III - L’ITALIE

3. LA RÉPUBLIQUE SÉRÉNISSIME DE VENISE

Une erreur judiciaire criminelle : « Il fornaretto di Venezia » (1923) de Mario Almirante.

3.3. Le procès du petit boulanger de Venise (1507)

Chronique judiciaire de 1507, sous le doge Leonardo Loredan : Piero Tasca, le fils d'un boulanger de San Paternian, est accusé à tort d'avoir tué une femme de la haute société, Elena Loredano, épouse de Leonardo Loredano, membre influent du Conseil des Dix. Le père du jeune homme parvient à découvrir le véritable assassin - Loredano - et à prouver sa culpabilité devant le Conseil, mais il arrive trop tard : son fils à déjà été torturé et exécuté et les princes de la République refusent d'écouter Loredano qui avoue son crime. Un fait-divers criminel, une énigme policière aux accents politiques (l'aristocratie contre le peuple) reposant sur une légende vénitienne et développé dans le drame Il Fornaretto de Francesco Dall'Ongaro (1846). Leonardo Loredan (1436-1521) est le 75e doge de Venise, pendant la période de 1501 à 1521, dogat entaché de nombreux scandales financiers.
1907Il fornaretto di Venezia (IT) de Mario Caserini
Società Italiana Cines (Roma), 228 m. (14 tableaux). - av. Ubaldo Maria Del Colle, Fernanda Negri-Pouget. - US : Venetian Baker / Drama of Justice.
1914Il fornaretto di Venezia (IT) de Luigi Maggi
Benedetto Foà/Leonardo Films (Torino), 1400 m. - av. Umberto Mozzato (Loredano), Alberto Nepoti (Piero Tasca, le boulanger), Eugenia Tettoni (Elena Loredano), Margherita [Rina] Albry (Annetta, fiancée de Piero), Alfredo Doria (Barnaba), Felice Carena (le père de Piero), Vittorio Tettoni (Alvise Duodo), Paola Pezzaglia (Sofia), Mss Morra, Cenni, Guido Adami. - Une production de la filiale d'Ambrosio pour laquelle Segundo de Chomón (le Méliès espagnol) assume les trucages, comme la décapitation du boulanger. Tournage dans les studios turinois de la Via Sacra di San Michele et en extérieurs à Venise.
Un boulanger victime d’intrigues sordides parmi les patriciens vénitiens (1923).
1923Il fornaretto di Venezia / La storia del fornaretto di Venezia / Il povero fornaretto di Venezia (La Patricienne de Venise) (IT) de Mario Almirante
Alba-film Torino, 1875 m./70 min. - av. Alberto Collo (Pietro Faciol, le boulanger), Amleto Novelli (l'avocat Lorenzo Barbo), Nini Dinelli (Clemenza Barbo), Vittorio Pieri (Marco Faciol, père du boulanger), Lia Miari (Annella), Alberto Pasquali (Alvise Guoro), Oreste Bilancia (le pêcheur), Felice Minotti.
Un des plus grands succès du cinéma muet italien de 1923, tourné à grands frais aux studios FERT de Turin et à Venise, avec quelques variantes : pendant le carnaval, le boulanger découvre le cadavre du comte Alvise Guoro et c'est Lorenzo Barbo, cousin de ce dernier, qui prend la défense du suspect en s'attirant l'ire du patriarcat ; l'assassin serait le comte volage Strucchi, qui a tué son rival avec l'assistance de sa maîtresse, Clemenza, l'épouse de Guoro. Ce dernier s'accuse publiquement du meurtre, mais personne ne l'écoute. La censure fait couper toutes les scènes de torture dont le jeune boulanger est victime avant d'être exécuté.
1939* Il fornaretto di Venezia (IT) de John Bard [=Duilio Coletti]
Vittorio Vassarotti/Vi-Va Film (Roma), 74 min. - av. Roberto Villa (Piero Tasca, le boulanger), Elsa De Giorgi (Annetta), Clara Calamai (Olimpia Zeno), Osvaldo Valenti (Alvise Duodo), Enrico Glori (Lorenzo Loredano), Gero Zambuto (Tasca), Carlo Tamberlani (Marco Mocenigo), Letizia Bonini (Elena Loredano), Ermanno Roveri (Tonin), Renato Chiantoni (le témoin au procès), Pietro Germi (le frère dominicain), Cesare Polacco (Barnaba), Stefano Sibaldi (le perruquier).
Dans cette version plastiquement superbe, tournée à Cinecittà et en extérieurs bien sûr à Venise, le petit boulanger est sauvé à la dernière minute : l'Italie mussolinienne ne saurait tolérer à l'écran l'ombre d'un conflit sociétal, voire une injustice cautionnée par l'État. Justicier masqué, Marco Mocenigo révèle l'identité de l'assassin d'Alvise Duodo, l'Inquisiteur Loredano en personne, et celui-ci a le bon goût de se suicider avant que le bourreau ne fasse son travail. - DE : Tat ohne Zeugen.
1952La storia del fornaretto di Venezia (IT) de Giacinto Solito
Angelo Proia/O.C.I. Film-A. Fasce, 96 min./87 min. - av. Marco Vicario (Piero Tasca, le boulanger), Mariella Lotti (Anna Loredan), Paolo Carlini (l'Inquisiteur Marco Loredan), Stanis Cappello (le doge Leonardo Loredan), Doris Duranti (Bianca Sormani), Arnoldo Foà (Alvise Venier), Paolo Dola (Leonardo), Fosca Freda (Maria), Luciano Rebeggiani (Barnaba), Vira Silenti (Lisa).
Dans cette version d'après-guerre, le boulanger est sauvé par les aveux du coupable, confession faite à un prêtre sur son lit de mort. L'Église catholique intervient ainsi à temps pour empêcher l'exécution, se démarquer de la corruption du régime de hier et... gagner des voix pour la Democrazia Cristiana de demain. Film tourné entièrement en studio (IN.CI.R. Roma).
1959(tv) Il povero fornaretto di Venezia (IT) de Mario Landi
Radiotelevisione Italiana (RAI 12.10.59), 119 min. - av. Gabriele Antonini (Piero Tasca, le boulanger), Grazia Maria Spina (Annella), Fosco Giachetti (Marco), Lydia Alfonsi (Clemenza), Mario Feliciani (Lorenzo), Cesarina Gheraldi (la procureure), Tino Bianchi (Giovanni), Franco Volpi (Bondumier), Achille Majeroni (le doge Leonardo Loredan). - Une représentation du " Teatro Popolare " de Diego Fabbri à Forlì (Émilie-Romagne). Catholique antifasciste et scénariste de plusieurs films de Roberto Rossellini (Il generale Della Rovere, 1959), Fabbri adapte le drame de Francesco Dall'Ongaro en mettant en avant le contexte politique.
Jacques Perrin, bouleversant en innocent condamné à mort dans le film de Duccio Tessari (1963).
1963** Il fornaretto di Venezia / Le Procès des Doges / Le Petit Boulanger de Venise (IT/FR) de Duccio Tessari
Danilo Marciani/Ultra Film, Sicilia Cinematografica (Palermo)-Lux Film (Roma)-S. N. E. Gaumont (Paris), 110 min./100 min./94 min. - av. Jacques Perrin (Pietro Faciole, le boulanger), Enrico Maria Salerno (le comte Lorenzo Parma), Michèle Morgan (la comtesse Sofia Zeno, sa maîtresse), Sylva Koscina (la comtesse Clemenza Parma, son épouse et la maîtresse d'Alvise Guoro), Stefania Sandrelli (Anella, fiancée du boulanger), Gastone Moschin (le conseiller Garzoni), Fred Williams (le comte Alvise Guoro), Ugo Attanasio (Morosini), Mario Brega (Bartolo), Viktor Stacic (le doge Leonardo Loredan), Duccio Tessari (Orazio), Sima Janicijevic (Facciol père), Frederik Hall (le serviteur de Sofia), Jacques Stany (le comte Strucchi).
La version la plus aboutie du drame, librement inspirée de Francesco Dall'Ongaro et mise en scène par Duccio Tessari (ancien assistant et scénariste de Vittorio Cottafavi) auquel on doit l'épatant Les Titans (1961), péplum très satirique, dynamique et visuellement inventif produit par Alexandre Mnouchkine. C'est une coproduction italo-française avec Michèle Morgan en vedette et le jeune Jacques Perrin, révélé deux ans plus tôt dans La ragazza con la valigia de Valerio Zurlini. Le petit boulanger accusé injustement du meurtre d'un noble est jugé par le Conseil des Dix où deux factions s'affrontent : celle de Garzoni, opposée à toute représentation populaire au sein du gouvernement et décrétant le jeune plébéien coupable, et celle de Parma, plus libérale, qui plaide pour son innocence. Parma lui-même aspire à être le futur doge. Quand il voit que sa cause ne triomphera pas, il révèle la vérité : il a tué la victime, son cousin, qui était l'amant de sa femme. Mais l'aveu arrive trop tard, le boulanger vient d'être exécuté sur la Piazza Grande et le Conseil des Dix refuse de l'écouter au nom de l'intérêt supérieur de la République. Parma accuse le Conseil, notamment son ennemi personnel Garzoni, d'avoir donné l'ordre délibéré d'exécuter un innocent qu'on a fait avouer sous la torture. Tessari cherche à transcender les facilités du mélo historique pour exposer avec subtilité comment le vrai procès devient celui d'une aristocratie corrompue, mais faute d'intensité et de passion, il n'évite pas toujours certaines longueurs mélodramatiques vers la fin. Visuellement, en revanche, son film regorge d'annotations insolites ou folkloriques (artisans, épiciers et boulangers se battent sur le Canale Grande, des acteurs de la commedia dell'arte miment le drame, l'intervention du Titien et la lecture de Machiavel, le duel à la torche entre Alvise et Strocchi, etc.). Le récit se structure autour de plusieurs flash-backs et la caméra, très mobile, arpente avec élégance espaces et décors ; comme le rappelle Bertrand Tavernier (blog dvd), " Tessari tente de dynamiser le procès avec des travellings s'enchaînant sur des panoramiques et un montage elliptique ", le tout mêlé à des recherches visuelles ou domine " un mélange de couleurs chaudes avec des dominantes plus froides et bleutées à l'arrière-plan. " Hélas, Tessari, loin de n'être qu'un simple artisan, n'a plus jamais retrouvé cette inspiration. Tournage en scope et Eastmancolor au Teatro Carignano de Turin, aux studios Bruno Ceria à Trieste et bien sûr à Venise en hiver (Palais ducal). Le film, très plaisant à voir, décroche une nomination plus que méritée du Syndicat national italien des journalistes du film pour la meilleure photo en couleurs due à Carlo Carlini, l'opérateur de Fellini, Rossellini et Cottafavi. - ES : Proceso en Venezia, DE : In Ketten zum Schafott, DE-DDR : Der Bäckerbursche von Venedig, US (tv) : The Scapegoat.
1964(tv) Il fornaretto di Venezia (IT) d'Antonello Falqui
Série " Biblioteca di Studio Uno ", RAI (Programma nazionale), 65 min. - av. Virgilio Savona (le juge Lorenzo Barbo), Lelio Luttazzi (Alvise Gudro), Tata Giacobetti (Pietro Tasca), Sandra Mondaini (Annella), Lucia Mannucci (Clemenza Barbo), Felice Chiusano (Bondumier), Lauretta Masiero (Sofia Zeno), Carlo Campanini (Marco Tasca), Enrico Viarision (le doge Leonardo Loredan), Gianni Agus (Alfredo Vendramin), Pamela Tudor (Fiammetta Vendramin), Mario Valdemarin (Maso Visentin). - Parodie musicale sur des airs de Bruno Canfora et Virgilio Savona.