III - L’ITALIE

4. ITALIE CENTRALE : TOSCANE ET OMBRIE

4.4. La République de Sienne et la légende de Pia de’ Tolomei

Devenue cité libre et indépendante au XIIe siècle, Sienne est de par son engagement gibelin (partisane de l'empereur) la rivale de la Florence guelfe, alignée sur la politique papale. En 1279, le roi de Naples et de Sicile Charles d'Anjou, allié de Florence, écrase l'armée siennoise et contraint la république d'entrer dans la ligue guelfe. La banqueroute du clan de Buonsignori et la peste de 1348 marquent la fin de la grandeur siennoise et le duc milanais Gian Galeazzo Visconti domine la ville et ses factions à la fin du Trecento. Elle passe sous le contrôle des Français par Charles VIII en 1493, résiste vainement aux troupes impériales de Charles Quint et est intégrée de force en 1555 au duché de Florence, offerte par Philippe II d'Espagne à Cosme Ier de' Médicis, grand-duc de Toscane.
PIA DE' TOLOMEI est l'épouse malheureuse de Raganello/Rinaldo della Pietra [Nello dei Pannocchieschi], le tyran gibelin de Sienne qui la fait assassiner en 1295 parce qu'elle aime le guelfe Duccio. La légende de l'aristocrate siennoise est entourée de mystère. Dante évoque le sort de la vertueuse victime (" la Pia ") dans La Divine Comédie (chant V du Purgatoire) aux côtés de Francesca de Rimini, autre victime domestique (cf. chap. 1.2). L'époque (1295 ?), l'identité réelle de Pia comme les raisons de sa séquestration et de son décès (maladie, poison) varient. La matière a été reprise par Bartolomeo Sestini (1822) et, entre autres, par Marguerite Yourcenar (Le Dialogue dans le marécage, théâtre 1930). Pia est également l'héroïne d'un opera seria en 2 actes de Gaetano Donizetti, sur un livret de Salvatore Cammarano (1837).
1908Pia dei Tolomei (IT) de Mario Caserini
Società Italiana Cines (Roma), 290 m. - cf. film de 1910. - DE : Pia dei Tolomei. Eine falsche Anschuldigung.
1910Pia de' Tolomei / Pia de Tolomeï (IT/FR) de Gerolamo Lo Savio
Film d'Arte Italiana (Roma)/Série d'Art Pathé Frères (SAPF) Paris, 262 m. - av. Tina Orsini Sansoldo (Pia de Tolomei), Francesco Di Gennaro (Ugo), Gastone Monaldi (Rinaldo della Pietra), Giulio Grassi (Tolomei, père de Pia), Campioni (le frère de Pia), Attila Ricci (un marchand).
Synopsis : La guerre civile fait rage et le gibelin Rinaldo della Pietra, tyran de Sienne, est obligé de combattre son beau-père Tolomei, un guelfe ; il confie son épouse Pia, qui a vainement tenté de réconcilier les deux familles, à son ami Ugo. Amoureux de Pia, ce dernier lui fait des avances qu'elle repousse. Pour se venger, Ugo intercepte une lettre du frère de Pia la suppliant d'abandonner son mari et de rejoindre ceux de son clan. Le félon convainc Rinaldo que son épouse le trompe et le conduit de nuit au lieu de rendez-vous entre frère et soeur. Fou de jalousie, le mari fait enfermer Pia dans son château ancestral de la Pietra dans les marais insalubres de la Maremme où elle contracte la malaria. Mortellement blessé au combat, Ugo avoue son mensonge à Rinaldo et innocente Pia, mais ce-dernier arrive trop tard pour sauver son épouse qui décède dans ses bras.
1911La pena del taglione (La Peine du talion) (IT)
Società Anonima Ambrosio, Torino, 184 m. - av. Alberto A. Capozzi, Gigetta Morano, Giovanni Coppo. - Les armées de Sienne assiègent la cité de Pise que commande le grand-duc Galeazzo. Son fils est tué au combat et le grand-duc étant parvenu à capturer le fils de son ennemi siennois, il exige de ce dernier une rançon exorbitante pour se venger. La mère du captif sacrifie ses derniers bijoux. Galeazzi invite son otage à escalader les murailles de la cité pour regagner sa liberté, puis retire l'échelle. Le Siennois s'écrase au sol. - GB, US : The Law of Retaliation, DE : Die Strafe der Wiedervergeltung.
1921Pia de' Tolomei (IT) de Giovanni Zannini
Zannini-film Milano, 1900 m. - av. Lina Pellegrini (Pia de' Tolomei), Vittorio Simbolotti (Raganello della Pietra), Roberto Villani (Buoniscontro Guastelloni), Alfredo Mazzotti (Ghino di Tacco), Mietto Bardelli, Michele Karakasch, Antonio Sabellico, Riccardo Bertacchini, Ruggero Donadoni.
La légende de Pia, victime de la jalousie de son époux : les noms changent (Rinaldo devient Raganello, etc.), l'intrigue reste la même (cf. 1910).
1941Pia de' Tolomei (IT) d'Esodo Pratelli
Pietro Mander/Società Anonima Manderfilm, Roma, 2137 m./78 min. - av. Germana Paolieri (Pia de' Tolomei), Carlo Tamberlani (Raganello della Pietra), Nino Crisman (Ghino di Tacco), Lauro Gazzolo (Frère Martin), Cesco Baseggio (Matteo), Carlo Romano (Leone) Luigi Garrone (père Paolo), Antonio Marietti (Piero de' Tolomei), Nando Tamberlani (le comte della Pietra), Achille Majeroni (le comte de' Tolomei).
Synopsis cf. film de 1910. Tournage à Cinecittà, à Sienne (Porta Pispini, Palazzo Pubblico, Banchi di sopra e di sotto, Cortile dei podestà), dans la région toscane de Crenete senesi, à Rosia (Ponte della Pia) et à la forteresse de Montalcino.
1955Il falco d'oro (La Vengeance du Faucon d'or) (IT) de Carlo Ludovico Bragaglia
Ottavio Poggi/P.O. Film, 90 min. - av. Anna Maria Ferrero (Fiammetta), Massimo Serato (Massimo Montefalco), Nadia Gray (Ines Della Torre), Frank Latimore (Ubaldo Della Torre), Rose Alba (Gertrude Montefalco), Carlo Sposito (Simon).
Sienne au XVIIe s. Une haine séculaire sépare les Montefalco et les Della Torre. Devenue chef de famille, Gertrude Montefalco, décide son fils Massimo à rétablir la paix et demander la main d'Inès Della Torre. Mais Fiammetta, amoureuse de Massimo, veut empêcher cette union et intrigue. Poursuites, enlèvements, duels, etc. Gertrude épouse Ubaldo Della Torre, Inès son cousin Simon et Massimo la jeune Fiammetta. - Film de cape et épée tourné par le vétéran Bragaglia en Superscope et Ferraniacolor en Toscane, au château Odescalchi à Bracciano, à Viterbe (Piazza San Lorenzo) et à Rome (Cascata della Mola).
1958Pia de' Tolomei / La Parole est à l'épée (IT/FR) de Sergio Grieco
Carlo Infascelli/Do.Re.Mi. (Roma)-Procinex (Paris), 108 min. - av. Jacques Sernas (Ghino Perticari), Ilaria Occhini (Pia de' Tolomei), Bella Darvi (Bice), Arnoldo Foà (Raganello della Pietra), Marcella Rovena, Renato Terra, Giulio Cali, Conrad Andersen, Tom Felleghy, Marco Paoletti, Edoardo Toniolo, Franca Mazzoni, Raf Baldassare.
Synopsis : Le chef des gibelins à Sienne tient en otage Pia, la fille du chef des guelfes en exil. Elle vit recluse mais amoureuse du peintre Ghino qui réorganise en secret les troupes de guelfes pour s'emparer de la cité. Il est grièvement blessé au cours d'une bataille, soigné par un berger, tandis que ses camarades survivants sont prisonniers des gibelins. Nello accepte de leur accorder la liberté s'il peut épouser Pia. Celle-ci accepte, car on lui fait croire que Ghino est décédé. Guéri, Ghino s'introduit dans le château pour enlever Pia, mais elle s'est résignée à son sort et refuse de le suivre. Une espionne jalouse de Pia fait croire à Nello que son épouse la trompe. Furieux, Nello enferme Pia dans une tour des marais de Maremme ; Ghino accourt, arrive trop tard : elle succombe à la malaria. - Tournage en Supercinescope et Ferraniacolor en août 1958 à San Gimignano (via Maremmana), à Sienne (Palazzo Pubblico), à Tuscania et à Cinecittà. Une relative réussite de Sergio Grieco (des extérieurs splendides, de fort beaux costumes signés Beni Montresor), mais qui prend quelques libertés avec la légende.
1962** Lo spadaccino di Siena / La congiura dei Dieci / Le Mercenaire / Swordsman of Siena (IT/FR) d'Étienne Périer [et Baccio Bandini, Leslie Norman]
Jacques Bar/Compagnia Cinematografica Mondiale (C.C.M., Roma)-Monica Film (Roma)-Compagnie Internationale de Productions Cinématographiques (C.I.P.R.A., Paris), 96 min. - av. Stewart Granger (Thomas Stanwood), Sylva Koscina (Orietta Arconti), Christine Kaufmann (Serenella Arconti), Alberto Lupo (Andrea Paresi), Riccardo Garrone (Don Carlos), Marina Berti (la comtesse d'Osta), Tullio Carminati (père Giacomo), Claudio Gora (le Conseiller Leoni), Carlo Rizzo (Gino), Fausto Tozzi (cpt. Hugo), Tom Felleghi (le capitaine espagnol).
Synopsis : Sienne en 1552, sous le joug espagnol. Le mercenaire anglais Thomas Stanwood, séducteur et escrimeur hors pair, débarque dans la cité où Don Carlos, le gouverneur, lui demande d'assurer la protection de sa fiancée Orietta Arconti qui, elle, n'affiche que du mépris pour son nouveau garde du corps. Stanwood se lie d'amitié avec sa soeur cadette, Serenella, dont le père a été assassiné par le cruel capitaine Hugo, cousin du gouverneur. Révolté par les exactions des séides espagnols, l'Anglais rejoint la conjuration du " Conseil des Dix " qui lutte pour la libération de la cité et que dirige secrètement Orietta. En remplacement d'Andrea Paresi, qui vient d'être poignardé, il prend part à la grande et très périlleuse course de chevaux du " Palio " dans les rues de la ville, course d'obstacles annuelle où il remporte la victoire en risquant plusieurs fois sa vie, car tous les coups, y compris l'assassinat à l'arbalète, y sont permis. Son triomphe provoque un soulèvement général et le lynchage du capitaine Hugo. Déposé par le peuple, aspergé de spaghettis, Don Carlos est chassé sous les huées et évacue ses mercenaires (maltraités par des coups de bâtons) tandis que Stanwood serre Orietta dans ses bras.
Adapté d'un roman de l'Américain Anthony Marshall, le film a une longue préhistoire à Hollywood : annoncé en 1951 avec Yvonne de Carlo, en 1954 à la MGM en extérieurs en Italie avec Robert Taylor puis avec Stewart Granger et Gina Lollobrigida sous la férule d'Andrew Marton, enfin en 1955, toujours avec Granger, donnant cette fois la réplique à Elizabeth Taylor sous la direction de Roy Rowland. Quand le projet se concrétise enfin en Italie - où Granger vient de jouer dans Sodom and Gomorrha d'Aldrich - et que le tournage peut commencer (octobre 1961), Gina Lollobrigida est remplacée à la dernière minute par Sylva Koscina. Le film, dont la Metro-Goldwyn-Mayer assume une partie de la distribution internationale, est commencé par le réalisateur britannique Leslie Norman, qui est renvoyé et remplacé par l'astucieux cinéaste belge Étienne Périer ; Baccio Bandini qui signe officiellement la version italienne est en réalité l'assistant de production. On filme en CinemaScope et Eastmancolor aux studios Titanus Appia à Rome où sont reconstitués la Piazza del Campo siennoise, point de départ du " Palio ", et la façade du Palazzo Pubblico pour la course de chevaux en apothéose, puis dans les parages de la capitale, au château Odescalchi à Bracciano et aux cascades de Monte Gelato (Valle del Treja). Si le sujet n'a en soi rien d'original, il est rehaussé par des décors raffinés, une mise en scène alerte et la présence électrisante de Stewart Granger, au meilleur de sa forme malgré ses 48 ans. Élegant, ironique et surtout redoutable épéiste (inoubliable Scaramouche en 1951), il transforme cette aventure classique en un spectacle jouissif, bondissant avec une ardeur communicative. - DE : Degenduell.
1973(tv-th) Le Dialogue dans le marécage (FR) de Michel Hermant
ORTF (FR3 31.7.73), 60 min. - av. Alain Mottet (Sire Laurent), Gérard Berner (Frère Candide), Marie-Hélène Breillat (Pia [de' Tolomei]), Françoise Bertin et Paulette Frantz (deux servantes), Georges Lewis (le père) Catherine Breillat (l'autre), Serge Martina (Simon).
Dans son château situé au cœur des marécages autour de Sienne, Sire Laurent, un vieux mari jaloux, revoit Pia, l'épouse qu'il avait reléguée douze ans auparavant à vivre seule pour avoir posé les yeux sur un autre homme, alors qu'elle n'avait que dix-sept ans. Il s'apprête à lui accorder le pardon, l'ancien amant étant mort. Sa femme ne veut d'abord pas le croire et rallume en lui la jalousie, mais il constate bientôt qu'elle a atteint une félicité qu'il n'a jamais connue : autour d'elle poussent des roses, elle nourrit les pauvres et ne reconnaît pas son mari... Une pièce de Marguerite Yourcenar (1930) inspirée par la légende de Pia de' Tolomei (cf. film de 1910).
2005(vd-mus) Pia de' Tolomei (IT) de Christian Gangneron (th) et Tiziano Mancini (vd)
Dynamic S.r.l.-Teatro La Fenice di Venezia, 137 min. - av. Patrizia Ciofi (Pia de' Tolomei), Dario Schmunck (Ghino degli Armieri), Andrew Schroeder (Nello della Pietra), Laura Polverelli (Rodrigo), Daniel Borowski (Piero), Francesco Meli (Ubaldo), Clara Polito (Bice), Carlo Cigni (Lamberto), Luca Favaron (le geôlier).
Une des rares sinon l'unique captation de l'opéra de Gaetano Donizetti, sur un livret de Salvadore Cammarano (1837), dans sa version initiale comportant un dénouement tragique.