III - L’ITALIE

6. LES 11 GUERRES D’ITALIE ET LE SAC DE ROME EN 1527

6.2. Trois condottieri légendaires : Jean de Médicis dit « Giovanni dalle Bande Nere », Ettore Fieramosca et Fanfulla da Lodi

Dès le Quattrocento apparaissent les condottieri, des compagnies privées assurant certaines missions militaires. Ces professionnels de la guerre se rendent indispensables pour assurer l'essor et la puissance des cités-États de la péninsule dont la gouvernance se désintéresse des obligations militaires. Le condottiere est un guerrier au service des marchands, des dynasties banquières et de l'Église.

Le Florentin JEAN/GIOVANNI DE MÉDICIS (1498-1526) dit " Jean des Bandes Noires ".
Le duc Giovanni Ludovico Lombardo de' Medici, fils de la comtesse milanaise Caterina Sforza, princesse de Forli (1463-1509) et petit-fils du duc Galeazzo Sforza. Il épouse Maria Salviati qui lui donne un fils, le futur Cosme Ier de Médicis, premier grand-duc de Toscane. En 1513, Giovanni devient capitaine de l'armée papale de Léon X, son oncle. À la mort du Saint Père, il ordonne à ses troupes de teindre leurs enseignes blanc-pourpre en noir, signe de deuil, une distinction qui restera et vaudra à sa compagnie d'élite le titre de " Bandes Noires ". Condottiere indépendant et très charismatique (Machiavel voit en lui le futur unificateur de l'Italie), il combat à partir de 1521 les lansquenets luthériens de Charles Quint (sous les ordres de Georg von Frundsberg) aux côtés de la Ligue de Cognac française, de la République de Venise et de Clément VII, puis, dès 1523, entre au service des armées impériales en fonction des aléas de la politique papale. Trois ans plus tard, au service de l'État pontifical, il succombe face aux troupes de Charles Quint, blessé mortellement par un tir de couleuvrine (ou fauconneau), petit canon, près de Gouvernolo. Il est enterré dans l'église San Francesco à Mantoue ; son fils Cosme le fêtera comme un héros national.

ETTORE FIERAMOSCA (1476-1515), mercenaire des Aragonais.
(ou E. Ferramosca), natif de Capoue, fils de Rainaldo, baron de Rocca d'Evandro. Lors de la guerre franco-espagnole pour s'attribuer le Royaume de Naples - dont Frederick IV d'Aragon est le dernier roi -, Fieramosca, mercenaire des Aragonais, combat les Français de Charles VIII. Après la défaite de Naples en 1501, Fieramosca entre au service de Prospero Colonna contre la France et l'Espagne. Le 13 février 1503, lors du légendaire tournoi de Barletta, dans les Pouilles, il dirige victorieusement douze chevaliers italiens qui affrontent les treize champions français. A l'issue du combat, Louis XII renonce à Naples et signe l'armistice. Fieramosca prend ensuite les armes pour la République de Venise aux côtés de Fabrizio Colonna, puis se réconcilie avec l'Espagne où il raccompagne Cesare Borgia. Ferdinand II d'Espagne l'annoblit. Il meurt à Valladolid à l'âge de 39 ans. - Lors du Risorgimiento au XIXe siècle, puis de la montée du fascisme, Fieramosca sera fêté comme un héros national. Cf. le roman Ettore Fieramosca de Massimo Taparelli D'Azeglio (1833) et les drames lyriques de Giovanni Benacchio (1883) et Carlo Adolfo Cantù (1921).

Bartolomeo Fanfulla dit FANFULLA DA LODI (mort en 1525).
Soldat de fortune né à Lodi ou à Parme, il met son épée au service de Florence (1499), de l'Espagne (à partir de 1503), puis du Saint-Empire germanique (dès 1515) pour combattre contre Pise et surtout contre la France. Il est annobli par Consalvo de Cordoba au lendemain du fameux tournoi de Barletta auquel il participe aux côtés d'Ettore Fieramosca (1503). Il décède probablement à la bataille de Pavie.
1909Ettore Fieramosca, ovvero La disfida di Barletta (IT) d'Ernesto Maria Pasquali
Ernesto Maria Pasquali, Giuseppe Tempo/Pasquali e Tempo, Torino, 260 m./63 min. - av. Domenico Gambino (Ettore Fieramosca).
Synopsis : Fieramosca, le chef mercenaire des Aragonais, aime Ginevra que convoite aussi le duc Valentino Borgia. Il échappe à un guet-apens de Borgia et organise un tournoi à Barletta pour sauver la face du parti italo-espagnol. Pendant les combats, Borgia se jette sur Ginevra qui se suicide pour éviter déshonneur. Lorsqu'il la retrouve morte, Fieramosca se noie dans la mer. - Inspiré du roman historique homonyme de Massimo Taparelli D'Azeglio (1833), le film recrée le fameux défi de Barletta (1503), un tournoi de chevalerie près de Trani qui opposa 13 chevaliers français à autant de chevaliers italiens commandés par Fieramosca, laissant dix morts au sol. Deux cents acteurs et 40 chevaux participent au tournage aux studios Pasquali e Tempo à la via Giacinto Collegno et dans les parages de Turin.
1910Giovanni dalle Bande Nere (Jean de Médicis) (IT) de Mario Caserini
Società Italiana Cines (Roma), 353 m. - Amleto Novelli (Giovanni de' Medici), Maria Gasparini (Emma Merisi), Fernanda Negri-Pouget (Lucia Aratori Merisi, sa mère). - Synopsis : Alors qu'il visite l'atelier du peintre Raphaël en compagnie du pape Léon X, Giovanni de' Medici s'éprend d'Emma, la sœur du Caravage. Ce dernier le contraint à fuir, mais lorsque le condottiere revient dans la cité de Caravaggio (Lombardie) avec ses mercenaires qui pillent et tuent, il ne peut empêcher le meurtre de la mère de sa bien-aimée par la soldatesque. Il sauve de justesse Emma mais, pris de remords, refuse de la revoir. Mortellement blessé à la bataille de Cassano en 1526, Giovanni est transporté au château du marquis Gonzaga où Emma, qui a pris le voile, assiste à ses derniers instants. - Tourné dans le centre historique de Florence et aux studios Cines de la Via Appia Nuova à Rome, d'après le roman de Luigi Capranica (1857). - DE : Giovanni de Medici, ES : La banda negra, GB/US : Giovanni of Medici.
1915Ettore Fieramosca / La disfida di Barletta (IT) d'Umberto Gaido et Umberto Paradisi
Pasquali & C., Torino, 1575 m. - av. Giovanni Cimara (Ettore Fieramosca), Laura Darville (Ginevra di Monreale), Nello Carotenuto (Graiano d'Asti), Domenico Gambino, Gustavo Serena.
Synopsis : En 1503, l'armée française marche sur Rome. Fieramosca, fiancé avec Ginevra di Monreale, se rend à Bari pour y organiser la résistance. L'ennemi ayant investi son château, le vieux comte de Monreale confie sa fille au renégat Graiano d'Asti pour lui éviter le pire, mais Valentino Borgia convoite également la belle et lui donne une potion qui simule la mort afin de l'enlever. Fieramosca retrouve sa fiancée au moment du réveil et s'enfuit avec elle à Barletta. Les Français arrivent sous les murs de Barletta et Fieramosca propose un grand tournoi entre les parties adverses. Les Italiens l'emportent, Graiano périt, mais Borgia fait croire à Ginevra que son fiancé en aime une autre et elle succombe à une crise cardiaque. Inconsolable, Ettore se suicide en se jettant à la mer. Cette fin tragique, historiquement fausse, ne se trouve pas non plus dans le best-seller de Massimo Taparelli D'Azeglio (1833), cf. film de 1909.
1936/37* Condottieri / Giovanni dalle Bande Nere (La Grande Révolte / Le Capitaine de Florence) (IT/DE) de Luis Trenker [et Werner Klingler, Giacomo Gentilomo, Anton Giulio Majano]
Luis Trenker, Heinrich Schier, Max G. Hüske/Consorzio per il film " Condottieri " (Roma)-Ente Nazionale Industrie Cinematografiche (E.N.I.C., Roma)-Tobis-Cinema-Film AG (Berlin), 2771 m./101 min./88 min. - av. Luis Trenker (le duc Giovanni Lombardo ou Giovanni de' Medici), Ethel Maggi (Caterina Sforza, sa mère), vers. ital.: Loris Gizzi /vers. all. : August Eichhorn (le condottiere Pandolfo Malatesta de Rimini), Carla Sveva (Maria Salviati de' Medici), Mario Ferrari/Erwin Klietsch (Cesare Borgia), Gino Viotti (le pape Clément VII), Giuseppe Addobbati (le duc d'Imola, mari de Catherine Sforza), Aribert Wäscher (un cardinal), Ernesto Nannicini/Otto Collin (le moine), Aribert Grimmer (le bailli), Tito Gobbi (le troubadour Nino), Giulio Cirino/Lothar Körner (Rüschli le Suisse), Viktor Gehring (Jacopo Salviati, père de Maria), Willy Brüdjam (le tortionnaire), Laura Nucci/Waltraut Klein (la courtisane Tullia delle Grazie), Carlo Tamberlani/Herbert Hübner (Francesco Maria I. della Rovere, duc d'Urbino), Sandro Dani/Hans Zesch-Ballot (le duc d'Argentière), Augusto Marcacci/Reinhold Pasch (Danielo), Nino Marchetti (Corrado), Hans Jamnig (Birbo), Luis Gerold (Barbo), Lando Muzio/Josef Kamper (Pedro), Umberto Sacripante (Sanzio), Nestor Szytar (Corrado), Erich Dunskus (un paysan), Luis Ferdinand Trenker (Giovanni enfant).
Synopsis : Italie du Nord en décembre 1499, alors que Rocca di Ravaldino à Forli, château du duc de Lombardie, est assiégé depuis deux mois par l'armée de Cesare Borgia. Le duc ayant péri au cours des combats, son épouse, la farouche Caterina Sforza, se rend pour sauver leur fils, le petit Giovanni Lombardo, puis s'enfuit avec lui dans les montagnes. Devenu adulte, Giovanni retourne en Lombardie et s'engage un temps dans les troupes du condottiere Malatesta, seigneur de Rimini, puis, solidement aguerri, il décide avec quatre compagnons d'armes de se rendre indépendant afin de reconquérir le château familial et laver l'honneur de son père. L'opératon réussit, le bailli du castel prend la fuite, ce qui attise la haine de son concurrent et à présent ennemi Malatesta. Allié de Borgia, celui-ci le dénonce au Conseil de Florence qui reconnaît cependant les droits de Giovanni sur le château familial et lui rend sa liberté. Le jeune homme fonde une milice armée portant son nom et dont l'impeccable discipline comme les succès militaires le couvrent bientôt de gloire : ce n'est pas la solde qui motive ses lansquenets drapés de noir, mais le combat pour l'unité de l'Italie. Malatesta tente d'empoisonner Giovanni par l'entremise de sa maîtresse, la courtisane Tullia, mais celle-ci tombe sous le charme du jeune Lombard et renonce à le tuer. Afin de confondre ses ennemis, Giovanni gagne Florence où Malatesta monte une cabale contre lui et le fait arrêter pour haute trahison. Après avoir été torturé, Giovanni parvient à s'évader grâce à ses quatre fidèles lieutenants et se réfugie dans les montagnes savoyardes où il retrouve son amour de jeunesse, Maria Salviati. Il refuse toutefois de se marier avant d'avoir réglé ses comptes avec Malatesta. Allié au duc d'Argentière, un condottiere français, il affronte son ennemi mortel en duel, mais commet l'erreur de lui laisser la vie à la supplication de Maria, qu'il épouse. À Rome, la population l'acclame en héros, le pape Clément VII le bénit, lui et ses " Bandes Noires ", tandis que Malatesta, allié au duc d'Urbino, aux Suisses de Rüschli et à d'Argentière (contre la promesse de céder Pavie et Milan à la France), réunit secrètement une armée de 16'000 hommes pour l'écraser. Après un premier revers, les " Bandes Noires " l'emportent de justesse sur le champ de bataille, Malatesta périt, mais ayant perdu un bras, Giovanni ne survit pas à l'amputation. Le peuple dépose la dépouille de " Giovanni d'Italia " (terme gravé sous son gisant) dans l'église de Mantoue.
La forteresse des Sforza assiégée par Cesare Borgia dans " Condottieri " de Luis Trenker.
 Luis Trenker, alpiniste de haut vol, guide de montagne, acteur, scénariste et cinéaste sud-tyrolien, partage certes le goût des cimes affiché par les nazis, sans toutefois adhérer à leur idéologie antisémite. Sa collaboration avec Leni Riefenstahl (dont il est le mentor, le partenaire et l'amant durant la production de Der heilige Berg / La Montagne sacrée d'Arnold Fanck en 1926) n'a pas eu de suite et ses réalisations durant les années 1930 restent politiquement ambiguës, flottant entre exaltation héroïque et pacifisme. Goebbels admire l'efficacité et l'esthétisme triomphaliste de ses images mais se méfie à juste titre de son catholicisme fervent et de son attachement irrédentiste à un Tyrol qu'il ne veut ni allemand ni italien. Séduit par le souffle lyrique de Der Kaiser von Kalifornien (L'Empereur de Californie), biographie de Johann August Suter qui lui a valu la Coupe Mussolini à Venise en 1935, le gouvernement fasciste à Rome lui offre ce mégaprojet italo-germanique sur " Jean des Bandes Noires " où le profil d'aigle et la fière posture du comédien filmée en contre-plongée - comme le Duce - devraient emporter l'adhésion des masses. L'entreprise implique une collaboration intense entre Rome et Berlin (en fin d'année, Mussolini annoncera la création de l'Axe), la fabrication bilingue de deux versions jouées par des acteurs différents selon les rôles, et des réalisateurs adjoints pour la seconde équipe avec ses mombreuses scènes de foules. Giacomo Gentilomo assiste Trenker en Italie, Werner Klingler supervise la version allemande, Gino Cervi double la voix de Trenker en italien. Le tournage s'étend d'août 1936 à février 1937 avec - comme Scipione l'Africano filmé presque simultanément à Cinecittà - le soutien massif de l'armée mussolienne. Selon les accords italo-allemands qui président à la production, les intérieurs se font aux studios Cines à Rome, puis massivement dans divers ateliers de la périphérie de Berlin, Tobis à Grünewald, Ufa à Neubabelsberg et Jofa à Johannisthal, enfin aux ateliers de la Bavaria à Geiselgasteig près de Munich. Mais fidèle à sa nature de montagnard, Trenker privilégie en particulier les extérieurs, soit les trois-quarts du film ; son héros se réfugie et se revigore toujours au sommet des alpes lombardes (en fait, ici les Dolomites). Par ailleurs, le patrimoine de la Renaissance italienne est à la fête : châteaux de Torrechiara (Val Parma) et de Gradara (Marches), Colle Sant Lucia, Vérone, Rimini, San Gimignano (pour Florence), Urbino et les rives du lac de Garde. Pas étonnant si, lors de la Biennale de Venise 1937, le film décroche la Coupe de la Direction générale de la Cinématographie pour l'œuvre " ayant le mieux mis en valeur les beautés naturelles et les trésors du pays ".
Le film contient plus d'un parallèle entre la carrière du jeune duc de Médicis, personnage abusivement admiré par les fascistes, et l'ascension de Mussolini. Le fameux condottiere papal est estampillé " unificateur de l'Italie " (ce qu'il n'était en aucune manière), soit le précurseur du Duce, et on décèle dans les " Bandes Noires " une parenté absurde avec les chemises noires du régime, " milice nationale " moderne. Récusant tout pragmatisme machiavélien, Giovanni exige de ses mercenaires exaltés un serment solennel de fidélité, la main levée, tous prêts à mourir pour la patrie. Le film reste singulièrement évasif quant aux enjeux et manigances politiques qui secouent l'Italie du Cinquecento, toute la vilénie des temps se polarise sur le cruel Pandolfo IV Malatesta (1475-1538) et on fait silence sur le réel envahisseur, l'armée germanique de Charles Quint. Visuellement, l'ensemble ne manque pas d'allure, le siège de Borgia (à Torrechiara) au début est même assez stupéfiant avec ses plongées vertigineuses, ses profondeurs de champ et son montage virtuose à la russe, mais la fresque, plus une mosaïque de tableaux tapageurs qu'un récit soutenu, se noie finalement dans les défilés militaires et d'interminables charges de cavalerie ; les épisodes (fort chastes) avec Maria et Tullia restent épisodiques. Pour Trenker, le vent tourne dans la dernière bobine, lorsque, instant critique, son héros force les portes du Vatican avec ses lansquenets. Ils sont arrêtés par le pape en majesté, surélevé, telle une statue hiératique en vêtements liturgiques, et, stupéfaits, les soldats baissent les armes et s'agenouillent devant l'apparition " mystique " du Saint Père. Or Trenker a eu la mauvaise idée d'engager pour sa figuration musclée une unité de la Garde du Corps du Führer (la division SS " Leibstandarte Adolf Hitler "), fréquemment de service dans les films militaires de l'époque. En voyant ces surhommes du régime à genoux devant un concurrent religieux, latin de surcroît, Hitler comme Goebbels quittent la salle de projection en rage ! (La scène sera coupée dans la version allemande, ainsi que le mariage religieux du héros.) Jugé " trop catholique ", Trenker tombe en disgrâce, et quand il refusera de choisir son camp lors du litige tyrolien entre Berlin et Rome en 1940, il sera qualifié de " traître à la patrie " (" à éliminer ", selon les termes du ministre de la propagande dans son journal intime). Le Duce, en revanche, apprécie : le passage de Giovanni au Vatican rappelle aux Italiens les accords du Latran entre le Saint-Siège et le parti fasciste en 1929. Ayant désormais l'interdiction de travailler dans le Reich, Trenker profitera d'une invitation à réaliser un documentaire sur Pie XII pour s'établir à Rome. Condottiere obtient néanmoins le qualificatif officiel " staatspolitisch wertvoll " (précieux pour la politique de l'État), et il sera interdit par les Alliés en 1945 (réautorisé en RFA avec coupures effectuées par Trenker en 1977). - GB : Knights of the Black Eagle.
1938** Ettore Fieramosca - La disfida di Barletta (IT) d'Alessandro Blasetti
Attilio Fattori, Vincenzo Genesi/Nembo Film (Roma), 110 min./93 min. - av. Gino Cervi (Ettore Fieramosca), Elisa Cegani (Giovanna, duchesse de Morreale), Mario Ferrari (Graiano d'Asti), Gianni Pons (Gaston de Foix, duc de Nemours), Osvaldo Valenti (Guy de La Motte), Vasco Cataldo (Pierre Terrail LeVieux, seigneur de Bayard), Mario Mazza (Fanfulla da Lodi), Lamberto Picasso (Prospero Colonna), Corrado Racca (Don Diego Garcia de Paredes), Clara Calamai (la courtisane Fulvia), Umberto Sacripante (Franciotto), Carlo Duse (Jacopo, écuyer de Graiano), Andrea Checchi (Gentilino), Oscar Andriani (Don Pedro), Gino Gabazzini (Consalvo di Cordova), Giovanni Onorato (Giovanni Brancaleone), Nicola Maldacea (Sunia), Gemma Bolognesi, Diana Lante, Dhia Cristiani et Oretta Fiume (des courtisanes), Arnoldo Foà (un gentilhomme), Silvio Bagolini.
Synopsis : La France de Charles VIII a chassé Ludovic le Maure du duché de Milan et veut à présent s'emparer du royaume de Naples, terre que convoite également l'Espagne et son armée basée en Sicile. En février 1503, après le décès des siens, la duchesse Giovanna règne seule à Morreale, forteresse des Pouilles (Apulie) que menacent les sanguinaires pillards français et où se sont réfugiés massivement paysans et bergers de la région. Graiano d'Asti, sbire de Cesare Borgia, s'introduit dans le château en prétendant vouloir défendre la place. Ses plans sont contrariés par l'arrivée d'un autre invité, le condottiere Ettore Fieramosca, venu de Padoue avec ses deux compagnons d'armes, Fanfulla da Lodi et Giovanni Brancaleone, accompagnés de plusieurs courtisanes. La châtelaine les reçoit sans plaisir. Lorsqu'éclate un conflit entre Français et Espagnols au pied des remparts, le renégat Graiano prête son armure dorée à Fieramosca pour chasser de force les mercenaires, ce qu'il réussit avec brio. Monna Giovanna, croyant que c'est Graiano qui a réussi ce coup d'éclat, accepte sa protection et sa demande en mariage. Le cœur brisé, Fieramosca surprend, grâce à un souterrain le menant dans la chapelle du château, la confession de la belle châtelaine qui l'aime en secret. Mais il est trop tard, les noces font de Graiano le maître des lieux ; il attire la soldatesque du château dans un guet-apens où elle se fait massacrer par les Français et introduit ces derniers dans la place forte. Fieramosca défend héroïquement le pont-levis contre l'envahisseur mené par Guy de La Motte puis, couvert de blessures, délirant, il avoue son amour à Giovanna qui l'aide à se réfugier dans le camp espagnol. Le banquet au cours duquel Graiano devrait recevoir le titre de duc de Morreale est interrompu par l'arrivée de Fieramosca et de ses compagnons italo-hispaniques sous le commandement de Don Diego Garcia de Paredes. Les Italiens du château se rallient à lui et les occupants français sont écrasés au cours d'une bataille dans la vallée. Devant Barletta, cité voisine tenue par les Espagnols, les seigneurs français prisonniers, Guy de La Motte en tête, tiennent des propos dépréciatifs envers les Italiens, accusés (pas tout à fait à tort !) de félonie. Offensés, ceux-ci demandent réparation et défient en duel les chevaliers français. Le grand tournoi a lieu dans la plaine entre Andria et Corato. Fieramosca s'entoure de douze chevaliers italiens et défie treize chevaliers français - dont Graiano - menés par de La Motte. Le combat est arbitré par le non moins fameux chevalier Bayard et Prospero Colonna. Brancaleone tue le traître Graiano, Guy de La Motte à terre est contraint de se rendre et les Italiens remportent la victoire. Dans la liesse générale, Fieramosca retourne en héros à Morreale où il peut serrer la châtelaine Giovanna dans ses bras.
Le tournoi légendaire de Barletta, le plus célèbre de l'histoire d'Italie, reconstitué pour "Ettore Fiermosca" (1938).
 Une année avant la légende pacifiste de La corona di ferro (cf. chap. 1), Alessandro Blasetti met son indéniable talent au service d'une grande fresque médiévale, un spectacle haut de gamme aux relents ultra-nationalistes qui se base, comme déjà pour les versions de 1909 et 1915, sur le roman éponyme de Massimo D'Azeglio (1833). Hormis sont patriotisme exalté, le film n'a cependant rien de déshonorant, dominé par un Gino Cervi juvénile, trapu, fier-à-bras et tête brûlée, encore très loin du Peppone de Don Camillo ; au début, son attitude machiste face à la duchesse (majestueuse, vêtue tout de blanc) qui évoque certaines postures mussoliniennes est vite balayée par ses déboires ultérieurs. Certes, la bande, sortie en décembre 1938, fouette l'orgueil national (" les Italiens ont gagné ! " en est la dernière phrase), l'Italie et l'Espagne - comprenez : les régimes fascistes - y sont des alliés provisoires contre une France arrogante et suffisante, mais en fin de compte, Fieramosca ne fait que défendre l'unité de son pays envahi de partout. Blasetti mène son monde avec fougue, sa mise en scène inventive est appuyée par une caméra très mobile, des éclairages étudiés, des cadrages qui jouent souvent avec ingéniosité sur la profondeur de champ (manœuvres d'armées, couloirs du château). En outre, le cinéaste revendique le mérite d'avoir introduit la sensualité dans le cinéma italien en rupture avec la tradition de chasteté du cinéma fasciste, présentant des courtisanes en femmes offertes au cou du héros, des naïades au bain ou dansant dénudées sur les tables des Français débauchés (mimées par le corps de ballet de l'opéra de Rome), etc. Blasetti avait proposé son sujet en 1935 déjà, la direction de la Cinematografia fasciste l'avait balayé en faveur de Scipione l'Africano de Carmine Gallone, mais à présent que de plus en plus de films étrangers (américains) sont bannis des écrans de la Péninsule, il importe de les remplacer par des spectacles d'égal attrait. Entretemps, le cinéaste, indigné par l'agression en Éthiopie, a pris ses distances avec le régime. Le tournage, inhabituellement long et compliqué, s'étend d'avril à début novembre 1938 aux nouveaux studios Titanus Farnesina à Rome, inaugurés à cette occasion (Morreale est érigé sur les terrains du studio), à Acquatraversa (Latium), puis sur place à Barletta, sur les rives de l'Adriatique, avec 3000 fantassins et cavaliers prêtés par l'armée. Les magnifiques costumes de Vittorio Nino Novarese s'inspirent des toiles de Botticelli, Giorgione et Mantegna. La critique exprime quelques réserves quant à l'opulente saga offerte sur les écrans si bien que Vittorio Mussolini, fils du dictateur, se doit d'intervenir pour rappeler aux folliculaires leur devoir patriotique tandis que Luigi Comencini, futur cinéaste, prend, lui, ouvertement la défense du film au nom de ses qualités cinématographiques (Corrente, 28.2.39). Le public lui fait la fête, c'est un des plus grands succès du cinéma national des années 1930, et il récolte - sans surprise - le Prix de l'État italien 1939. Il reste aussi plusieurs semaines à l'affiche dans les quartiers italophones de New York. Blasetti l'a toujours considéré comme un de ses films préférés (Scritti sul cinema, 1982, p. 290). - DE (nov. 1939) : Stürme über Morreale, ES (janv. 1940) : Héctor Fieramosca.
1939/40Fanfulla da Lodi (IT) de Carlo Duse et Giulio Antamoro
Giovanni Seyta/ODIT-Titanus (Roma), 80 min. - av. Ennio Cerlesi (Fanfulla da Lodi, soldat de fortune), Germana Paolieri (Laura, duchesse de Sassuolo), Osvaldo Valenti (Franco da Genova), Guido Celano (le duc de Termoli), Carlo Duse (Torvaspada), Anita Farra (Viola) Rubi Dalma (Elena), Riccardo Billi (Rubagalline), Luigi Catoni (Furbizia), Piero Pastore (Marco), Achille Majeroni (le seigneur de Sassuolo), Cesare Fantoni (Henri d'Overgne), Bragalone Laurenti (Brancalone da Napoli), Mario Mazza.
Synopsis : À la solde du duc de Termoli, le fameux condottiere Fanfulla da Lodi (1477-1525) prend d'assaut le château du duc de Sassuolo, dans la province de Modène. Mais après sa victoire, il a pitié du sort du vaincu et de sa fille, la ravissante Laura ; il promet la vie sauve au vieux duc prisonnier et fait fuir Laura avec son fiancé Franco da Genova, blessé au combat. Quand Termoli arrive sur place, il ordonne d'exécuter Sassuolo et de poursuivre les fugitifs, car il veut que Laura soit sa femme et que toutes les terres ducales lui reviennent. Sassuolo refuse de révéler le repaire de sa fille et meurt sous la torture. Indigné, Fanfulla quitte son employeur. Les fugitifs cherchent à contacter le condottiere romain Prospero Colonna pour de l'aide, mais Franco, que l'impatience a rendu imprudent, tombe aux mains de l'ennemi. Fanfulla se cache avec Laura, qu'il aime sans espoir, dans un couvent franciscain où il se fait moine. Mais lorsque Termoli retrouve Laura et la ramène de force au château, il renonce à sa vie de méditation et reprend son épée, aidé par une armée d'insurgés. Il parvient ainsi à éliminer Termoli, libérer ses protégés amoureux, puis disparaît. - Film d'aventures fantaisiste réalisé par un vétéran, le comte Giulio Cesare Antamoro (Christus en 1916) et un débutant, l'acteur-scénariste Carlo Duse, cousin de la diva Eleanora Duse. Tournage aux studios Titanus-Farnesina à Rome en automne 1939 avec la collaboration du célèbre maître d'armes Enzo Musumeci Greco.
Blessé à mort, Giovanni de’ Medici (Vittorio Gassman) agonise dans les bras d’Emma Caldana (1956).
1956Giovanni dalle Bande Nere (Jean des Bandes Noires / Le Chevalier de la violence) (IT) de Sergio Grieco
Ottavo Poggi/P. O. Film (Roma), 94 min. - av. Vittorio Gassman (Giovanni de' Medici), Constance Smith (Emma Caldana), Anna Maria Ferrero (Anna), Gérard Landry (Gasparo), Philippe Hersent (frère Salvatore), Silvio Bagolini (Lumaca le bossu), Loris Gizzi (Nicola Del Rovo), Ubaldo Lay (Stefano, père d'Anna), Andrea Aureli (le comte de Lautrec), Emma Baron (la mère d'Emma), Mario Colli (Tommaso Caldana, le frère d'Emma), Edoardo Toniolo (Camillo Di Sermoneta), Gino Scotti (l'officier des lansquenets).
Synopsis : Surnommé " Giovanni des Bandes Noires " car ses troupes mercenaires portent toujours un ruban noir et agissent la nuit, Giovanni de' Medici est engagé par la Ligue de la noblesse italienne dans divers affrontements contre les Français sous le commandement de François Ier puis contre les lansquenets allemands de Georg von Frundsberg au service de Charles Quint. Au fil des combats, il se fait une réputation d'adversaire redoutable et violent, jalousé par son camarade d'armes et lieutenant Gasparo qui se met à conspirer secrètement avec l'envoyé de Charles Quint. Lorsque la Ligue fait cause commune avec les Français contre les Allemands, Gasparo assassine sournoisement Camillo De Sermoneta, le confident de Giovanni afin de provoquer la dissension. En représailles, Giovanni fait saccager l'auberge où son ami a été tué. Il y rencontre Emma Caldana, dont il tombe amoureux mais à qui il ne révèle pas sa véritable identité car elle tient le condottiere pour un monstre sanguinaire. Pour lui, c'est le début d'une régénération. Il lui promet d'épargner la ville de Caravage où résident sa mère et son frère Tommaso, mais Gasparo contrevient à ses ordres, la ville est pillée et les proches d'Emma y perdent la vie. Croyant Giovanni responsable de la mort de sa famille, la jeune femme se détourne de lui et se retire dans un couvent. En 1526, face à l'avancée de troupes impériales très supérieures en nombre, Giovanni défend héroïquement un col vers Borgoforte (Lombardie) avec ses trois cents " Bandes Noires " ; Gasparo le trahit à nouveau mais y laisse sa vie. Mortellement blessé, Giovanni est transporté dans une chapelle où il rend l'âme dans les bras d'Emma qui est accourue pour lui demander pardon. Il a vingt-huit ans.
Une petite réussite de Sergio Grieco (d'après le roman homonyme de Luigi Capranica paru en 1857), du spectacle efficace, avec des combats bien réglés et surtout un Vittorio Gassman très convaincant. À ses côtés, la fort belle Anna Maria Ferrero, sa compagne à la ville et membre de sa compagnie théâtrale de 1953 à 1960. On peut s'étonner de l'absence de l'authentique entourage du Médicis, notamment de son épouse Maria Salvati, remplacée ici par une obscure blonde qu'interprète la starlette irlandaise Constance Smith (The 13th Letter d'Otto Preminger, 1951). Tournage en Supercinescope et Ferraniacolor aux studios IN.CI.R.-De Paolis à Rome, dans les vieux quartiers de Florence, au château Caetani dans le bourg médiéval de Sermoneta (Latium), à Viterbe (Piazza San Pellegrino) et à Poli (Villa Catena). Escroqué par son producteur, Gassman ne sera jamais rétribué pour son interprétation. - DE : Die schwarzen Ritter von Borgoforte, ES : El Caballero de la Banda Negra, Furia barbara, US : The Violent Patriot, John of the Black Gangs.
1959® Caterina Sforza, leonessa di Romagna (Seule contre Borgia) (IT) de Giorgio Walter Chili. - av. Virna Lisi (Caterina Sforza), Roberto Risso (Jean de Médicis/Giovanni dalle Bande Nere, son fils). - cf. Rome : Borgia, chap. 5.2
1976Soldato di fortuna / Il soldato di ventura / La Grande Bagarre (IT/FR) de Pasquale Festa Campanile
Camillo Teti/Mondial Televisione Film (Roma)-Cité Films-Les Films Jacques Leitienne-Labrador Films (Paris)-Imp.Ex.Ci. (Nimes), 115 min./92 min. - Bud Spencer [=Carlo Pedersoli] (Ettore Fieramosca), Andrea Ferreol (la comédienne Leonora), Jacques Dufilho (Mariano Da Trani), Philippe Leroy (Charles de La Motte), Marc Porel (Gaston de Foix, duc de Nemours), Mario Scaccia (Don Gonzalo Pedro de Guadarrama), Franco Agostini (Romanello da Napoli), Gino Pernice (Fanfulla da Lodi), Enzo Cannavale (Brancaleone da Napoli), Angelo Infanti (Graziano d'Asti), Oreste Lionello (Giovenale da Vetralia), Renzo Palmo (frère Lucovico da Rieti), Eros Pagni (Capoccio da Roma), Mario Pilar (Salomone da Cavorà), Mariano Rigillo (Albimonte da Peretola), Giovanni Cianfriglia (D'Anjou).
Synopsis : En 1503, alors qu'il errait dans le sud de l'Italie à la recherche d'un emploi, le soldat de fortune Ettore Fieramosca et sa troupe - Brancalone da Napoli (le chroniqueur du groupe), Romanello da Napoli, Fanfulla di Lodi et Graziano d'Asti - se heurtent à un siège de la ville de Barletta et de sa garnison espagnole par les Français. Devant l'arrogance de ces derniers, Fieramosca se range du côté des assiégés. En repoussant à eux seuls un assaut français contre les murs de la ville, ils gagnent la confiance du commandant de la ville, Gonzalo Pedro di Guadarrama, mais les provisions de la cité étant presque épuisées et les renforts espagnols se faisant attendre, la situation devient critique. Aidés par une troupe de comédiens (dont Leonora qui a un béguin pour Ettore), les mercenaires italiens anéantissent l'artillerie adverse et ramènent une quantité de prisonniers. Fieramosca s'étant fait insulter par Charles de la Motte, treize Français et treize Italiens (fraîchement adoubés) se mesurent en un grand tournoi sur la plage pour laver leur honneur. Les Italiens le remportent tandis que les renforts espagnols investissent Barletta. Fieramosca remet la chronique de leurs glorieux exploits à la cité où l'on constate atterré que le chroniqueur ne sait pas écrire et que son livre ne contient que des gribouillis !
Un divertsissement populaire centré autour du fameux tournoi de Barletta qui sert ici de prétexte pour mettre en valeur la supervedette du spaghetti-western Bud Spencer, un colosse napolitain corpulent et bon vivant, ancien nageur olympique (ici privé de son habituel partenaire Terence Hill), héros matamore d'une farce comico-grotesque imaginée par le tandem Castellano et Pipolo. Sans doute Pasquale Festa Campanile, cinéaste de talent et ex-scénariste de Visconti (Il gattopardo, Rocco), avait-il les mains liées. Pourtant, la reconstitution historique est de qualité (due au grand metteur en scène d'opéra Pier Luigi Pizzi, disciple de Giorgio Strehler) et les machines de guerre du siège sont fabriquées d'après les dessins de Léonard de Vinci. Le budget est assez élévé pour une comédie de Bud Spencer (10 millions de $). Filmé en scope et Eastmancolor en septembre 1975 dans l'enceinte et les alentours de l'immense château de Lucera (prov. de Foggia) en Apulie et aux studios De Paolis à Rome. N. B. : dans la version française, les ennemis sont des Anglais... - DE : Hector, der Ritter ohne Furcht und Tadel, ES : El soldado de fortuna, US : Soldier of Fortune.
Hristo Jivkov en Jean des Bandes Noires dans « Il mestiere delle armi » d’Ermanno Olmi.
2001*** Il mestiere delle armi (Il generale nero) / Le Métier des armes / Der Medici-Krieger (IT/FR/DE/BG) d'Ermanno Olmi
Luigi Musini, Roberto Cicutto, Ermanno Olmi, Alexander Metodiev/Cinema 11 Undici S.r.l. (Milano)-RAI Cinema S.p.A. (Roma)-StudioCanal France (Paris)-Taurus Film Produktion GmbH (München-Ismaning)-Kirchmedia, 104 min. - Hristo Jivkov (Giovanni de' Medici, dit Giovanni dalle Bande Nere), Desislava Tenekedjieva (Maria Salvati de' Medici), Sergio Grammatico (Federico Gonzaga, marquis de Mantoue), Dimitar Ratchkov (Luc'Antonio Cuppano), Fabio Giubbani (Matteo Cusastro), Sasa Vulicevic (Pietro Aretino), Sandra Ceccarelli (une aristocrate de Mantoue), Franco Andreani (l'ambassadeur de Charles Quint), Kalin Arsov (Barcarolo), Giancarlo Belelli (Alfonso d'Este, duc de Ferrare), Bruno Bendoni (Benedetto Agnello), Silvio Cappellini (Maestro Habram), Paolo Magagna (Francesco Maria della Rovere, duc d'Urbino), Nikolaus Moras (le comte Georg/Zorzo von Frundsberg), Aldo Toscano (Aloisio Gonzaga), Andrea Iacopo Di Antonio (Cosimo de' Medici), Marcello Marano (Francesco d'Este), Paolo Roversi (Blaise de Monluc), Marco Sgarbi (Ippolito d'Este), Ilaria Tedeschi (Eleonora d'Este), Maurizio Zacchigna (François de La Noue), Vittorio Corcelli (le frère dominicain), Marco De Biagi (Ercole d'Este), Francesca Lonardelli (une courtisane), Alessandro Genovesi, Michael Lindner, Omero Antonutti (narration).
Synopsis : À la fin novembre 1526 à San Nicolò Po près de Mantoue, sous la brume et les flocons de neige, Giovanni de' Medici dit " Giovanni dalle Bande Nere ", 28 ans, se meurt, la gangrène gagne la plaie et se propage. Il a été blessé par un petit canon (dit fauconneau) embusqué alors qu'il chargeait avec ses mercenaires pour contrer les lansquenets luthériens allemands de Charles Quint commandés par Georg von Frundsberg et les empêcher de saccager la Ville Sainte ; Frundsberg veut en effet franchir le Pô et rejoindre Rome pour y punir le pape Clément VII, un Médicis lui aussi, accusé d'avoir trahi l'empereur. Giovanni est transporté au palais de Loyso Gonzague à Mantoue. Son agonie va durer quatre jours pendant lesquels il se souvient de diverses étapes de sa vie. Sa dernière campagne a été troublée par le refus de Rome de lui envoyer des renforts et de l'argent pour payer ses soldats, ainsi que par la trahison de ses pairs : le duc de Ferrare a fourni des fauconneaux à l'ennemi, petits canons capables de perforer n'importe quel type d'armure, tandis que le marquis de Mantoue a hébergé les Allemands. Sur son lit, Giovanni se souvient combien il a aimé la vie auprès de son épouse Maria Salvati, de leur fils Cosimo, de sa maîtresse passagère rencontrée lors d'un tournoi à Mantoue. Il tient lui-même la lampe lorsque les chirurgiens l'amputent. Après sa mort, quelques chefs de guerre demandent l'abolition des armes à feu dans les combats... Cinq mois plus tard, Rome est totalement mise à sac et dévastée par les lansquenets germaniques.
Artiste exigeant, cultivé, solitaire et rare, lauréat de la Palme d'Or à Cannes en 1978 pour L'albero degli soccoli (L'Arbre aux sabots) et dix ans plus tard du Lion d'Or à Venise pour La leggenda del santo bevitore (La Légende du saint buveur) d'après Joseph Roth, Ermanno Olmi s'est surtout penché sur la chronique des paysans pauvres, arborant un point de vue humaniste et un dépouillement bressonnien - qui n'évite pas toujours l'ennui - pour aborder des réflexions sociales traversées de fulgurances poétiques. C'est dire que, venant d'un cinéaste qui abhorre le cinéma spectaculaire et commercial, Il mestiere delle armi est un sujet inattendu et une surprise de taille. Dans une note d'intention, Olmi précise toutefois : " De nos jours, le soldat ne voit pas et ne sait pas qui il tue. Ni par qui il est tué. Aujourd'hui, plus que par le passé, les hommes pour les hommes ne sont plus des hommes, mais juste des objectifs à anéantir. On perd toujours davantage la conscience de la souffrance et de la pitié et, par conséquent, de chaque sentiment humain qui nous met en relation avec les autres ". Homme d'honneur pratiquant le " métier des armes ", redoutable soldat de fortune et stratège, Giovanni de' Medici assiste à la transformation de l'art de la guerre avec l'arrivée des armes à feu qui fait des ravages à distance : se battre n'est plus n'est plus un face-à-face entre hommes, on entre dans l'époque des massacres impersonnels. Désormais, ce n'est plus le courage individuel, mais c'est l'argent qui fait la guerre. Par la même occasion, le film révèle le comportement erratique des classes dominantes du pays, fait qui explique pourquoi la péninsule est restée pendant tant de siècles sous le joug des monarchies voisines.
 Méditatif, lent et lancinant tout en étant d'une surprenante actualité, le film d'Olmi s'avère en porte-à-faux avec tout le cinéma de son temps, loin du tapage et des effets gratuits, offrant un récit antihéroïque (soit l'exact contraire du Condottieri de Luis Trenker, cf. supra). Menés sous le regard interrogateur d'enfants ou les imprécations de quelques vieillards, les mouvements de troupes comptent moins que les trahisons, les souvenirs intimes, voire la chronique récitée de Pierre l'Arétin au cours de ce long voyage vers la mort, accepté sereinement. L'austérité n'exclut jamais les intrigues, confrontations vocales ou passes d'armes esquissées, scènes où tout sonne vrai, la reconstitution étant scrupuleusement exacte : Olmi rappelle qu'en Italie aux XIVe-XVe siècles, mercenaire était un métier comme un autre et il le détaille en documentariste, filmant, comme dans ses autres œuvres, scrupuleusement le " travail ". Pour freiner l'avancée d'un ennemi dix fois supérieur, Giovanni applique une tactique de guérilla, chevaux légers et arquebusiers à cheval, tout en détruisant les ponts sur le Pô. Le mise en scène crée une vision neuve du fameux condottiere, renforcée par le caractère liturgique de la musique de Fabio Vacchi. Comme le remarque Marie-Pierre Lafargue, le film " impressionne avant tout par la puissance de chaque cadre à révéler le sacré dans le quotidien. Les gestes patiemment scrutés et filmés comme des rituels manifestent l'abnégation du soldat mais révèlent surtout, sous l'armure, l'homme continuellement trahi par ses armes " (Dictionnaire du cinéma italien, Paris, 2014, p. 7421). Les images sont sans ostentation ni éclat mais justes et composées comme des tableaux d'époque, dans des lumières et des atmosphères particulières, nuits tombantes, contre-jours, aubes hivernales (à la caméra, Fabio Olmi, fils du réalisateur). Le tournage s'est effectué du 17 janvier au 7 avril 2000 en Lombardie (Palazzo Ducale, basilique de Sant'Andrea, Casa della Beata Osanna Andreasi et Cortile della Mostra à Mantoue, Rocca Sforzesca di Soncino à Crémone), en Émilie-Romagne (le château Estense à Ferrare), en Bergame (Palazzo Barbò à Torre Pallavicini), puis pour l'essentiel en Bulgarie dans le delta du Danube (à Dubovan, province de Pleven). Ce qui explique pourquoi Médicis et son épouse sont campés par des acteurs bulgares. Complexe et envoûtant, le film est fraîchement accueilli au festival de Cannes 2001 où la presse française s'assoupit comme un seul homme (elle se rattrapera par la suite), mais c'est un énorme succès critique et public en Italie. Il mestiere delle armi ne décroche pas moins de neuf David di Donatello (l'équivalent italien de l'Oscar) pour le meilleur film, la réalisation, le scénario, la production, la photo, le son, les décors, les costumes et le montage, récolte suivie de trois Nastro d'argento (photo, décors, costumes) ainsi qu'une nomination (réalisation), deux nominations à l'European Film Awards (réalisation, photo), deux Globes d'or (film et photo), etc. - ES : El oficio de las armas, GB : The Profession of Arms.