Tosilos), Paco Merino (le médecin Recio), Fernando Guillén Cuervo (le secrétaire du duc), Keti Manver (la gouvernante), Manuel Alexandre (Montesinos), Manuel Manquiña (Merlin).
Cette suite du brillant téléfilm de 1992, aussi réalisée par Manuel Gutiérrez Aragón, aborde la deuxième partie du roman sous forme d’un long métrage cinématographique. Fernando Rey, chevalier errant idéal, étant décédé en 1994, le rôle revient à Juan Luis Gallardo, un acteur chevronné vu chez Carlos Saura, Fernando Trueba et J. L. Berlanga. L’interprétation du texte est toutefois moins littérale que la série télévisée ; elle se veut implicitement une réflexion filmique sur les mécanismes de la narration et de la représentation, le cinéaste voyant en son héros une sorte d’acteur qui se déguise en Don Quichotte pour pouvoir partir à l’aventure. Car en apprenant que la flotte turque menace la côte méditerranéenne, Don Alonso Quijano reprend son armure vieillotte et son identité de justicier halluciné pour repartir au combat, flanqué de son inséparable écuyer, ce malgré l’opposition affolée de sa nièce et de sa gouvernante... Le film intercale un passage original, celui de la découverte par Don Quichotte du fameux plagiat de ses mésaventures signé Alonso Fernández de Avellaneda, faussaire évaporé à Barcelone, et s’achève comme il se doit par le combat contre le chevalier de la Blanche Lune suivi de la déroute définitive du héros. Le film est tourné en format large Techniscope d’août à novembre 2001 aux studios Ciudad de la Luz à Alicante, en extérieurs à Cadix, Séville, Tolède, Madrid, Ávila, Belmonte (Cuenca), Valle de Alcudia (Ciudad Real) et sur les rives de l’Atlantique (Bolonia, Sanlúcar de Barrameda). Il souffre néanmoins d’un budget trop étriqué, au détriment notamment des séquences ducales sur l’île fictive de Barataria et même s’il se rattrape au niveau d’un certain réalisme et de nombreuses observations ethnologiques, la réception du pubic en salle est tiède. La critique en revanche se déverse en louanges : le festival de Venise 2002 lui octroie le Premier Prix de Rome, il reçoit le Goya 2003 pour la photo (José Luis Alcaine) et pas moins de 35 prix de l’ACE (Asociación de Cronistas de Espectáculos). Manuel Gutiérrez Aragón se retirera du cinéma en 2009 pour se consacrer exclusivement à la littérature (il sera élu à l’Académie royale espagnole).
2001(tv-th) Don Quichotte (CA) de Mario Rouleau et Dominic Champagne
Pierre Beaudry, Luc Châtelain/Les Productions Sogestalt-Équipre Spectra-Radio Canada-Télé Québec, 114 min. – av. Normand Chouinard (Don Quichotte), Rémy Girard (Sancho Panza), Edgar Fruitier, Dominique Quesnel, Christian Bégin, Pierre Benoit, Julie Gastonguay, Nathalie Claude, Stéphane Demers, Edgar Fruitier, Dominique Quesnel, Jean-Denis Levasseur, Kristin Molnar, Christian Paré, Paul Poulin.
Adaptation scénique de la pièce de Wajdi Mouawad et Dominic Champagne (1997/98) jouée au Théâtre du Nouveau Monde et, par la suite, tournée pour la télévision dans les dunes photogéniques de Taddoussac, au Québec. Prix Gémeaux de l’Académie de Télévision canadienne (meilleur film, mise en scène).
2003(vd-ballet) Don Quichotte (FR) de Rudolf Noureyev (th) et François Roussillon (vd)
Opéra National de Paris (Bastille)-François Roussillon et Associés-France 2-France 3-TF1-Mezzo-Amaya Technisonor, 122 min. – av. Jean-Marie Didière (Don Quichotte), Aurélie Dupont (Kitri), Manuel Legris (Basilio), Jean-Guillaume Bart (Espada), Fabien Roques (Sancho Panza), Alexis Saramite (Lorenzo), Laurent Queval (Gamache), Clairemarie Osta (Cupidon), Delphine Moussin (la reine des Dryades).
Le ballet en 3 actes et un prologue du chorégraphe franco-russe Marius Petipa sur la musique de Ludwig Minkus (Théâtre Bolchoï 1869), réarrangé par Rudolf Noureyev. Don Quichotte n’est pas le personnage principal, mais un faire-valoir pour faite avancer les amours de Kitri et du barbier Basile, le tout dans de somptueux décors, à la fois fantastiques, réalistes et poétiques, inspirés des scènes champêtres de Goya.
2005(tv-df) Don Quichotte ou les mésaventures d’un homme en colère / Don Quijote o la desaventuras de un hombre en cólera (FR/ES/BE) de Jacques Deschamps et Jean-Michel Mariou
Les Films à Lou-Arte France-Institut National de l’Audiovisuel (INA, Paris)-José María Lara Produccion Cinematográfica (Madrid)-Nota Bene (Bruxelles) (Arte 4.1.06), 89 min. – av. Patrick Chesnais (Don Quichotte/le metteur en scène), Jean Benguigui (Sancho Panza), Assumpta Serna (Dulcinée du Toboso), Natacha Régnier (la journaliste), Olivier Perrier (le directeur de théâtre), Jean-Christophe Victor, Rodrigo de Zayas, Aline Shulman.
Variation docu-fictionnelle : un metteur en scène de théâtre prépare une adaptation du Don Quichotte dont il doit aussi jouer le rôle-titre, et le film bascule constamment de la réalité du téléfilm (les préparatifs du spectacle) à la fiction du roman ; Sancho Panza emmène son metteur en scène, au bord de la dépression, sur les traces de l’hidalgo à Séville où ils font la connaissance de Rodrigo de Zayas, historien du « Siècle d’or » qui lui détaille les horreurs de l’Inquisition. En Andalousie, les interprètes de Don Quichotte et Sancho Panza se perdent dans la campagne, atterrissent devant des moulins à vent, rencontrent Dulcinée, etc. Une suite incessante de jeux de miroir aux dialogues besogneux (tournée sur place). Film produit à l’occasion des 400 ans de la parution du roman.
2005(tv) Don Juan en Alcalá 2005 (ES) de Jaime Azpilicueta
Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 1.11.05). - av. Mariano Alameda (Don Juan), Yolanda Ulloa (Doña Inès), Luis María García (Don Quichotte), Javier Losán (Sancho Panza), Marisol Ayuso (Brígida), Juan Carlos Puerta (Butarelli), Isabel Cayuela (Doña Ana de Pantoja), Antxón Jiménez (Don Gonzalo), Lidia Palazuelos (Lucia), Ismael Martínez (Don Luis), Jesús Gallo (le capitaine Centellas), Luis Gaspar (Don Diego Tenorio).
Don Quichotte et Sancho Panza arrivent à Alcalá de Henares en 1534. Ils y découvrent une troupe de théâtre qui joue une pièce relatant des faits dramatiques récents autour d’un certain Juan Tenorio, ses agissements terribles et son amour rédempteur pour Doña Inès. Jaime Azpilicueta, responsable en 2005 de la 21ème mise en scène annuelle de la pièce Don Juan Tenorio de José Zorrilla (1844) à Huerta del Obispo, confronte les héros de Cervantès avec le célèbre séducteur. Film produit à l’occasion des 400 ans de la parution du roman.
2005(vd-df) Las locuras de Don Quijote (ES) de Rafael Alcázar
Alcázar Film Video Prod. S.L. – Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 15.12.05), 114 min. – av. Chema Blasco (Don Quichotte), Angel de Andres López (Sancho Panza), Antonio Dechent (Ginés de Pasamonte), Juan Llaneras (Miguel de Cervantès), Javier Albalá (le prisonnier), Paula Etchebarría (Altisidora), Rodolfo Sacristan (Sansón Carrasco), Juan María Palacios (le duc), Montserrat Ortiz (la duchesse), Milena Montes (Emerencia), Camilo García (narration).
Docu-fiction anthologique sur les traces laissées par Cervantès et sa créature mythique à Los Yébenes, Orgaz, Esquivias, Guadamur, Consuegra, Tolède, Campo de Criptana, Alcázar de San Juan, Argamasilla de Alba, Lagunas de Ruidera, Saúca, Jaraba, Madrid, Alcalá de Henares, Séville, Santoña et Valladolid. Film produit à l’occasion des 400 ans de la parution du roman.
2005/06Honor de cavallería / Honra de Cavalaria / Quixotic (ES) d’Albert Serra
Montse Triola, Lluís Miñarro, Adolfo Blanco/Andergraun Films S.L. (Barcelona)-Notro Films S.L. (Barcelona)-Eddie Saeta S.A. (Barcelona), 104 min./95 min. – av. Lluis Carbó (Don Quichotte/Quixot), Lluis Serrat (Sancho Panza), Albert Pla (un chevalier), Enric Juncá, Rufino Pijoan, Jordi Surroca, Jimmy Gimferrer, Jordi Paul, Eduardo Sancho, Josep Pagès, Xavier Gratacós, Lluís Cardenal, Jacob Torres, Bartomeu Casellas.
Une équipe de cinéma catalane tourne « Don Quichotte », et les comédiens revivent épisodes et dialogues du roman. Film minimaliste et semi-expérimental inspiré par Bresson et Pasolini dans lequel, guidés par le hasard, les deux héros de Cervantès poursuivent jour et nuit leur voyage à la recherche d’aventures, chevauchant à travers champs, conversant sur des sujets aussi divers que la spiritualité, la chevalerie ou simplement la vie quotidienne. Sans moulins à vent ou affrontements armés. Au cours de ce périple absurde, un lien d’amitié de plus en plus fort les unit… Non pas la narration d’une aventure, mais l’aventure d’une narration, présentée au Festival de Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Barcelona Film Award 2006, prix spécial du jury du Festival de Split 2006, Prix Lancia au Festival de Turin, Grand Prix au Festival EntreVues de Belfort 2006, projeté au CinéLatino 2007. Film produit à l’occasion des 400 ans de la parution du roman.
2006(vd-ballet) Don Quichotte (BE) de Jean-Claude Idée
La Compagnie des Artistes-Théâtre Royal du Parc (Bruxelles). - av. Jean-Claude Frison (Don Quichotte), Michel Poncelet (Sancho Panza). - Le ballet de Marius Petipa sur la musique de Ludwig Minkus (1869). Cf. film de 1973.
2008(vd-mus) Don Quichotte (IT) de Federico Tiezzi (th) et Giancarlo Cappellaro (vd)
Fondazione Teatro Lirico « Giuseppe Verdi » di Trieste, 114 min. – av. Giacomo Prestia (Don Quichotte), Alessandro Corbelli (Sancho Panza), Laura Polverelli (Dulcinée), Marie Devellereau (Pedro), Tullia Mancinelli (Garcias), Cesare Ruta (Rodriguez), Gianluca Sorrentino (Juan), Giulio Cancelli (le chef des bandits), Francesco Paccorini et Armando Badia (les valets), Andrea Fusari et Roberto Rados (les bandits). - L’opéra de Jules Massenet (1910), « comédie héroïque en cinq actes » sur un livret d’Henri Cain, inspiré par la pièce de théâtre Le Chevalier de la Longue-Figure de Jacques Le Lorrain (1904). - Cf. film de 1961.
2009(vd-ballet) Don Quixote (GB/RU) de Brian Large
Théâtre Mariinsky (Saint Pétersbourg), 118 min. - av. Vladimir Ponomarev (Don Quichotte), Anton Lukovkin (Sancho Panza), Vladimir Lepeyev (Gamache), Andrei Merkuriev (Espada), Olesya Novikova (Kitri), Igor Petrov (Lorenzo), Leonid Sarafanov (Basilio). - Le ballet de Marius Petipa sur la musique de Ludwig Minkus (1869) et dans la chorégraphie d’Alexander Gorsky, enregistré au Théâtre Mariinsky. Cf. film de 1973.
2010(tv-mus) Don Quichotte (BE) de Laurent Pelly (th) et Benoît Vletinck (tv)
Théâtre Royal de la Monnaie (Bruxelles)-Arte-Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) (Arte 8.5.10), 146 min. - av. José Van Dam (Don Quichotte), Werner Van Mechelen (Sancho Panza), Silvia Tro Santafé (Dulcinée), Julie Mossey (Pedro), Camille Merckx (Garcias), Vincent Delhoume (Rodriguez), Gijs Van der Linden (Juan).
L’opéra de Jules Massenet (1910), « comédie héroïque en cinq actes » sur un livret d’Henri Cain, inspiré par la pièce de théâtre Le Chevalier de la Longue-Figure de Jacques Le Lorrain (1904). Cf. captation de 1961.
2012(vd-mus) L’Homme de la Mancha (FR) de James Marvel
David Serero Productions (1.4.12), 90 min. - av. David Serero (Don Quichotte), Jeane Manson (Aldonza), Marc Aurelio, Laetitia Ayrès, Fernand Bernardi, Christophe Bruckert, Arnaud Lassus, Damien Lehman, Lionel Losada, Julia Salvia, Gilles San Juan, Polydoros Voglatzis. - La version française du musical Man from La Mancha de Dale Wassermann (1965) sur une musique de Mitch Leigh, porté à l’écran en 1972 (cf. supra). Le baryton David Serero signe également l’adaptation.
2013(vd-mus) Don Quichotte (BG) de Plamen Kartaloff
Sofia National Opera, 125 min. – av. Orlin Anastasov (Don Quichotte), Ventselav Anastasov (Sancho Panza), Tsveta Sarambelieva (Dulcinée), Silvia Teneva (Pedro), Plamen Papazikov (Juan), Krasimir Dinev (Rodriguez), Rositsa Pavlova-Indzheva (Garsias). - L’opéra de Jules Massenet (1910), « comédie héroïque en cinq actes » sur un livret d’Henri Cain, inspiré par la pièce de théâtre Le Chevalier de la Longue-Figure de Jacques Le Lorrain (1904). - Cf. supra film de 1961.
2015(vd) Don Quixote. The Ingenious Gentleman of La Mancha (US) de David Beier, Dave Dorsey, Mahin Ibrahim, Austin Kolodney, Will Lowell, Drue Metz, Brandon Somerhalder, Alana Waksman, Jon YonKondy, Xu Zhang
Vanessa Pantley, Tarek Tohme, Peter Karagianis/Elysium Bandini Studios-Rabbit Bandini Productions-University of Southern California (USC) (7.11.17), 83 min. - av. Carmen Argenziano (Don Quichotte), Horatio Sanz (Sancho Panza), Vera Cherny (Dulcinée), Lin Shaye (la Grande Dame), James Franco (Pasamonte), Lorena McGregor (Antonia), Reinaldo Zavarce (Miguel), Anthony Skordi (le Père Nicolas), Jacquie Barnbrook (Teresa Panza), Steve Bannos (l’aubergiste), Dominic Lee (le géant du moulin à vent), Humberto Meza (un villageois). - Une rendition très superficielle, plus proche de Man of La Mancha que du texte original, filmée à San Gabriel (Californie).
2015(vd-mus) Don Quichotte chez la Duchesse (FR) de Corinne & Gilles Benizio [Shirley & Dino] (th), Louise Narboni (vd)
Château de Versailles-Alpha Classics, 117 min. - av. François-Nicolas Geslot (Don Quichotte), Marc Labonnette (Sancho Panza), Chantal Santon Jeffery (Altisidore), Corinne Benizio (la cantatrice espagnole), Gilles Benizio (le duc), Virgile Ancely (Montesinos), Marie-Pierre Wattiez (la duchesse).
Un opéra-ballet baroque de Joseph Bodin de Boismortier (1743) filmé à l’Opéra Royal du Château de Versailles par le « Trio Infernal Niquet, Shirley & Dino », sous la direction musicale d’Hervé Niquet. On rit beaucoup.
Jonathan Pryce, acteur fétiche de Terry Gilliam, dans « The Man Who Killed Don Quixote » (2018).
2018** The Man Who Killed Don Quixote / El hombre que mato a Don Quijote / L’Homme qui tua Don Quichotte / O homem que matou Dom Quixote (GB/ES/BE/FR/PT) de Terry Gilliam
Amy Gilliam, Mariela Besuievsky, Gerardo Herrero, Grégoire Melin, Pablo Iraola, Pandora da Cunha Telles, Alessandra Lo Savio/Recorded Pictures Film Co.-Alacran Pictures-Tornasol Films-Entre Chien et Loup-Kinology-Ukbar Filmes (Lisbõa)-Carisco Producciones-Amazon Studios, 132 min. - av. Jonathan Pryce (Don Quichotte), José Luis Ferrer (Don Quichotte de la publicité), Jorge Calvo (Sancho Panza), Ismael Fritschi (Sancho Panza de la publicité), Adam Driver (le réalisateur Toby Grosini), Olga Kurylenko (Jacqui), Stellan Skarsgård (son patron et mari), Oscar Jaenada (le gitan), Jason Watkins (Rupert, l’agent de Toby), Sergi López (le fermier), Rossy de Palma (sa femme), Joana Ribeiro (Angelica), Juan López-Tagle (l‘accessoiriste espagnol), Will Keen (le producteur), Paloma Bloyd (Melissa), Juan Machìn (le fou), Inma Navarro (la mendiante), Hovik Keuchkerian (Raul), Carlos Esteve (Barfly), Eva Basteiro-Bertoli (Dorothea – princesse Micomicona), Filipa Pinto (la fausse Angelica), Jordi Mollà (Alexei Miiskin, le cruel oligarche), Hovik Keuchkerian (Raul), Terry Gilliam (la voix du géant).
Synopsis: Toby Grosini, un réalisateur américain blasé, cynique et désabusé, se rend en Espagne pour le tournage d’une publicité. Il y rencontre un mystérieux gitan qui lui offre une copie de son film de fin d’études – adaptation lyrique du récit de Don Quichotte – que Toby avait réalisé en noir et blanc dans la région une décennie plus tôt. Ému par cette redécouverte, Toby part à la recherche nostalgique du petit village de Los Sueños où il avait photographié son film de jeunesse et se trouve mêlé à une série de catastrophes aux dimensions surréalistes. Sancho est décédé, apprend-il. Confronté aux conséquences tragiques de son ancien méfait cinématographique qui a changé pour toujours les rêves et les espoirs du village, il est pris au piège des hallucinations d’un vieux cordonnier jadis embauché par ses soins et à présent convaincu d’être Don Quichotte (il prend Toby pour son écuyer), au sort d’Angelica qui représentait à l’écran l’innocence et est devenue une prostituée de luxe, enfin à l’incendie qui menace de détruire le village, ce pourquoi la guardia civil le poursuit tandis que l’hidalgo à la recherche de sa Dulcinée le protège contre démons, réels et fictifs, modernes ou anciens. L’odyssée se termine dans une luxueuse fête médiévale donnée par un oligarque russe : les farandoles de la jet-set costumée, grotesque bal de parvenus, y sombrent dans le ridicule.
Le film est un rêve de longue date du scénariste, réalisateur et dessinateur Terry Gilliam, né à Minneapolis mais naturalisé britannique, jadis le membre le plus doué des Monty Python (le bouleversant Brazil, The Adventures of Baron Münchausen, The Fisher King, L’Année des douze singes). Le sujet lancinant de toutes ses fabuleuses mais ruineuses extravagances est l’antagonisme entre un monde moderne en folie, commandé par une société sujette à une technologie déficiente, et la soif désespérée des protagonistes d’y échapper par le rêve ou l’imaginaire. Cervantès n’est pas loin. De 1996 à 2001, Gilliam décroche non sans peine des fonds allemands (KC Medien) et français (Groupe Hachette) pour tourner L’Homme qui tua Don Quichotte, mégaprojet hollywoodien sans Hollywood réunissant Jean Rochefort (cavalier émérite, idéal en Don Quichotte), Johnny Depp (Toby), Vanessa Paradis (Dulcinée), Miranda Richardson, Ian Holm, Sally Phillips, Jonathan Pryce, Christopher Eccleston, Bill Paterson, Rossy de Palma, Eva Basteiro-Bertoli et Peter Vaughn. Hélas, au bout de sept jours dans la réserve naturelle de Las Bardenas, la double hernie discale et la prostate de Rochefort, les absences de Vanessa, un environnement sonore calamiteux, enfin des dommages dûs aux pluies diluviennes le contraignent à tout abandonner. (En 2001, Keith Fulton et Louis Pepe réaliseront à ce propos le beau documentaire Lost in La Mancha, « making of » de 93 minutes d’un film qui n’existe pas.) Gilliam persévère, récupère les droits de son scénario qu’il remanie pour Robert Duvall et Ewan McGregor, mais le financement s’effondre en 2010. D’autres tentatives échouent, en 2012 avec Owen Wilson, en 2015 avec John Hurt (cancer), en 2016 avec Michael Palin et Adam Driver (production boiteuse suivie de procédures judiciaires de Paulo Branco). Finalement, un nouveau tournage parvient à se concrétiser avec son acteur fétiche Jonathan Pryce (le héros de Brazil). Cette fois sans trop de déboires - un petit AVC mis à part -, de mars à mai 2017 en Espagne (Gallipienzo à Navarre, Saragosse, San Martín de Unx, Avila, Talamanca de Jarama), au Portugal (Convento de Cristo à Tomar) puis aux Canaries (Las Palmas). Le Festival de Cannes 2018 présente le film en clôture, une première mondiale dédiée à la mémoire de Jean Rochefort et John Hurt. Comme on pouvait s’y attendre, l’accueil critique de ce film maudit, aux péripéties dignes de Cervantès lui-même, est divisé, mais globalement positif ; on y loue un spectacle correspondant totalement à l’idiosyncrasie de l’imaginaire du cinéaste, un film « miraculé », gargantuesque, vibrant d’une énergie communicative (« weird and wonderful »). Un résultat manifestement marqué par les calamiteux déboires précédents, souffrant de pannes séches suivies de déploiements visuels les plus fous. Bref, pas une œuvre pour le public inculte du samedi soir, mais un manifeste illuminé d’un vieil irréductible, rebelle à l’ordre marchand de tous les Sancho Panza du monde. - IT : L’uomo che uccise Don Chisciotte.
2019(tv) Don Kichot (PL) de Konrad Dworakowski
Série « Teatr televizji » (saison 66, épis. 25), Telewizja Polska-Theatr Pinokio-Grupa Coincidentia (Lodz) (TVP 30.10.19), 110 min. – av. Pawel Chomczyk (Don Quichotte), Lukasz Batko (Sancho Panza), Dagmara Sowa, Ewa Wróblewska, Joanna Chmielecka, Marciej Cempura, Piotr Osak. – Une pièce qui tente de concilier l’esprit du récit de Cervantès et l’expérience du théâtre contemporain : un spectacle expérimental de Martyna Lechman présenté sur scène en décembre 2018.
2020(vd-mus) Don Quichotte (AT) de Mariame Clément (th) et Felix Breisach (vd)
Bregenzer Festspiele, 125 min. – av. Gabor Bretz (Don Quichotte), David Stout (Sancho Panza), Anna Goryachova (Dulcinée), Léonie Renaud (Pedro), Vera Bitter (Garcias), Paul Schweinester (Rodriguez), Patrik Reiter (Juan), Elie Chapus (le chef des bandits). - L’opéra de Jules Massenet (1910), « comédie héroïque en cinq actes » sur un livret d’Henri Cain, inspiré par la pièce de théâtre Le Chevalier de la Longue-Figure de Jacques Le Lorrain (1904). - Cf. film de 1961.
2021(tv-mus) Don Kichot / Don Quichotte (RU/FR) d’Isabelle Julien
Ballet du Théâtre Mariinsky (Saint-Petersbourg)-Telmondis (FR5 3.12.21), 118 min. – av. Soslan Kulaev (Don Quichotte), Viktoria Tereshkina (Kitri), Kimin Kim (Basilio), Daniil Lopatin (Sancho Panza), Dmitry Pykhachov (Gamache), Roman Belyakov (Espada), Olga Belik (Mercedes), Marie Khoreva (la reine des dryades), Tamara Gimadieva (Amour). - Le ballet de Marius Petipa sur la musique de Ludwig Minkus (1869) et dans la chorégraphie d’Alexander Gorsky, enregistré au Théâtre Mariinsky. Cf. film de 1973.